ANALYSE - Le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire représentent environ la moitié de la facture énergétique d’un copropriétaire. S’agissant d’équipements collectifs, les frais y afférents devraient être répartis en fonction de leur utilité objective (1) c’est à dire la consommation réelle. Cependant, de nombreux règlements de copropriété n'ont pas initialement prévu une telle individualisation, optant parfois pour une simple répartition aux tantièmes de propriété. Cette approche favorise une surconsommation énergétique, les copropriétaires ne percevant pas l'impact de leurs comportements sur la dépense énergétique collective.
Par Benjamin Naudin, Avocat
L'individualisation des frais de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire, suivie de leur communication aux occupants, constitue la première étape vers une sensibilisation et une responsabilisation énergétique. Associée à l'installation d'appareils de régulation de puissance, elle pourra générer des économies d'énergie de l'ordre de 15 à 20%. Serpent de mer, cette question a fait l’objet de nombreuses dispositions depuis les chocs pétroliers des années 1970. L’obligation de procéder à une telle individualisation date de 2011 et a été renforcée par la Loi sur la Transition énergétique du 17 août 2015 qui a imposé aux immeubles les plus énergivores (consommation énergétique supérieur à 120 kW/m2/an) la pose d’appareil permettant d’individualiser les frais issus du chauffage collectif et ce avant le 31 décembre 2017. Plus récemment la Loi ELAN du 23 novembre 2018 (2) et ses décrets des 22 mai (3) et 6 septembre 2019 (4) ont introduit le principe de rentabilité de la mesure individuelle, en élargissant les obligations aux frais de refroidissement collectif et en imposant la pose d’un équipement permettant, au-delà de l’individualisation des frais, la régulation des appareils de chauffages/ refroidissement concernés.
L’ordonnance du 15 juillet 2020 (5) et ses décrets du 20 juillet 2020 (6) fixent le cadre actuellement applicable.
S’agissant du chauffage ou du refroidissement collectif :
« I. - Tout immeuble collectif à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation pourvu d'une installation centrale de chauffage ou alimenté par un réseau de chaleur est muni de compteurs individuels d'énergie thermique permettant de déterminer la quantité de chaleur fournie à chaque local occupé à titre privatif et ainsi d'individualiser les frais de chauffage collectif.
II. - Tout immeuble collectif à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation pourvu d'une installation centrale de froid ou alimenté par un réseau de froid est muni d'appareils de mesure permettant de déterminer la quantité de froid fournie à chaque local occupé à titre privatif et ainsi d'individualiser les frais de refroidissement collectif. »
Pour la production d’eau chaude sanitaire :
« Sauf dans les cas de dérogation prévus aux articles R. 174-16 et R. 174-17, dans les immeubles collectifs où la production d'eau chaude est commune à tout ou partie des locaux occupés à titre privatif, les frais de combustible ou d'énergie afférents à la fourniture d'eau chaude sont répartis entre ces locaux proportionnellement à la mesure des compteurs individuels d'eau chaude…»`
Selon l’article L174-2 du code de la construction et de l’habitation sont concernés par cette obligation, les immeubles collectifs d’habitation et les immeubles d’habitation comportant des bureaux et/ou des commerces équipés d’ :
- une installation centrale de chauffage ;
- un réseau de chaleur ;
- une installation centrale de froid ;
- un réseau de froid ;
- un réseau de production d’eau chaude sanitaire (7) et ayant fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme postérieure au 30 juin 1975.
Pour le chauffage et /ou le refroidissement collectif en sont exclus :
- les logements-foyers ;
- les immeubles dont les valeurs de consommation en chauffage ou en froid sont inférieures à 80 kWh/ m2/an ;
- les immeubles dont l'individualisation des frais de chauffage ou de refroidissement entraîne un coût excessif au regard des économies d’énergie susceptibles d’être réalisées ;
- les immeubles dans lesquels il est techniquement impossible de mesurer le froid ou le chauffage consommé, d’installer des compteurs individuels, de poser un appareil permettant aux occupants de chaque local de réguler le refroidissement fourni par la centrale de froid ou le réseau de froid.
Et pour la production d’eau chaude sanitaire :
· Les différents dispositifs pouvant être installés
Il existe, s’agissant de l’individualisation des frais de chauffage et de refroidissement collectif, deux grandes technologies :
Les articles R 174-3 et 4 du Code de la construction et de l’habitation organisent une hiérarchie entre ces dispositifs. Ainsi, en priorité, un compteur individuel d’énergie thermique devra être installé par logement. Ce dispositif, installé à l’entrée dudit logement, permet une mesure directe de la quantité de chaleur ou de froid consommée. Lorsqu’il n’est pas économiquement ou techniquement possible d’installer ce type de compteurs individuels, des répartiteurs de frais de chauffage ou de refroidissement seront alors installés. Les répartiteurs sont alors placés directement sur les émetteurs. Ils mesurent les différences de température entre l’unité émettrice et la pièce et en déduisent la quantité de chaleur effectivement consommée.
L’arrêté du 6 septembre 2019 liste les immeubles pouvant échapper à l’installation d’un de ces deux dispositifs, voir des deux. Ce sont ceux dans lesquels :
- la distribution du chauffage
- l'émission de chaleur
- l'installation de chauffage
- l'installation de chauffage
- l'installation de chauffage
Soulignons que pour permettre l’installation de simples répartiteurs de frais de chauffage, voir l’exclure, une note émanant d’un homme de l’art (Bureau d’étude…) devra établir l’impossibilité technique ou de l’absence de rentabilité économique. Quel que soit l’équipement choisi, les émetteurs de chaleur ou de froid devront être munis, si cela est techniquement possible, d’organes de régulation de la température, notamment de robinets thermostatiques en état de fonctionnement (8). Concernant la production d’eau chaude sanitaire, la solution technique est plus simple. En effet des compteurs individuels d’eau chaude doivent être installés. En tout état de cause, qu’il s’agisse de compteurs individuels ou de répartiteurs de frais de chauffage, les appareils installés depuis le 25 octobre 2020 doivent être relevables par télérelève. À compter du 1er janvier 2027, l’ensemble des appareils, devront être télérelevables.
La Loi sur la Transition énergétique a fixé un calendrier tenant compte la consommation énergétique des immeubles concernés. Depuis le 25 octobre 2020, tous les immeubles collectifs dont la consommation énergétique en chauffage est supérieure à 80 kWH/m2/an doivent avoir procédé à la pose d’appareil permettant d’individualiser les frais issus du chauffage, du refroidissement collectif et la production d’ECS.
Les frais liés au chauffage et/ou refroidissement collectif se divisent en deux catégories (9) :
Les frais liés à la production d’eau chaude sanitaire, quant à eux, comptent les frais de combustible ou d'énergie afférents à la fourniture d'eau chaude, répartis entre les copropriétaires proportionnellement à la mesure des compteurs individuels d'eau chaude. Cependant, lorsque les conditions de fourniture de l'eau chaude ne permettent pas de connaître la part des frais de combustible ou d'énergie entrant dans le prix de cette fourniture, cette part est estimé forfaitairement aux deux tiers au moins du prix total de l'eau chaude fournie par l'installation. Attention, ces dernières règles ne concernent que les frais de combustibles ou d’énergie. Les autres frais demeurent régis par les dispositions, conventions ou usages déjà fixés (10).
4.) L’information des copropriétaires sur les consommations et charges d’énergie
Les modalités d'accès aux informations de consommation et de facturation liées à la production de chaleur, de froid et d'eau chaude sanitaire dans les immeubles collectifs ont été fixées par l’ordonnance du 15 juillet 2020, son décret d’application du 20 juillet 2020 (11) et deux arrêtés du 24 juillet 2020 (12). S’agissant plus particulièrement de la copropriété, ces différents textes ont modifié les articles 18-1 et 24-9 de la Loi du 10 juillet 1965. Ainsi et depuis le 25 octobre 2020, dans les immeubles munis de compteurs individuels d'énergie thermique, d'appareils de mesure permettant de déterminer la quantité de froid, ou d'un dispositif d'individualisation des frais d'eau chaude sanitaire, lorsque ceux-ci sont télé-relevables, l'évaluation de la consommation de chaleur, de froid et ou d’eau chaude sanitaire du logement doit être transmise (13) mensuellement depuis 1er janvier 2022.
Cette évaluation précise au minimum :
Parmi les pièces jointes à la convocation de l'assemblée générale appelée à connaître des comptes doit figurer une note d'information sur la consommation de chaleur, de froid et d'eau chaude sanitaire de son logement (14). En cas de doute, les copropriétaires pourront, préalablement à la tenue de l’assemblée consulter, chez le syndic, une note d’information sur les modalités de calcul des charges en question (15).
(1) Art.10 Loi du10 juillet 1965
(2) Art 71 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018
(6) Décrets n° 2020-886 du 20 juillet 2020, relatif aux modalités d’accès aux informations de consommation et de facturation liées aux consommations de chaleur, de froid et d’eau chaude sanitaire dans les immeubles collectifs dotés de dispositifs d’individualisation des frais de chauffage, de froid ou d’eau chaude sanitaire et dans les immeubles raccordés à un réseau de chaleur ou de froid, et n° 2020-887 du 20 juillet 2020 relatif au système d’automatisation et de contrôle des bâtiments non résidentiels et à la régulation automatique de la chaleur.
(7) Art R 174-1 CCH
(8) Art R174-5 CCH
(9) Art R174-8 à 10 CCH
(10) Art R 174-13 CCH
(11) Décret n° 2020-886 du 20 juillet 2020 « relatif aux modalités d'accès aux informations de consommation et de facturation liées aux consommations de chaleur, de froid et d'eau chaude sanitaire dans les immeubles collectifs dotés de dispositifs d'individualisation des frais de chauffage, de froid ou d'eau chaude sanitaire et dans les immeubles raccordés à un réseau de chaleur ou de froid »
(12) Arrêté du 24 juillet 2020 « relatif à l'information du propriétaire ou du syndicat de copropriétaires d'un immeuble à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation raccordés à un réseau de chaleur ou de froid « et Arrêté du 24 juillet 2020 « relatif à l'information des occupants sur les consommations de chaleur, de froid et d'eau chaude sanitaire et sur la quantité de chaleur, de froid et d'eau chaude sanitaire consommée, dans les immeubles collectifs à usage d'habitation ou à usage d'habitation et professionnel », JORF n°0187 du 31 juillet 2020
(13) Art.R174-12 CCH
(14) Art 24-9 Loi du 10 juillet 1965
(15) Art 18-1 Loi du 10 juillet 1965