PERSPECTIVES — Voici probablement un reflet des nouveaux modes de vie apparus à la suite de la crise du Covid-19, l’immobilier dit « atypique » garde le vent en poupe sur un marché globalement morose. S’installer sur une péniche, réhabiliter une ancienne église ou revisiter un atelier d’artiste devient chose courante pour des acheteurs à la recherche d’un quotidien différent, pour un budget qui n’est pas forcément astronomique.
" Alors que le marché de l’immobilier subit de plein fouet une violente crise, le marché de l’atypique semble résister", annonçait Le Parisien le 14 juillet 2023. Les péniches, les anciennes écoles, les églises désaffectées et les bâtiments industriels en attente d’une nouvelle vie offrent en effet aux acheteurs la possibilité d’emménager dans de vastes volumes pour un budget réduit. Quitte à supporter quelques désagréments au quotidien. C’est le cas des péniches, qui attirent de plus en plus de citadins en quête d’un mode de vie différent, au bord de l’eau, dans un cadre original, tourné vers la nature. Et tant pis pour les semaines de crue. Les anciennes écoles ou casernes et les églises désaffectées proposent quant à elles un potentiel de rénovation et de transformation dont l’unique limite est l’imagination de leurs nouveaux propriétaires ! Le phénomène n’est pas nouveau ; depuis des décennies, les lofts font le bonheur d’acheteurs à la recherche d’un immobilier atypique, à la fois industriel et artistique. Mais à l’aune des années COVID-19, le marché des biens hors normes semble avoir gagné un nouvel élan tant il résonne comme une promesse d’ouverture, de caractère et d’espace, en phase avec les nouveaux usages, mélangeant personnel et professionnel.
L’aventure présente cependant des défis spécifiques, notamment en ce qui concerne la réglementation et la rénovation de ces biens particuliers. Les péniches, par exemple, nécessitent une expertise spécifique en matière de navigation et d’entretien, tandis que les églises et les écoles peuvent être soumises à de sévères contraintes architecturales et patrimoniales. Qu’en est-il côté prix par rapport à un logement classique ? Difficile de fixer une règle, tout dépendra du type de bien, de son emplacement et de son état. Ce qui ne transforme pas pour autant ce marché en jungle immobilière, les agences spécialisées ayant aujourd’hui pignon sur rue et sur Internet, avec des positionnements et des savoir-faire généralement indiqués dans leur nom ou leur marque.
Quand l’immobilier n’est pas qu’une question d’argent
Dans l’univers de l’immobilier atypique, Patrice Besse est considéré comme une référence. Sa spécialité, les biens à valeur historique et patrimoniale. Il nous reçoit au Café Singuliers (1), le bistrot de quartier à la fois espace de coworking et bibliothèque qu’il a ouvert contre son agence immobilière du XIe arrondissement parisien. « Cet endroit fut autrefois un atelier d’ébénisterie puis servit de réserve pour un antiquaire avant d’être abandonné pendant une vingtaine d’années. Nous avions envie de lui redonner vie en le détournant, en partant du principe que plus personne aujourd’hui ne pousse la porte d’une agence immobilière classique. » Avec en son centre un poêle d’église jouxtant le comptoir, le Café Singuliers n’a mis que quelques semaines à devenir l’un des points de ralliement des habitants du quartier Faidherbe. Pourquoi avoir choisi d’ouvrir un restaurant lorsque, à l’origine, on est un pur agent immobilier ? « Pour pouvoir y boire le meilleur ristretto de Paris ! plaisante Patrice Besse. Plus sérieusement, l’idée était de proposer un univers qui ressemble à notre offre immobilière, c’est-à-dire un espace tourné vers le patrimoine, la culture et l’art de vivre en cassant les codes de la profession. » Les années 80 et 90 ont été celles de la croissance effrénée d’un secteur assez nouveau en France, l’immobilier qualifié de prestige. « Il nous a alors paru intéressant d’aborder ce segment sous l’angle du patrimoine, raconte cet amoureux de la vieille pierre, en proposant autant des châteaux que des pigeonniers ou des moulins à eau. En clair, à nos yeux, l’immobilier n’est pas qu’une question d’argent. » Caractériser ou définir ce qui donne à un bien son caractère atypique est évidemment subjectif. Un château est par nature un bien atypique et pourtant, quoi de plus classique ? Selon Patrice Besse, un bien atypique, ou hors normes, est tout simplement un endroit qui à l’origine n’a pas été créé pour être habité et qui pourtant le deviendra. Les exemples sont légion : moulins à vent, usines, ruines a priori inhabitables, casernes, tribunaux, écoles et autres églises.