BILAN - Comme chaque printemps, nombre de copropriétés tiennent leur assemblée générale. Il n’est donc pas inutile de rappeler comment la loi du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale (dite loi Le Meur) [1] tend à rendre plus compliquée encore la location touristique dans les immeubles en copropriété.
Par Frédéric Zumbiehl, juriste UNPI
Une clause « pro » ou « anti » meublés de tourisme dans les nouveaux règlements de copropriété
Dès lors qu’elles sont justifiées par le standing de l’immeuble, la jurisprudence valide généralement les clauses interdisant expressément aux copropriétaires de faire de la location de courte durée, ou du moins restreignant cette faculté[2]. Il est cependant rare que les règlements de copropriété interdisent ou autorisent expressément les locations touristiques. Cela devrait changer puisque, dans un nouvel article 8-1-1 ajouté à la loi du 10 juillet 1965 sur les copropriétés, la loi Le Meur du 19 novembre 2024 prévoit que « les règlements de copropriété établis à compter » du 21 novembre 2024 « mentionnent de manière explicite l'autorisation ou l'interdiction de location de meublés de tourisme ».
En présence d’une clause d’habitation bourgeoise, nouvelle possibilité d’introduire une interdiction expresse sans réunir l’unanimité
À défaut d’une interdiction expresse des locations touristiques, les copropriétaires opposés à ce type de location peuvent invoquer la clause d’habitation bourgeoise plus souvent contenue dans les règlements de copropriété. Cette clause interdisant les activités commerciales en dehors de certains lots (situés en général au rez-de-chaussée), on peut chercher à vouloir faire cesser l’exploitation d’un meublé de tourisme en tant qu’elle constitue une activité commerciale prohibée. Le succès d’une telle entreprise n’est cependant pas garanti. Il existe en effet une tendance des tribunaux à considérer que, même si le droit fiscal l’envisage comme une activité commerciale, la location de courte durée constitue une activité de nature civile à défaut de s’accompagner de prestations para hôtelières significatives[3].
C’est précisément pour contourner cette difficulté que la loi Le Meur a ajouté un nouvel alinéa « d) » à l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965. Ainsi, dans les immeubles comportant une clause d’habitation bourgeoise, il est désormais possible de voter « la modification du règlement de copropriété qui concerne l'interdiction de location des lots à usage d'habitation autres que ceux constituant une résidence principale (…) en meublés de tourisme » à la double majorité[4]. Auparavant, que le règlement de copropriété comporte ou non une clause d’habitation bourgeoise, il fallait l’unanimité pour introduire une interdiction expresse des meublés de tourisme. En effet, par principe, « l'assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu'elles résultent du règlement de copropriété » (article 26 de la loi du 10 juillet 1965).
Bien entendu, un copropriétaire pourrait contester dans les deux mois l’adoption d’une telle interdiction si, par exemple, le règlement de copropriété ne contient aucune clause d’habitation bourgeoise. En revanche, il n’est pas acquis que l’on puisse ici utilement invoquer le fait que la mesure porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété. Par comparaison, le Conseil constitutionnel avait censuré une disposition de la loi ALUR du 24 mars 2014 qui permettait à toute copropriété d’introduire à la majorité absolue une exigence d’autorisation préalable de l’assemblée générale pour tout changement d’usage permanent[5]. Concernant la loi Le Meur, elle exige tout de même la double majorité pour interdire la location de meublés de tourisme. Par ailleurs, cette possibilité d’introduire une interdiction à la double majorité – au lieu de l’unanimité – ne concerne que les immeubles où une clause d’habitation bourgeoise est déjà applicable.
Nouvelle obligation d’informer le syndic de toute déclaration de meublé de tourisme en mairie
Le législateur n’est pas allé jusqu’à imposer aux syndics d’inscrire à l’ordre du jour la question d’interdire à la double majorité l’interdiction des meublés de tourisme (lorsque le règlement de copropriété comporte une clause d’habitation bourgeoise). Néanmoins, il oblige indirectement à ce que le sujet des locations touristiques soit abordé en assemblée générale. Ainsi, un nouvel article 9-2 est inséré à la loi du 10 juillet 1965 aux termes duquel, lorsqu’une location touristique a été déclarée en mairie, « le copropriétaire ou, par son intermédiaire, le locataire qui y a été autorisé en informe le syndic. Un point d'information par le syndic relatif à l'activité de location de meublés touristiques au sein de la copropriété est inscrit à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale ». Alors même que la location en cause n’engendrerait aucune nuisance, il est donc désormais obligatoire d’en parler en assemblée… Notons toutefois que la loi Le Meur n’assortit pas cette nouvelle obligation d’une sanction.
Les autorisations administratives de changement d’usage désormais conditionnées au respect du règlement de copropriété ?
Jusqu’ici, le respect du règlement de copropriété n’était pas l’affaire des autorités locales au moment d’autoriser ou non l’exploitation d’un logement en meublé de tourisme (dans les secteurs où les changements d’usage sont réglementés)[6]. La loi Le Meur rompt avec ce principe en prévoyant que désormais, lorsqu’une autorisation administrative de changement d’usage est requise (dans l’hypothèse où un propriétaire souhaite louer en saisonnier un logement jusque-là loué à l’année), celle-ci « ne peut être demandée que si le changement d'usage est conforme aux stipulations contractuelles prévues dans le règlement de copropriété » et que « le demandeur en atteste par la production d'une déclaration sur l'honneur »[7].
Nous aurons l’occasion de revenir sur cette mesure qui interroge à plusieurs égards. Notons simplement que, tout récemment, la Cour administrative d’appel de Marseille a annulé partiellement le règlement de la métropole de Nice qui imposait une règle similaire (avant même que la loi Le Meur la généralise)[8].
[1] Pour un commentaire complet de cette loi, voir notre numéro de janvier dernier, page 10.
[2] Voir néanmoins C.Cass., 3e ch. civ., 8 juin 2011, n°10-15891, admettant que les juges d’appel aient pu réputer non écrite la clause d’un règlement de copropriété imposant l’autorisation de l’assemblée générale pour toute location meublée alors que les activités libérales étaient admises aux étages.
[3] Voir notre numéro de septembre 2024, page 41.
[4] Il s’agit de la « majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix » de l’ensemble des copropriétaires (article 26).
[5] Conseil constitutionnel, décision n° 2014-691 DC du 20 mars 2014 (considérants n°44 à 48).
[6] De la même manière qu’une autorisation d’urbanisme est accordée sous réserve des droits des tiers.
[7] Cette règle figure à l’article L.631-7-1 A du Code de la construction et de l’habitation, relatif aux autorisations temporaires de changement d’usage (elle n’est pas reprise à propos des autorisations permanentes).
[8] CAA Marseille, 2e ch., 28 mars 2025, 24MA00769