Il est traditionnel dans les baux de demander au locataire à l'entrée dans les lieux le versement d'une somme. Encaissée par le bailleur, elle est restituée au locataire à son départ lorsqu'il est à jour de ses obligations. Le montant est souvent de trois mois dans les baux commerciaux, mais il est plafonné à un mois dans les baux relevant de la loi du 6 juillet 1989 depuis la loi du 8 février 2008 qui a divisé par deux son montant maximum. Son régime est fixé par l'article 22 de la loi de 1989. De plus, certains locataires ne paient pas le dernier mois de loyer afin d'être certains d'être remboursés du dépôt de garantie. Cette pratique, illicite mais difficile à contrecarrer, rend d'autant plus nécessaire le recours à d'autres formes de garantie. Le dépôt de garantie est aussi dénommé caution. Cette appellation impropre crée une confusion avec la garantie suivante.
La caution ou cautionnement est la garantie la plus classique. Son mécanisme est ainsi défini par l'article 2288 du Code civil : "Celui qui se rend caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui-même." Il s'agit d'une obligation subsidiaire. La caution peut donc invoquer le bénéfice de discussion (art. 2299) c'est-à-dire demander au créancier de poursuivre d'abord le débiteur principal (en l'occurrence le locataire). La caution peut aussi demander le bénéfice de division, dans l'hypothèse où plusieurs personnes se sont portées caution (art. 2303). Mais ces protections de la caution sont facultatives et il est fréquent de lui demander d'y renoncer dans l'engagement de caution.
Ces règles de droit commun sont largement tempérées dans les baux d'habitation, afin d'assurer la protection de la caution et éviter qu'une personne ne s'engage trop légèrement, sans mesurer la portée de sa signature.
L'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 en encadre l'usage de deux manières : en limitant les possibilités de cumul de garanties et en imposant un certain formalisme.
Si le bailleur a souscrit une assurance ou une autre forme de garantie (sauf le dépôt de garantie), il ne peut pas demander de cautionnement. Cette règle est toutefois écartée en cas de location à un étudiant ou un apprenti.
La loi prévoit une règle particulière pour le bailleur personne morale (autre que SCI familiale), le cautionnement ne peut être demandé que s'il émane d'un organisme déterminé par décret ou si le logement est loué à un étudiant non boursier (Il s'agit du décret du 28 décembre 2009 qui cite notamment les organismes de fonds de solidarité logement et le 1% patronal).
La loi prévoit une faculté de résiliation de l'engagement, si le cautionnement ne présente pas d'indication de durée ou s'il est d'une durée indéterminée. Toutefois, la résiliation ne prend effet qu’au terme du bail (initial ou renouvelé), au cours duquel le bailleur reçoit notification de la résiliation.
S'agissant du formalisme, les contractants sont familiarisés avec l'exigence de la mention manuscrite imposant à la caution de reproduire une partie de l'article 22 de la loi de 1989. Mais le législateur a abandonné cette exigence pour permettre la conclusion des baux par voie électronique. L'article 22 a été modifié par la loi Elan du 23 novembre 2018.
La loi impose désormais de faire apparaître :
L'ANIL a interrogé les bailleurs sur leurs pratiques en matière de sécurisation locative. Il en ressort que les deux tiers des bailleurs couvrent le risque d'impayé par un instrument dédié. S'agissant des modes de garanties choisies, les bailleurs ont recours pour : - 47 % à une caution solidaire personne physique, - 14 % à une assurance loyers impayés, - 3% au dispositif Visale. La caution solidaire reste donc une pratique très répandue en raison d'abord de la facilité de sa mise en place (60%), ensuite car elle est considérée comme incitant le locataire à payer (32 %), mais aussi par recours à une pratique habituelle (32%). A l'inverse, l'assurance a une moindre image de facilité de mise en place (43%), mais c'est le mécanisme le mieux considéré comme offrant une garantie élevée (33%). L'assurance est généralement souscrite par une agence (42% des bailleurs pratiquant la gestion déléguée souscrivent une GLI). Enfin, Visale est jugé aisé à mettre en place (60 %), faisant jeu égal avec la caution, mais a une moins bonne image de facilité d'activation (13%). Notons que 50 % des propriétaires font de la "bonne impression" produite par le candidat locataire un critère impératif. Cela montre que le contrat de location est un contrat intuitu personae, c'est-à-dire conclu en considération de la personne. « Sécuriser sa mise en location face au risque d’impayés (pratiques et appétences des bailleurs ayant consulté une ADIL) », Aline Abauzit, Maxime Chodorge, Clément Pavard, ANIL, juin 2019 |
Plus une garantie est affectée de protections pour celui qui s'engage, moins elle est efficace. D'où la tentation du créancier de rechercher une autre garantie. C'est un mouvement de balancier inhérent au droit des contrats, suivant que le législateur recherche efficacité du contrat ou protection du contractant.
La hausse des protections de la caution a suscité l'émergence de la garantie autonome ou garantie à première demande. Cette création de la pratique est actuellement régie par l'article 2321 du Code civil (ordonnance du 23 mars 2006). Il s'agit de "l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues." L'une de ses caractéristiques essentielles est que "Le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l'obligation garantie." Ainsi, la mise en oeuvre de la garantie n'est pas subordonnée à la défaillance du débiteur principal (Civ. 1e, 12 décembre 2000).
C'est donc de façon exceptionnelle que le juge pourra admettre que le garant n'est pas tenu de payer lorsque le créancier l'appelle en garantie. C'est le cas par exemple en cas d'abus manifeste s'il est établi que le bénéficiaire de la garantie n'a plus aucune créance à garantir contre le donneur d'ordre (Cass. com. 16 décembre 2008).
La garantie étant donc très efficace, le législateur a redouté que les bailleurs s'en emparent pour remplacer la caution. Il en a donc en 2006 cadenassé le champ d'application : la garantie autonome ne peut être souscrite qu'à la place du dépôt de garantie et uniquement dans les limites de l'article 22, soit un mois de loyer. En pratique, cette garantie ne peut être donc mise en place que pour des baux hors loi de 1989.
Traditionnellement, pour garantir le paiement du loyer par son locataire, c'est le bailleur qui recherche des garanties et, le cas échéant, souscrit un contrat d'assurance.
C'est donc le créancier qui cherche à se prémunir des possibles faiblesses de son débiteur. La charge financière en incombe donc au créancier bailleur. Pourtant, d'autres rapports contractuels ne sont pas conçus de la sorte. Lorsqu'un accédant à la propriété cherche le financement d'une banque, il doit souscrire une assurance et c'est lui, en tant que débiteur, qui paie les primes d'assurance.
Ce renversement d'approche a conduit certains opérateurs à proposer au candidat locataire de souscrire une assurance et de se présenter à un bailleur potentiel avec un argument de poids : en me choisissant comme locataire, vous serez payé sans faute !
La société Youse, créée en juin 2018, filiale de CNP Assurances, propose ce type de garantie. Le service mis en place est entièrement numérique.
Le locataire constitue son dossier (relevés de compte et pièce d'identité notamment). Après analyse, Youse produit un certificat prouvant que le locataire est garanti. Il est valable trois mois et peut être présenté au bailleur potentiel. Youse valide le bail avec le bailleur. Le locataire signe le contrat et reçoit son acte de cautionnement.
Le candidat locataire transmet ses coordonnées bancaires pour que le garant puisse consulter ses comptes, ou produit trois relevés. Une fois l'accord signé, le garant prélève le loyer sur le compte du locataire et le verse au bailleur.
Pour le bailleur, cette solution lui permet d'avoir une garantie de 24 mois de loyer et une assistance pour obtenir la résiliation du bail. Pour le locataire, la solution est coûteuse : elle lui impose de payer une cotisation de 3,8 % du loyer, charges comprises.
Ce contrat a donc un objet plus large que la simple garantie puisque la société est également intermédiaire de paiement.
D'autres sociétés proposent un service de garantie analogue mais sans être intermédiaire de paiement.
C'est le cas d'unkle.fr qui demande également au locataire de payer la garantie, le service étant facturé 3,5% du loyer et des charges. La garantie proposée est sans délai de carence ni franchise. Elle est limitée à 24 mois et 96 000 €. En cas d'impayé, Unkle engage la procédure d'expulsion, en étant mandaté par l'assureur. Unkle travaille avec la société Sada assurances.
Le service garantme.fr propose une garantie jusqu'à 36 000 €. Les frais payés par le locataire sont au minimum de 150 € par an (loyer inférieur à 360 € par mois). Pour un loyer de 1000 €, le coût est de 420 € par an.
Dans la caution traditionnelle, c'est un proche du locataire qui se porte caution. L'idée sous-jacente est que le lien familial ou amical entre le locataire et la caution favorisera la régularité du paiement du locataire. Le locataire pourra hésiter à créer un impayé pour ne pas indisposer la caution ; la caution incitera le locataire à faire diligence.
Mais on peut aussi concevoir que le garant est un professionnel, une banque notamment. Son statut lui permet de fournir une garantie plus forte au bailleur, mais il agit moyennant une rémunération ce qui occasionne donc un coût.
Son fonctionnement est régi par les règles de droit commun du cautionnement (art. 2288 et suivants du Code civil). Elle peut prendre plusieurs formes. La première est celle d'une caution classique, la banque s'engageant à payer en cas de défaillance du locataire. La banque demande alors une rémunération (par exemple 2% du loyer).
La formule la plus caractéristique est celle du versement d'une somme sur un compte bloqué. La somme correspond par exemple à 6 mois de loyer. En cas de défaut de paiement du loyer, le bailleur peut demander à la banque de verser la somme correspondant à l'impayé.
La somme étant bloquée, elle porte intérêt. Mais le service étant facturé par des frais de dossier et une commission annuelle, cela limite, pour le locataire, le bénéfice à attendre de ce placement forcé.
Toutes les banques ne le pratiquent pas, cela dépend donc des relations entre le locataire et son banquier.
La garantie bancaire étant essentiellement régie par le contrat, celui-ci doit être rédigé avec précision pour en connaître la portée. Un récent arrêt, rendu en matière de baux commerciaux, le rappelle. Le locataire avait contracté une garantie avec une banque au profit de son bailleur. Le contrat prévoyait que la caution était donnée à durée indéterminée, mais qu'il cesserait lors de la résiliation ou la résolution du bail. Le bailleur avait donné un congé avec refus de renouvellement, avant d'exercer son droit de repentir et de renouveler le bail. Il a été jugé que le cautionnement avait pris fin (CA Paris, 4 septembre 2019). Cette décision se fonde sur l'article 1740 du Code civil selon lequel la caution donnée pour le bail ne s'étend pas aux obligations résultant de la prolongation. En conséquence, un cautionnement donné pour la durée du bail ne s'applique pas après le congé du bailleur avec refus de renouvellement.
La garantie des loyers impayés (GLI) est un contrat d'assurance. Elle peut être souscrite auprès de différents assureurs. Le montant de la prime d'assurance et l'étendue des garanties varient suivant les contrats. Le plus souvent, la prime est de 3 à 4% du montant des loyers et des charges. Le taux peut être plus bas si l'assurance est souscrite via un administrateur de biens.
La garantie ne couvre pas nécessairement la totalité du loyer mais peut être limitée par exemple à 60 % du loyer. Elle est limitée dans le temps, généralement trois ans.
Pour que la garantie puisse être mise en place, le bailleur doit choisir un locataire respectant des conditions de solvabilité. Le ratio du loyer sur revenus dit taux d'effort, est souvent limité à 35%.
Les garanties souscrites couvrent les loyers et charges impayés, ainsi que les frais de contentieux mais elles peuvent aussi s'étendre aux réparations locatives.
Le contrat Sacapp par exemple permet au bailleur d'avoir une couverture à hauteur de 24 mois de loyers, charges comprises, sans franchise ni délai de carence. Elle couvre aussi à hauteur de 4600 € par sinistre pour les frais de procédure et assure une protection juridique à hauteur de 16 000 €. Les dégradations sont couvertes à hauteur de 2300 €.
Le coût de l'assurance est de 2,70 % du loyer charges comprises.
Type de garantie | Caution | Garantie autonome | Caution bancaire | Garantie souscrite par le locataire | Garantie souscrite par le bailleur | |
Textes | - Art. 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 | - Art. 2321 du Code civil - Art. 22-1-1 de la loi du 6 juillet 1989 | - Art. 2288 et suivants du Code civil | - Droit commun des assurances | - Convention quinquennale Etat-Action Logement du 16 janvier 2018 | - Droit commun des assurances |
Exemples |
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| Youse Garantme Unkle | Visale | Sacapp |
Coût | Nul | Nul | Commission bancaire | - Nul pour le bailleur - Reporté sur le locataire | Gratuit | 2,7% du loyer |
Mise en oeuvre | Engagement d'un tiers lié au bail | Engagement d'un tiers indépendant du bail | Contrat entre la banque et le locataire, au bénéfice du bailleur | - Souscrit par le locataire. - Paiement du loyer par le locataire ou le garant (Youse) | - Souscrit par le bailleur - avec le "visa" demandé par le locataire | Souscrit par le bailleur |
Cumul (2) | - Pas de cumul avec l'assurance (1) | - Pas de cumul avec les autres garanties | Pas de cumul avec la caution | Pas de cumul avec la caution (1) | ||
Avantages | Gratuit pour les deux parties | Grande efficacité | Sécurité de paiement | - Gratuit pour le bailleur - Paiement assuré par la société (Youse) | - Simple - Sûr | Sécurité de paiement |
Contraintes | - Soigner la rédaction : nombreux cas de nullité - Efficacité liée à la solvabilité de la caution | Limitée : ne peut que remplacer le dépôt de garantie d'un mois | Coût pour le locataire | 3,5 à 3,8% des loyers et charges pour le locataire | Vérifier le plafond de loyer | Coût pour le bailleur |
Le dispositif Visale est proposé par l'APAGL (lire l'interview de son directeur général plus bas).
Il vise à faciliter l'accès au logement notamment des jeunes ou des personnes en mobilité professionnelle. A ce titre, il vise les publics de locataires suivants :
Visale fonctionne sur le principe du cautionnement. Il garantit le paiement du loyer dans la limite de 36 mois. Le service, qui est assuré par Action Logement, est gratuit. En cas d'impayé, les loyers sont versés par Visale sans franchise ni carence.
La gestion du service est assurée sur le site visale.fr. sur un espace personnel sécurisé.
Toutefois, le bail doit respecter un plafond de loyer : le loyer ne doit pas dépasser 1300 € par mois, charges comprises (1500 € en Ile-de-France).
Le bailleur doit veiller à respecter l'ordre de signature des contrats : il faut d'abord obtenir le contrat de cautionnement Visale, dans le délai du "visa du locataire", puis signer le bail.
Visale est un dispositif simple et gratuit
Quel est le principe de fonctionnement de Visale ?
Visale est une caution simple, gratuite et dématérialisée. Les deux tiers des locataires qui entrent dans le parc privé sont éligibles au dispositif. Considérant que le choix du locataire est important pour le bailleur, Visale permet à un locataire qui ne remplirait pas les critères habituels de choix d'un bailleur, d'accéder au logement. Visale peut prendre en charge les loyers et charges impayés jusqu'à 36 mois sur toute la durée du bail.
Nous apportons régulièrement des améliorations à Visale depuis sa mise en place en 2016. Depuis février 2019, les nouveaux contrats prennent également en charge les dégradations locatives, jusqu'à deux mois de loyer.
Visale est gratuit pour les deux parties ?
Gratuit tant pour le bailleur que pour le locataire. Il est financé et géré par Action Logement.
Comment y faire appel ?
Le locataire en recherche de logement crée un compte sur le site de Visale afin d'obtenir un visa. Action Logement Service (ALS) contrôle le dossier et accorde le visa. Le locataire peut mettre le visa dans son dossier de candidature pour un logement. Muni de ce visa, le bailleur est déchargé du contrôle de solvabilité de son futur locataire. Il crée un compte sur le site de Visale et obtient en cinq minutes le contrat de cautionnement dématérialisé.
En cas d'impayé, ALS le prend en charge au moyen d'une procédure amiable et, à défaut contentieuse. Le dispositif est très sécurisant pour le bailleur ; il n'a aucun frais à assumer et aucune procédure à engager.
Combien de contrats ont été souscrits ?
Depuis janvier 2016, 179 000 contrats ont été souscrits, dont 77 000 pour les 8 premiers mois de 2019, soit une forte progression.
A qui s'adresse Visale ?
Le public des locataires est composé pour moitié d'étudiants. L'autre moitié se compose de salariés en double mobilité (professionnelle et géographique), souvent des personnes ayant un CDD ou un CDI en période d'essai ou en mutation. Visale est aussi accessible aux locataires en bail mobilité et aux personnes suivies par une agence immobilière à vocation sociale. Les moins de 30 ans sont souvent des étudiants ou en alternance ou de jeunes salariés ou sans emploi.
Le locataire doit respecter un taux d'effort maximum de 50 % et le loyer ne doit pas dépasser 1300 € (1500 € en Ile-de-France).
Le bailleur est-il rapidement indemnisé en cas d'impayé ?
S'il est impayé, le bailleur doit adresser à son locataire une relance en LR avec AR. Au deuxième mois d'impayé, il déclare le sinistre sur le site Visale. Action Logement effectue le contrôle en 15 jours et envoie une quittance subrogative. Après validation, le paiement intervient en 72 heures. Pour les impayés suivants, la déclaration du bailleur est suivie d'un paiement mensuel.
Quel est le taux de sinistre ?
Le taux de sinistre est assez faible : de 4 à 5%. Il est variable suivant les publics mais les hypothèses initiales de sinistralité sont vérifiées. Le taux de l'ensemble du parc locatif est sans doute plus bas, mais notre marché touche un public plus fragile.
Les bailleurs ont donc tout intérêt à faire appel à Visale
Il dispose d'atouts importants : gratuit, simple, dématérialisé et rapide, à condition de respecter le contrat notamment les délais de déclarations d'impayés.
Bertrand Desjuzeur
Source : 25 millions de propriétaires • N°octobre 2019
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