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L’adaptation au vieillissement, l’autre urgence du logement

ENJEU — La France vieillit, inéluctablement. En 2050, un habitant sur trois aura plus de soixante ans. Face à la séniorisation galopante de la population française, l’adaptation du logement devient un enjeu pour les propriétaires. Pour encourager le maintien à domicile de nos aînés, le gouvernement déploie à partir de 2024 un nouveau dispositif, baptisé « MaPrimeAdapt’ » et largement inspiré de MaPrimeRénov’.

Les papy-boomers renversent la pyramide des âges. Plus de 6 millions de personnes auront de 75 ans à 84 ans en 2030. Presque un Français sur dix. En dix ans, la tranche d’âge aura ainsi augmenté de 50 %. Et avec une espérance de vie qui devrait encore grappiller quelques précieuses années dans le futur, les séniors deviendront de plus en plus nombreux. Selon les savantes prédictions des démographes, en 2050, un habitant sur trois aura plus de 60 ans contre un sur cinq en 2005, tandis que les doyens, avec plus de 85 printemps au compteur, seront près de 5 millions, trois à quatre fois plus qu’aujourd’hui.

Le tsunami du vieillissement

Nos logements ne sont pas prêts pour absorber cette vague. Le maintien à domicile est pourtant une nécessité en même temps qu’un souhait profond. C’est simple, neuf Français sur dix aspirent à (bien) vieillir chez eux sans toujours avoir conscience des implications en termes d’aménagements. « Il est difficile d’imaginer que le logement, où on a toujours vécu et auquel on reste attaché, représente un danger », témoigne Jean-Philippe Arnoux, directeur Silver Économie et Accessibilité chez Saint-Gobain. D’ailleurs, c’est souvent faute d’alternative et à contrecœur qu’une personne âgée se résout à quitter son logement, après une mauvaise chute ou un pépin de santé.

L’enjeu est donc sociétal, mais aussi sanitaire et économique. Le ministère de la Santé recense deux millions de chutes chaque année chez les plus de 65 ans. Souvent bénignes, parfois dramatiques. Le bilan est lourd : selon les chiffres officiels, ces chutes entraînent annuellement plus de 10 000 décès et 130 000 hospitalisations avec 40 % de personnes qui ne regagneront pas leur domicile. Un véritable problème de santé publique qui pèse sur les finances avec un coût estimé à deux milliards d’euros, dont 1,5 milliard d’euros pour la seule Assurance maladie. Au pied du mur, la France doit donc négocier le « virage domiciliaire » : permettre à une majorité de Français de bien vieillir chez eux, dans un environnement adapté, afin de diminuer le nombre d’accidents domestiques et la prise en charge dans les Ehpad.

La France en retard

La marche est haute. Car si tous les pays riches sont confrontés au défi du vieillissement, la France, recordman en Europe du nombre de séniors accueillis en Ehpad, a pris du retard dans l’adaptation du logement. Selon un rapport de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) et de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), 6 % des logements (seulement) répondent aujourd’hui aux attentes en matière de maintien à domicile. Pour rattraper le retard, le gouvernement annonce 680 000 logements adaptés supplémentaires dans les dix ans. Ambitieux. Car il ne faut pas compter sur la construction neuve. « 80 % des logements de 2050 existent déjà », rappelle volontiers Pedro Mariano, le vice-président de HB Développement, l’association qui porte la marque SilverBat, label de l’adaptation du logement porté par la Capeb. L’effort sera donc concentré sur le parc ancien. « 94 % de logements sont inadaptés au vieillissement de la personne, mais tous ne sont pas adaptables, souligne toutefois Jean-Philippe Arnoux. Adapter une chambre de bonne au sixième étage sans ascenseur n’a aucun sens. De même un logement au milieu de nulle part, éloigné de tous services. On estime que 50 % des logements ne sont pas adaptables. »

Les propriétaires occupants en première ligne

Le défi du maintien à domicile est d’abord une préoccupation de propriétaire : les trois quarts des séniors de plus de 65 ans sont aujourd’hui propriétaires de leur maison. Mais comme la rénovation énergétique, les travaux d’adaptation du logement rencontrent plusieurs écueils.

Le frein est d’abord financier. Avant MaPrimeAdapt’, des aides de l’Anah ou de la Cnav existaient déjà, mais elles manquaient de lisibilité, étaient synonymes de délais longs, de dossiers fastidieux et, surtout, elles laissaient au propriétaire un reste à charge souvent rédhibitoire. Car l’adaptation du logement coûte cher, de l’ordre de 8 000 à 9 000 euros en moyenne, selon Pedro Mariano.

En moyenne, on dit bien, car les coûts peuvent aisément s’envoler lorsqu’il s’agit d’installer un monte-escalier. Le frein est aussi psychologique. « Le rapport au vieillissement est toujours compliqué, témoigne Pedro Mariano. À 65 ans, personne ne se projette avec une barre d’appui dans ses toilettes. » Encore moins assis sur un monte-escalier. « Entre l’âge réel et l’âge ressenti, il y a souvent un gros décalage. » Mais pourquoi voulez-vous mettre du matériel médical chez moi, je ne suis pas grabataire ?  Jean-Philippe Arnoux le reconnaît volontiers. « Il y a quinze ans, quand on parlait de travaux d’adaptation, on avait un peu l’impression de faire entrer l’hôpital dans la maison. » Entre le matériel hospitalier et le matériel dédié à l’autonomie de la personne, il n’y avait guère une grande différence. L’adaptation du logement a progressé pour se fondre dans l’habitat. « Aujourd’hui, les industriels et les professionnels ont réalisé de gros progrès sur l’esthétique et la fonctionnalité des objets pour qu’ils s’intègrent mieux et soient davantage acceptés des propriétaires. La prévention doit être de la séduction et l’adaptation peut aussi participer à la valorisation du bien en apportant du confort pour toutes les générations. » Malgré ces efforts, l’adaptation du logement traîne encore de nombreux stéréotypes qui sont autant de repoussoirs auprès des séniors. Par exemple, elle reste trop souvent assimilée au handicap. Alors, on attend, on attend jusqu’à ne plus avoir d’autre choix. En France, l’âge moyen pour adapter le logement avoisine les 84 ans. C’est trop tard. « Aujourd’hui, les personnes âgées agissent souvent en réaction et non par anticipation, regrette Jean-Philippe Arnoux. L’urgence n’est jamais bonne conseillère. Je milite pour que la question de l’adaptation du logement soit posée dès le départ en retraite, par exemple au travers d’un questionnaire ou d’une visite à domicile. »

En la matière, MaPrimeAdapt’ représente un progrès puisque l’aide est désormais ouverte à tous les septuagénaires et plus sans condition de perte d’autonomie. C’est mieux, mais c’est encore très insuffisant, selon Caroline Giraux, ergothérapeute au sein du cabinet Ergocité et membre de l’Anfe (Association nationale française des ergothérapeutes). « Soixante-dix ans, c’est déjà trop tard. Dans l’idéal, dès la cinquantaine, il faudrait déjà réfléchir à certains aménagements dans la salle de bain. Aujourd’hui, nous restons davantage dans le soin, et nous ne privilégions pas la prévention. »

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