Chaque année, en décembre, il faut se demander à quelle sauce le gouverne- ment prévoit de cuisiner les propriétaires. Pour 2023, le projet de loi de finances, dit PLF, qui correspond au budget annuel public de l’année à venir, était à la fois mi-doux, mi-épicé, en ce qui concerne l’immobilier. Résultats d’assez courts débats rendus expéditifs par l’utilisation répétitive du 49.3 par la Première ministre, Élisabeth Borne, ce très attendu texte a été adopté par le parlement le 17 décembre 2022, puis promulgué le 30 décembre. Loin d’être neutre, ni exempt de tout reproche, il change essentiellement la donne en matière de revenus locatifs et de tranche d’imposition.
Commençons l’année par l’une des rares bonnes nouvelles de cette loi de finances 2023 : les revenus de location Airbnb ne seront finalement pas intégrés aux revenus fonciers. Ce n’était pourtant pas gagné, car un amendement de ce projet de loi de finances prévoyait à l’origine d’assujettir les revenus tirés des meublés de tourisme, type Airbnb, aux règles d’imposition des revenus fonciers. Autant le dire franchement, cette mesure s’annonçait comme un désastre car la location meublée saisonnière est, de base, exonérée de plein droit de la TVA.
Ce type de location profite en effet des souplesses de la catégorie des bénéfices industriels et commer- ciaux, permettant notamment le régime réel « BIC », et qui est généralement plus avantageuse que la catégorie des revenus fonciers, dans laquelle sont taxés les revenus de la location vide. Seule excep- tion à la règle, le Code général des impôts prévoit d’appliquer la TVA aux propriétaires bailleurs qui offriraient au moins trois prestations para-hôte- lières parmi l’accueil de la clientèle, le service de petit-déjeuner, le nettoyage régulier du logement et la fourniture de linge de maison. Mais cet amen- dement en question proposait de soumettre ce type de locations à la TVA, même si trois de ces quatre prestations para-hôtelières n’étaient pas fournies par le propriétaire bailleur. Toutes les locations de type Airbnb auraient donc été concernées. Cette mesure aurait simplement été compensée par une franchise en base de TVA pour les propriétaires qui auraient réalisé un chiffre d’affaires annuel inférieur à 85 800 euros.
Et ce n’est pas tout : un autre article de ce PLF 2023 prévoyait également d’exclure du régime micro-BIC les propriétaires qui auraient proposé au moins trois meublés de tourisme en location dans l’année, peu importe que ces biens soient classés comme touris- tiques ou non. Les loueurs de meublés risquaient ainsi d’être automatiquement assujettis au régime réel à compter du 1er janvier 2023, et de ne plus bénéficier de l’abattement forfaitaire de 50 %, ou de 71 % si le logement meublé était classé. Fort heu- reusement, cette rafale dirigée contre la location meublée a été stoppée et les articles en question ont finalement été abandonnés.
Outre la réévaluation des seuils du régime micro- BIC, qui sont actualisés tous les trois ans, il n’y aura donc pas d’évolution majeure en 2023 pour les propriétaires bailleurs qui louent leurs loge- ments meublés de manière générale. Concernant es seuils, le régime par défaut restera celui du micro-BIC si les recettes de la location meublée, loyers et charges comprises, sont inférieures ou égales à 77 700 euros, et à 188 700 euros s’il s’agit de meublés de tourisme classés. Ces nouveaux seuils s’appliqueront désormais jusqu’en 2025.
Cela aurait pu être une bonne nouvelle de plus pour les investisseurs dont la tranche marginale d’imposition est élevée, mais l’espoir aura été de courte durée. La création d’un statut d’investisseur immobilier, pourtant adoptée en première lecture par les députés, avant d’être retoquée par le gou- vernement via l’article 49,3, aurait permis de sou- mettre les revenus fonciers à la fameuse « flat tax » d’Emmanuel Macron, ce prélèvement forfaitaire unique (PFU) qui est fixé à 30 % (12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux), là où les plus hautes tranches des impôts sur les sociétés oscillent généralement entre 41 % et 45 %. Inscrite dans la loi de finances pour 2018, cette « flat tax » sur le capital avait été créée à l’initiative du gouvernement dans le but justement d’inciter les épargnants à davantage investir leur argent dans ’économie réelle, plutôt que de le laisser dormir en banque pour obtenir des avantages fiscaux.
Elle était espérée, mais il faudra s’en passer. La création d’un statut d’investisseur immobilier, pourtant adoptée en première lecture par les députés, aurait permis de soumettre les revenus fonciers à la fameuse « flat tax » d’Emmanuel Macron
Mais n’étant plus à une incohérence près, le système d’imposition pour les revenus fonciers n’évoluera pas en 2023 et les investisseurs continueront de se faire saigner. Pour rappel, les propriétaires bailleurs sont imposés à hauteur de leur tranche marginale d’imposition, celle-ci étant souvent supérieure aux 30 % de la « flat tax », sans compter les prélève- ments sociaux de 17,2 % qui s’y ajoutent. Au total, le taux d’imposition avoisine donc, au minimum, les 47,2 %. Un seuil énorme, qui n’incite franchement pas à quitter le confort ronronnant des placements d’épargne au profit de l’investissement locatif. D’au- tant que le projet proposé par les députés n’avait pourtant rien d’un cadeau fiscal puisqu’ils avaient imaginé un système dans lequel cette « flat tax » ne serait accordée que si le bien mis en location répondait à trois critères : louer son bien pour une durée d’au moins un an, garantir que ce bien soit doté d’un DPE classé entre A et D, et limiter son bail à la tranche d’encadrement des loyers. L’avantage qu’aurait pu offrir cette « flat tax » n’aurait donc pas été accordé sans conditions.
Reste que les propriétaires bailleurs de locations meublées auraient été perdants dans cette affaire, puisqu’ils bénéficient déjà d’un régime fiscal sur mesure (lire plus ci-dessus) au contraire des locations non-meublées. L’application de ce prélèvement forfaitaire unique n’aurait pas permis en effet de bénéficier d’autres dispositifs fiscaux, ni de bénéficier du régime des déficits fonciers. Mais ce débat reste clos, pour le moment encore.
La commission des finances de l’Assemblée natio- nale avait adopté un amendement visant à exclure les « sociétés à prépondérance immobilière » du taux réduit de 15 % pour les sociétés soumises à l’IS répondant à certains critères. Ça aurait été un coup dur pour les investisseurs qui privilégient la SCI pour se positionner sur le marché immobilier. Cette structure leur permet en effet de profiter du taux réduit qui s’applique pour la part des bénéfices de leur société compris en dessous de 38 120 euros. Alors que le taux normal d’imposition sur les socié- tés est fixé à 25 %, le taux réduit de 15 % permet aux investisseurs de multiplier les structures.
Fort heureusement, l’exclusion des SCI ne figurait déjà plus dans le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture. Par ailleurs, la loi de finances entérine le relèvement de la part du béné- fice bénéficiant du taux réduit. Ce sont désormais les 42 500 premiers euros de bénéfices qui sont taxés à 15 % (contre 38 120 € jusqu’ici). Rappelons que ce taux réduit ne concerne que les sociétés dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 10 millions d’euros.
En fixant un calendrier pour la révision générale des valeurs locatives des logements (en fonction des loyers de marché), la loi de finances pour 2020 semblait avoir mis fin à la malédiction entourant ce sujet. Mais la loi de finances pour 2023 décale de deux ans cette révision. La campagne déclarative de collecte des loyers auprès des propriétaires bail- leurs de locaux d’habitation était programmée à l’origine pour ce premier semestre 2023. Cette opération devait permettre la réunion des commissions locales, qui allaient arrêter les nou- veaux secteurs et tarifs en 2025. Ils auraient ainsi été intégrés aux bases d’imposition dès le 1er janvier 2026. Mais ce calen- drier initial a été décalé, car l’actualisation des paramètres de la révision des valeurs locatives, des locaux professionnels cette fois, a elle aussi été reportée de deux ans, de 2023 vers 2025.
De manière générale, si le régime d’imposition sur le revenu (IR) est généralement choisi pour une SCI, notamment familiale, afin de transmettre du patrimoine aux héritiers, l’impôt sur les sociétés (IS) est privilégié par les associés qui souhaitent réali- ser beaucoup de bénéfices. Ce mode d’imposition permet d’éviter de se faire taxer à titre personnel si les associés ne perçoivent pas de dividendes. La SCI à l’IS, au contraire de la SCI à l’IR, n’est en effet redevable à l’impôt sur les bénéfices qu’en cas de distribution de dividendes ou de perception de rémunération. Il permet aussi de déduire une part des charges des bénéfices comme la rémunération du gérant, pour réduire encore l’assiette de l’impôt.
Si ça ne suffisait pas, la taxe sur les logements vacants (TLV) s’étend désormais à de nouvelles villes en 2023, tandis que le taux d’imposition augmente tout bonnement d’un tiers. Avant 2023, seules les communes situées en zones tendues étaient concernées par cette taxe. Elle s’appliquait en effet aux agglomérations de plus de 50 000 habitants dans lesquelles il existe un fort déséqui- libre entre l’offre et la demande de logements et marquées notamment par des loyers élevés ou de forts prix d’acquisition dans l’ancien. Mais depuis le 1er janvier 2023, cette TLV s’applique désormais aux communes situées en dehors de la zone tendue, peu importe qu’elles fassent partie ou non d’une agglo- mération, et qui présentent un fort déséquilibre entre l’offre et la demande de biens. Un nouveau critère fait ici son apparition : la forte proportion de résidences secondaires par rapport au nombre total de logements. Un décret doit fixer la liste des nouvelles communes concernées. On parle d’une extension de la TLV à 5 000 communes, contre un peu plus de 1 000 aujourd’hui !
Les propriétaires concernés sont toujours ceux dont le logement, appartement ou maison, est vide depuis plus d’un an, au 1er janvier de l’année d’imposition. Ils doivent alors régler la taxe sur les logements vacants (TLV). Un logement étant consi- déré comme vacant lorsqu’il dispose d’un minimum d’éléments de confort, tels que l’eau courante, des équipements sanitaires et des installations élec- triques, mais qu’il est vide de tout meuble ou de mobilier, ce qui empêche son occupation.
Mais ce n’est pas tout. En plus de s’étendre à de nouvelles villes, la TLV augmente de plus d’un tiers en 2023 et passe de 12,5 % la première année de vacance, à 17 %. Elle passera ensuite de 25 % à 34 % les années suivantes. L’objectif du gouvernement est d’envoyer un signal clair aux propriétaires concer- nés qui n’occuperaient pas ces logements, ou ne les proposeraient pas à la location. C’est du moins le prétexte avancé.
Encore ne suffit-il pas d’« occuper » un logement pour éviter le matraquage fiscal. Il faut l’occuper à titre de résidence principale. A défaut, vous ris- quez de devoir payer une surtaxe sur les résidences secondaires (en plus du fait que, s’agissant d’une résidence secondaire, vous faites partie des derniers malheureux à payer encore une taxe d’habitation). Or, comme pour la TLV, ce sont désormais environ 5 000 communes qui pourront voter une surtaxe sur les résidences secondaires (contre un peu plus de 1 000 avant la loi de finances).
La loi de finances laisse d’ailleurs un délai exceptionnel aux communes pour voter une surtaxe avec une application dès 2023. Alors qu’en général, ce type de délibération doit être voté avant le 1er octobre pour être applicable l’année suivante, les communes ont jusqu’au 28 février pour instituer une surtaxe dès 2023. D’ici là, la liste des communes pouvant le faire aura été publiée…
Pour être complet, signalons que le même délai exceptionnel est accordé aux collectivités pour déci- der d’étendre la taxe d’habitation aux logements vacants. Rappelons en effet que, dans toutes les communes où ne s’applique pas la TLV, la commune et l’intercommunalité peuvent, qu’il y ait ou non un manque de logements disponibles, décider d’assu- jettir à la taxe d’habitation des logements inoccupés. A la différence de la TLV, la vacance doit ici être d’au moins deux ans.
Dans la grande valse de mesures qui disparaissent, ou évoluent, il faut aussi dire aurevoir au dispo- sitif Censi-Bouvard. Il a en effet disparu à l’issue du 31 décembre 2022, faute d’avoir été renouvelé pour 2023, à la demande de l’Inspection générale des finances qui ne lui avait pas accordé un rapport très élogieux en juin 2022. Ce dispositif permet- tait aux propriétaires de défiscaliser une partie de leurs revenus en faisant l’acquisition d’un logement neuf et meublé au sein d’une résidence de services, notamment à destination des seniors, des étudiants ou des personnes en situation de handicap. Mais tout n’est pas fini.
Le dispositif Pinel, qui aurait dû disparaître également après le 31 décembre dernier, est quant à lui reconduit jusqu’au 1er avril 2023 dans sa forme fiscale la plus avantageuse. Les investisseurs ont donc une petite rallonge supplémentaire pour bénéficier de la loi Pinel à taux plein qui, pour rappel, permet une réduction d’impôt allant jusqu’à 21 % du prix de revient d’un logement, dans la limite de 5 500 euros par mètre carré et de 300000 euros d’investissement total. La condition étant de proposer ce logement en location sur une période déterminée, entre six, neuf ou douze ans, avec un loyer plafonné et pour des locataires dont les ressources ne dépassent pas certains seuils.
Durée d'engagement de location | 2023 | 2024 | PINEL+ |
6 ans | 10,5% | 9% | 12% |
9 ans | 15% | 12% | 18% |
12 ans | 17,5% | 14% | 21% |
Attention cependant, cette bonne nouvelle reste relative puisque les taux de réduction fiscale deviendront moins alléchants que ceux de 2022, passé le 1er avril, et ils le deviendront de moins en moins encore d’ici le 31 décembre 2024, date de fin programmée pour ce dispositif. Ainsi, pour un achat immobilier réalisé avant le 1er avril 2023, les réductions d’impôts seront maximales et correspondront à 12 % de remise fiscale pour six ans de location, 18 % pour neuf ans et 21 % pour 12 ans. Pour un achat réalisé entre le 1er avril et le 31 décembre 2023, la réduction sur de 10,5 % pour six ans de location, 15 % pour neuf ans et 17,5 pour douze ans. Enfin, pour un achat réalisé entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2024, les réduc- tions diminuent encore à 9 % pour une location de six ans, 12 % pour neuf ans et 14 % pour douze ans. Mais, pour continuer de bénéficier des réductions fiscales maximales, le gouvernement a sorti de son chapeau le « Pinel Plus », ou Pinel+, qui se superpose au dispositif Pinel précédent, depuis ce 1er janvier 2023. Sous conditions, évidemment. Conditions drastiques, cela va sans dire: le bien devra par exemple être situé dans une ville admis- sible au Pinel+, mais aussi respecter des critères de confort. Les biens éligibles devront ainsi être plus grands, mais aussi doublement exposés, pour une meilleure luminosité, s’ils disposent de plus de trois pièces. Ils devront, enfin, être plus performants, puisqu’ils devront avoir été conçus en respect des normes RT 2012 ou RE 2020. Rien que ça. Si l’on prend en compte le plafonnement des loyers, également imposés par le gouvernement, la rentabilité de l’investissement Pinel commence tout doucement à poser question sur le long terme. Quid, en effet, des répercutions sur le marché immobilier neuf ? Pré-dire qu’elles seront négatives est un euphémisme.
Dans ce contexte, faut-il s’enthousiasmer des évolu- tions de « Ma PrimeRénov’ » prévues dans cette loi de finances pour 2023 ? Elle aussi instaurée pour inciter les propriétaires à réaliser des travaux de rénovation énergétique de leur logement, cette aide s’applique tandis que les nouveaux critères de DPE forcent tout bonnement les propriétaires bailleurs de biens énergivores, classés entre E et G, à soit vendre, soit rénover, sous peine de contrainte allant crescendo, limitant fortement les conditions de location.
Certes, le gouvernement a prévu, pour 2023, une grosse enveloppe de 2,5 milliards d’euros pour garnir cette prime, mais le prix à payer pour les propriétaires bailleurs est lourd à assumer et pose la question, là encore, des répercutions à moyen et long terme sur le marché locatif, alors que le nombre de biens disponibles à la location commence déjà à se tarir à cause du nouveau DPE.
La reconduction du Prêt à Taux Zéro en 2023 suf- fira-t-elle à panser la plaie ? Ce PTZ, qui permet de faciliter l’acquisition de la première résidence dans l’immobilier ancien, ou neuf selon les zones définies, a en effet été reconduit sur tout le territoire pour un an supplémentaire, jusqu’au 31 décembre 2023. Sous condition de ressources, le taux d’inté- rêt restera fixé à 0 % et financera jusqu’à 40 % du projet immobilier. À titre d’exemple, les plafonds de ressources s’échelonneront de 24 000 euros pour un bien situé en zone C, ne logeant qu’une seule per- sonne, à 118 400 euros pour un foyer comprenant huit personnes ou plus, souhaitant acquérir un bien neuf en zone A ou A bis.
Le dispositif d’encouragement à l’investissement en forêt, dit « Défi-Forêt », est lui aussi prolongé, jusqu’au 31 décembre 2025, alors qu’il devait dis- paraître le 31 décembre dernier. Instauré depuis 2001, il permet une réduction d’impôt de l’ordre de 18 %, dans la limite de 5700 euros par personne, pour un investissement éco-responsable d’au moins huit ans dans les forêts privées. Cette réduction peut atteindre 25 % si l’investissement durable concerne un groupement foncier forestier, dans la limite de
50 000 euros par personne. Le dispositif Malraux, qui permet de défiscaliser l’investissement loca- tif, est également prolongé d’un an. Il permet de bénéficier de 30 % de réduction d’impôt sur les dépenses de restauration, à condition que le bien soit situé dans des quartiers spécifiques, le but étant de préserver le patrimoine esthétique et historique français. Enfin, un dernier petit pansement, le dis- positif Denormandie est lui aussi prolongé jusqu’au 31 décembre 2023, pour l’investissement dans l’im- mobilier ancien. Les propriétaires doivent, pour en bénéficier, réaliser des travaux de rénovation à hauteur de 25 % du prix total de l’opération, qui comprend à la fois l’acquisition et les travaux. L’ob- jectif du gouvernement étant de proposer davan- tage de logements à la location. Après avoir imposé le plafonnement des loyers et le nouveau DPE, c’est un peu ironique.
Source : 25 millions de propriétaires et vous • N°570 février 2023