Le bâtiment initial a été érigé autour des années 1620, une structure en forme de U conçue dans le style de la Renaissance mosane. Vers les années 1770, une magnifique construction néo-classique a été ajoutée à côté du bâtiment principal. Il appartenait au Conseiller Privé du Prince-Evêque de Liège et était autrefois situé dans la Principauté de Liège. Charles et sa femme rénovent progressivement le bâtiment.
Depuis mon enfance, j'ai toujours été passionné par les bâtiments et le patrimoine de notre famille. Après des études en gestion, j'ai naturellement choisi une carrière dans la gestion et la rénovation de grands biens immobiliers. En 2004, après la mort d'un grand oncle, la propriété nous a été laissée dans un état tel qu'elle avait besoin d'une rénovation complète. Donc, ma famille n'avait que deux choix : soit de le garder et donc le rénover, soit de le vendre. Ensemble avec ma femme, après avoir soigneusement analysé la faisabilité, nous avons décidé de relever le défi et de sauver ce bien familial exceptionnel.
J'ai une double motivation. D'une part, je veux sauvegarder un patrimoine de grande qualité, et, d'autre part, je cherche aussi à préserver son caractère familial et habité du bâtiment pour qu'il ne perde pas son âme et son cachet. Ma plus grande fierté est d’y parvenir.
Pour nous, le caractère historique et l'héritage familial de cette maison sont importants. Mais en même temps, c'est un endroit où je peux vivre avec ma femme et nos enfants. Il est important pour moi que ma famille soit consciente de la chance que nous avons d’habiter dans une telle propriété, même si nous ne pourrons en prendre pleinement la mesure qu'une fois que les travaux de rénovation seront terminés. La valeur d'une telle propriété nous donne l'énergie et la motivation pour atteindre notre objectif final dans un délai raisonnable.
La propriété a nécessité une rénovation complète, en commençant par le toit. Les dégâts causés au bâtiment, en particulier suite à des infiltrations d'eau, ont été catastrophiques pour les stucs, les plafonds et l'ensemble de la structure du bâtiment. Le coût de la rénovation a augmenté de façon exponentielle.
Ensuite, ce qui sera important pour nous après la rénovation, ce sera de pouvoir anticiper les prochaines et donc de maintenir le bien en état grâce à de petits travaux d’entretien tout au long de la vie du bâtiment afin qu’il ne subisse plus de grosses dégradations pour les générations à venir.
C'était l'un des défis que ma femme et moi nous étions fixés avant de commencer. Nous ne pouvions pas nous imaginer porter plusieurs couches de pull-overs en hiver. Nous aurions perdu notre motivation à s'engager dans cette aventure. Par conséquent, nous avons prévu de faire de notre « maison » une partie du bâtiment et de le transformer en un espace où nous pourrons vivre selon les normes de vie modernes. Nous l'avons fait avec l'aile droite du bâtiment, qui était plus facile à rénover. Dans le même temps, nous veillons à préserver pleinement la valeur historique et esthétique de la partie la plus intéressante du bâtiment en conservant son caractère traditionnel intact.
Nous avons demandé des subventions de la région flamande pour nous aider à financer la rénovation des toits. Jusqu'à présent, nous avons eu une expérience positive avec l'administration.
Trop souvent, la fierté familiale oblige les familles à garder ces propriétés bien qu'elles ne soient pas en mesure d'effectuer les travaux d'entretien nécessaires. Ils n'envisagent même pas de le vendre, mais ils ne savent pas non plus s'il existe des alternatives pour restaurer ces types de bâtiments.
Il y a toujours un dilemme lorsque vous êtes le propriétaire d'une telle propriété, surtout lorsque vous envisagez de la transmettre aux générations suivantes.
Néanmoins, garder la jouissance et transmettre une ruine n’est pas ce qu’il y a de plus généreux en soit pour la génération future. Par ailleurs, transmettre un bien d’une telle ampleur à des personnes étant déjà établies depuis longtemps n’a pour moi pas beaucoup d’intérêt non plus vu la charge que cela représente, et pas uniquement au niveau financier.
Il est donc nécessaire de faire prendre conscience dès le plus jeune âge de l’intérêt de la préservation et de renforcer les initiatives en ce sens.
Les Journées européennes du patrimoine sont un vecteur qui démontre l'intérêt du public pour le patrimoine, compte tenu du succès grandissant de l'initiative au fil des ans. Personnellement, je crois que vivre caché à l'intérieur d'un tel bâtiment sans jamais l'ouvrir au public, crée de l'incompréhension et parfois de la jalousie. Je pense qu'il est important, même si ce n'est pas toujours facile, de donner au public la possibilité de découvrir ces monuments exceptionnels et de témoigner de notre histoire et de notre patrimoine. Même s'il s’agit de le partager qu'une fois par an à une période déterminée et pour un public restreint. Ouvrir un jardin est déjà une belle initiative qui permet de partager l'histoire de la propriété avec le public.
Pour notre part, nous souhaitons poursuivre et ancrer le château dans son histoire liée à l’art. Dès lors, nous allons mettre sur pied durant 2 week-end annuels des journées dont le thème sera « le soutien aux jeunes artistes et créateurs » et dont l’aile gauche du château, le koetshuis sera un écrin.
Par cette intermédiaire, le château sera ouvert sur le monde.
Lorsque vous commencez à penser à la prochaine génération, il y a bien sûr quelques précautions à prendre : la première est l'aspect financier et la seconde est l'héritage et l'indivisibilité. Il est important que ce genre de maison soit préservé. Pour ce faire, une stabilité financière est nécessaire. Une bonne situation professionnelle peut bien sûr aider, mais la solution clé est d'équilibrer les dépenses liées à la propriété avec la source potentielle de revenu liée à la valeur patrimoniale du bâtiment.
C'est pourquoi j'ai décidé de relier une de mes activités professionnelles au château en développant une marque de maroquinerie et en créant nos propres ateliers dans l'une des dépendances. Quant à la succession, il est important de pouvoir satisfaire chacun des enfants et de les laisser choisir leur propre plan de vie. À mon avis, c'est le plus grand défi : maintenir l'unité dans la famille et une propriété bien rénovée en sa possession.
En tant que jeune couple avec deux jeunes enfants de 7 et 4 ans, on pourrait penser que nous avons de nombreuses années devant nous pour préparer la prochaine génération. Pourtant, je pense que nous devons anticiper. Nous devons leur apprendre à apprécier leur environnement et à les inspirer avec intérêt et sens des responsabilités, en essayant de faire en sorte que cette maison ne devienne pas un fardeau pour eux mais un plaisir. Par exemple, si nous les obligeons à passer leur week-end à peindre des fenêtres, ils ne garderont pas un souvenir positif et durable de leur héritage. Si, d'un autre côté, nous parvenons à leur inculquer les valeurs appropriées, afin qu'ils puissent comprendre le besoin et l'importance de préserver ces propriétés, cela changera la façon dont ils abordent le défi d'être propriétaire d'un bâtiment historique.
Emmanuelle Causse • Directrice de l’UIPI
Source : 25 millions de propriétaires • N°février 2019
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25 Millions de Propriétaires
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Dans la perspective de la création d’une association européenne pour assurer la promotion des passages et galeries historiques auprès du grand public et des autorités, la Délégation générale Wallonie-Bruxelles et l’Institut de la décision publique ont organisé le 18 avril 2018 une soirée de débat animée par le Professeur Geoffrey Grandjean (ULiège) avec la participation de Jean-Claude Delorme (architecte et auteur de l’ouvrage Passage couverts parisiens), Alexandre Grosjean (Président des Galeries Royales Saint-Hubert à Bruxelles) Soliman (Président du Conseil syndical et commerçant dans le Passage Pommeraye à Nantes) et Olivier Hamal (avocat et co-auteur de l’ouvrage 175 ans au Passage Lemonnier à Liège).
Comme le rappelle dans ses interventions Patrice de Moncan (Editions du Mécène – auteur de plusieurs ouvrages), grand spécialiste de cette matière, entre 1786 et 1930, près de 320 passages couverts furent édifiés en Europe dont il n’en reste aujourd’hui que 178 répartis dans 18 pays et 119 villes. Ces lieux présentent toujours aujourd’hui un attrait certain par leurs qualités patrimoniales et esthétiques. Ils restent des centres de développement économique, commercial, touristique et culturel. Pour nombre d’entre eux, ils sont encore des lieux de logement.
Ces dernières années, les « rescapés » ont suscité un intérêt grandissant et leurs propriétaires ou copropriétaires s’attèlent à leur rénovation mais aussi à les (ré)inscrire dans une nouvelle dynamique commerciale mais aussi autour du tourisme patrimonial.
Il est cependant temps de regrouper toutes celles et tous ceux qui oeuvrent à leur devenir et de créer entre eux un réseau et des synergies. C’est pourquoi, les passages et galeries belges (Galeries Royales Saint Hubert, Passage du Nord et le Passage Lemonnier) ont décidé, avec tous les partenaires qui le souhaiteront, de créer une association avec pour objet :
Elle se veut aussi être le lieu de rencontre de l’ensemble des gestionnaires de passages et galeries en Europe quelles que soient leurs responsabilités mais aussi de toute personne concernée ou intéressée par cette thématique (propriétaires, syndics, gestionnaires, commerçants, habitants, amateurs de ces lieux...). Il s’agira par là-même de dégager entre eux des échanges, collaborations et synergies pour rencontrer les objectifs poursuivis par l’association. Elle entend inscrire son action non seulement sur le plan d’une démarche économique, commerciale et promotionnelle mais aussi sur le plan d’une démarche patrimoniale et culturelle.
Mais au-delà, de la création de cette association, différentes initiatives sont déjà en cours tel le jumelage intervenu le 14 septembre 2018 entre les Galeries Royales Saint-Hubert de Bruxelles et la Galerie Vivienne à Paris. Mais déjà les Galeries Saint-Hubert sont jumelées avec le Passage Pommeraye de Nantes et le Passage Lemonnier à Liège avec le Passage Choiseul à Paris.
Un rassemblement des responsables des passages et galeries, qui se seront montrés intéressés par ces projets, devrait être programmé à Paris au printemps 2019.
(extrait du chapitre écrit par Patrice de Moncan sur les Passages couverts en Europe … et le Passage Lemonnier dans le livre 175 ans au Passage Lemonnier à Liège – 2014)
Les passages sont nés à Paris, en 1786. Leur modèle historique fut créé sur l’espace qui sépare la cour du Palais-Royal de son jardin, aujourd’hui ponctué par les colonnes de Buren.
Ces «Galeries de Bois» du Palais-Royal n’étaient alors qu’une construction modeste et provisoire, alignant des allées de petites échoppes éclairées par de hauts lanterneaux de verre.
Leur propriétaire ? Le duc d’Orléans, futur Philippe-Égalité, cousin de Louis XVI, et père de celui qui deviendra en 1830 le roi Louis Philippe. Balzac dans Illusions perdues décrit avec une précieuse minutie ces galeries, leur grouillante animation et la diversité des badauds et des boutiquiers.
L’analyse chronologique de la construction des passages en Europe fait apparaître les points suivants.
La première génération, jusqu’en 1830, est essentiellement parisienne. Seuls huit passages sont situés hors de la capitale française – quatre en Angleterre, un à Bruxelles (le Passage de La Monnaie), un à Lyon, un à Nantes et un à Niort –, contre une quarantaine à Paris.
La deuxième génération, de 1830 à 1848, gagne l’Europe entière. De taille encore relativement modeste, des passages apparaissent en Italie, en Allemagne tandis que la production s’intensifie en Angleterre, en Belgique et dans les provinces françaises (Bordeaux et Nantes).
La troisième génération, à partir de 1848, marque l’ère du gigantisme. Toutes les grandes villes d’Europe vont succomber à cet engouement... à l’exception de Paris tandis que dans les provinces françaises le désintérêt pour les passages n’apparaîtra que sous la Troisième République.
Enfin, une dernière vague de construction ou de rénovation des passages anciens aura lieu au cours des années 1920/1930, à Paris, à Berlin, à Liège, à Trieste, etc. Puis ce phénomène architectural finira par disparaître définitivement, les Centres commerciaux, bien que situés au départ hors des centre villes, en prenant d’une certaine manière la relève dans les années 1960.
Aujourd’hui l’avenir des passages pose deux questions principales. Leur intérêt est-il essentiellement d’ordre historique ? Peuvent-ils retrouver une ambition commerciale ?
L’ambition commerciale. À Paris, comme à Liège ou Londres, où se trouvent les passages de la «première et deuxième générations », les boutiques sont généralement de taille modeste.
Or le commerce d’aujourd’hui, celui des centres commerciaux et des grands magasins, régi par de grandes enseignes internationales, exige de vastes surfaces que ne peuvent leur proposer ces passages. N’oublions pas que le déclin des passages à Paris a coïncidé avec l’apparition des grands magasins. Ils subissaient déjà la concurrence de locaux qui offraient de vastes espaces.
Ce problème ne se pose pas dans les passages construits en Europe à partir des années 1840, ceux de Bruxelles, de Milan, de Naples et de Rome, de Manchester et de Leeds ou encore de Moscou, qui offrent des possibilités de surfaces très importantes, grâce à leur architecture gigantesque, s’apparentent souvent à celle des grands magasins. On trouve au Goum aujourd’hui un magasin Zara sur quatre étages et les commerces offrant des surfaces de 400 m² et plus, tel Nike, y sont légion.
On voit donc que la question de l’avenir commercial se pose en termes différents suivant la structure et l’époque de création des passages, ceux construits après les années 1840 se prêtant généralement mieux aux évolutions modernes du commerce.
Olivier Hamal, président du Syndicat National des Propriétaires et des Copropriétaires de Belgique
Source : 25 millions de propriétaires • N°novembre 2018
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