La sortie d'une copropriété peut se rencontrer dans plusieurs situations.
Comment régler la situation juridique d'un des copropriétaires qui acquiert progressivement, ou en une fois, tous les lots de l'immeuble ?
En effet, l'existence du statut de la copropriété suppose qu'il existe au moins deux copropriétaires. A cet égard, la comparaison avec la naissance de la copropriété est éclairante. Il est admis, pour fixer la date de la naissance de la copropriété, lorsque l'immeuble est achevé, qu'il suffit que la propriété soit divisée par lots entre au moins deux propriétaires. Ainsi par exemple pour la construction d'un immeuble par une société d'attribution, la copropriété naît lorsque disparaît la personnalité morale de la société, jusque-là seule propriétaire de l'immeuble (CA Paris, 12 janvier 1983).
A l'inverse, lorsqu'un copropriétaire acquiert tous les lots, par exemple lorsqu'un OPAC achète tous les lots de l'immeuble, la copropriété disparait (Civ. 3e, 28 janvier 2009).
Un arrêt de cassation a jugé clairement que la réunion des lots dans une seule main entraîne la disparition du syndicat. La cour d'appel avait jugé que le syndicat n'avait pas fait l'objet d'opération de dissolution et que le règlement demeurait donc en vigueur et qu'il n'y avait pas de dissolution automatique du syndicat. Mais cette décision a été censurée par la Cour de cassation : « en statuant ainsi, alors que la réunion de tous les lots entre les mains d'un même propriétaire entraîne de plein droit la disparition de la copropriété et la dissolution du syndicat qui ne survit que pour les besoins de sa liquidation, la cour d'appel a violé [les articles 1er et 14 de la loi du 10 juillet 1965] » (Civ. 3, 4 juillet 2007, n° 06-11015).
Cette décision montre bien que la réunion des lots dans une main provoque ipso facto la disparition du syndicat.
Un autre arrêt en tire les conséquences : une SCI avait engagé des travaux dans un immeuble où elle était copropriétaire sans autorisation du syndicat alors que ces travaux affectaient les parties communes. Le syndicat avait engagé une action pour obtenir de la SCI le paiement des travaux de remise en état. Mais la cour d'appel avait rejeté sa demande en constatant que le syndicat n'avait plus d'existence légale. La Cour de cassation confirme la décision : "ayant relevé que l'OPAC du Val-de-Marne avait acquis la totalité des lots constituant l'immeuble du XX rue D., la cour d'appel en a exactement déduit que le syndicat n'avait plus d'existence légale, que les travaux ne pourraient plus être entrepris sur des parties communes qui n'existaient plus et que son droit à réparation avait disparu" (Civ. 3e, 22 octobre 2008, 07-17473). Notons toutefois que le syndicat survit pour les besoins de sa liquidation, ce qui lui permet d'agir à titre transitoire, mais que cet argument n'avait été invoqué qu'en cassation et n'était plus recevable.
Le syndicat survit pour les besoins de sa liquidation (Civ. 3e, 13 janvier 2015, n° 13-20908). Dans cette affaire, un voisin agissait contre les deux seuls copropriétaires d'un syndicat et il avait assigné les deux copropriétaires pour obtenir le paiement de diverses sommes après condamnation du syndicat. La cour d'appel avait jugé que, l'un des copropriétaires ayant fait apport à l'autre de l'ensemble des lots qu'il détenait, l'absence de mise en cause du syndicat dans l'action oblique engagée par le voisin ne justifiait pas une irrecevabilité. La Cour de cassation a censuré cette décision en jugeant que "le créancier du syndicat qui, exerçant l'action oblique, agit en paiement contre les copropriétaires doit mettre en cause le syndicat même si la copropriété a disparu du fait de la réunion de tous les lots entre les mains d'un même propriétaire, la personnalité morale du syndicat subsistant pour les besoins de sa liquidation et l'acquéreur des lots n'étant pas tenu de plein droit des obligations personnelles de ce syndicat". Il est donc bien établi que le syndicat survit à titre transitoire, pour sa liquidation.
Une autre conséquence est que le nouveau propriétaire de l'ensemble des lots peut exercer les actions judiciaires qui auraient été engagées par le syndicat, par exemple contre un assureur dommage ouvrages du constructeur (Civ. 3e, 12 septembre 2007).
Une autre décision a jugé par ailleurs qu'une société copropriétaire qui est devenue seule propriétaire après avoir reçu l'apport des actifs d'une autre société qui était la seule autre copropriétaire n'est pas tenue des dettes du syndicat des copropriétaires qui se trouve dissous (Civ. 3e, 2 octobre 2013). Le créancier impayé doit agir par l'action oblique en mettant en cause le syndicat survivant pour les besoins de sa liquidation.
Pour mettre en oeuvre la liquidation, les anciens copropriétaires peuvent désigner en assemblée un liquidateur.
Cette hypothèse est expressément prévue par l'article 28 de la loi du 10 juillet 1965. Il mentionne le cas où certains propriétaires peuvent se retirer du syndicat pour constituer une copropriété séparée (art. 28 b) mais aussi (art. 28 a) celui où un propriétaire d'un bâtiment demande à se retirer de la copropriété pour constituer une propriété séparée. C'est cette hypothèse de l'article 28 a qui nous intéresse ici :
"Le propriétaire d'un ou de plusieurs lots correspondant à un ou plusieurs bâtiments peut demander que ce ou ces bâtiments soient retirés du syndicat initial pour constituer une propriété séparée". Le même texte précise la majorité requise. "L'assemblée générale statue sur la demande formulée par ce propriétaire à la majorité des voix de tous les copropriétaires".
Par suite, l'assemblée doit se prononcer sur les conditions de sortie, tant juridiques, matérielles que financières. De façon logique, c'est la même majorité qui est requise (majorité des voix de tous les copropriétaires). Toutefois, pour décider d'adapter le règlement de copropriété et l'état de répartition des charges, il suffit d'une décision à la majorité de l'article 24 sauf en ce qui concerne la destination de l'immeuble.
La loi prévoit donc une condition matérielle à la faculté de sortie : c'est la détention d'un bâtiment par le copropriétaire qui veut se retirer. La loi est ici raisonnable : elle admet la sortie si la séparation matérielle est envisageable. En effet, dans la mesure où il y a une sortie de la copropriété, il faut que la séparation physique des bâtiments soit possible. En conséquence, si un bâtiment à retirer est étroitement imbriqué dans le reste de l'immeuble, au point que son retrait impose de démolir une toiture commune, il ne pourra pas y avoir de scission (CA Bordeaux 16 janvier 2006). Une autre décision a refusé le retrait : une assemblée avait autorisé le retrait d'un copropriétaire, mais un autre avait attaqué judiciairement la décision. La cour d'appel avait rejeté son action au motif que chaque acquéreur avait la propriété privative du sol de sa construction et, à titre accessoire, d'un terrain, et que les parties communes ne l'étaient plus. Mais la décision est cassée au motif que la cour d'appel avait jugé que le propriétaire se retirant "serait dans l'obligation d'emprunter la voirie, partie commune et sans constater qu'une assemblée générale s'était prononcée sur les conditions matérielles, juridiques et financières du retrait" (Civ. 3e, 7 mai 2014 n° 13-10986). C'est le fait que le copropriétaire sortant se trouve enclavé sans que l'assemblée se soit prononcée sur l'utilisation de l'accès qui a justifié la cassation.
A la condition matérielle permettant la sortie, la loi ajoute une condition juridique : il faut une décision de l'assemblée des copropriétaires. Le copropriétaire qui souhaite se retirer de la copropriété doit donc convaincre ses voisins pour obtenir une décision à la majorité des voix de tous les copropriétaires.
Dans une affaire tranchée par la Cour de cassation (Civ. 3e, 24 janvier 1978) il a été admis que les copropriétaires pouvaient décider de supprimer ce qui était commun entre les immeubles en copropriété, en l'espèce la propriété du sol et qu'il fallait pour cela une décision unanime des copropriétaires.
Lorsqu'une volonté unanime se prononce pour mettre fin à la copropriété, il faut effectuer un partage des parties communes. Cela ne remet pas en cause la règle de l'article 6 qui prévoit que les parties communes ne peuvent faire l'objet, séparément des parties privatives d'une action en partage, car cet article régit le cas où la copropriété subsiste. Si elle disparait, il est logique que les parties communes soient partagées.
Dans un lotissement, l'aménageur d'origine peut avoir opté pour le choix du syndicat de copropriétaires. Mais la présence de maisons individuelles a nécessairement pour conséquence que les parties communes sont plus restreintes que dans un immeuble collectif. Il s'agit généralement de la voie d'accès et le cas échéant d'un local pour les ordures ménagères, d'un local à vélo, d'un dispositif de contrôle d'accès, voire d'un emplacement de stationnement collectif. Si les parties communes sont limitées, les copropriétaires peuvent être tentés de renoncer au régime de la copropriété. Pour utiliser un régime plus souple, les copropriétaires peuvent décider de créer une association syndicale et de lui transférer les parties communes et tous les ouvrages d'intérêt commun aux propriétaires de l'ensemble immobilier. La copropriété est donc éclatée en propriétés autonomes (Civ. 3e, 7 mars 1990, n° 88-13386). Dans cette affaire, l'assemblée avait décidé de mettre fin à l'indivision du sol d'apporter la voirie à l'association syndicale. Il faut donc également une décision unanime.
Enfin, s'il est possible de supprimer toutes les parties communes, notamment si la voie d'accès est prise en charge par la commune, on peut aussi envisager de supprimer la copropriété et de renoncer à toute organisation collective. Chaque copropriétaire devient alors propriétaire directement de son lot et il n'existe plus de parties communes.
Lorsque le principe de la sortie de la copropriété est acquis entre les copropriétaires, il reste à en prévoir les modalités pratiques. La sortie suppose une décision d'assemblée générale, mais aussi une modification du règlement de copropriété et une publication des actes.
La sortie d'un copropriétaire du syndicat a pour effet de modifier la répartition de tantième de copropriété sur les parties communes de l'immeuble. A ce titre, elle impose une décision à l'unanimité (CA Paris, 1er avril 1998). La sortie du copropriétaire peut avoir pour effet de diminuer les parties communes notamment une partie de terrains. L'article 26 de la loi de 1965 prévoit que cette aliénation ne requiert l'unanimité que si la conservation de ces parties communes est nécessaire au respect de la destination de l'immeuble, ce qui suppose une appréciation au cas d'espèce. Mais en raison notamment du changement de répartition des tantièmes, il est hasardeux de se passer d'une décision unanime.
Toutefois, la rigueur de ces principes est largement tempérée par les cas mentionnés par l'article 28 de la loi qui a explicitement prévu une majorité de tous les copropriétaires.
Dans la mesure où il y a une répartition des parties communes, et notamment le terrain, il faut effectuer un partage. Au point de vue fiscal toutefois, la loi exempte de droit d'enregistrement le parage d'immeubles bâtis soumis à la loi du 10 juillet 1965 et la distribution des parties communes qui en résultent (art. 749 A du code général des impôts).
Le droit de partage qui est de 2,5% (art. 7546 du CGI) est donc écarté. Il faut simplement régler le droit fixe de l'article 680 du CGI (125 €) et la contribution de sécurité immobilière (0,1%) sur la valeur des parties communes qui sont partagées.
Si en règle générale, l'article 26 de la loi requiert de l'assemblée une décision à la double majorité pour modifier le règlement s'il concerne la jouissance, l'usage et l'administration des parties communes, l'article 28 a admis une règle plus souple. En conséquence de la décision de sortie de la copropriété, il permet l'adaptation du règlement de copropriété par une décision à la majorité de l'article 24. Toutefois, cette "adaptation" ne doit pas avoir pour effet de modifier la destination de l'immeuble, faute de quoi il faudrait recueillir l'unanimité.
Tant qu'il n'a pas été modifié, l'ancien règlement reste en vigueur (CA Paris, 13 octobre 2010).
Il faut également prévoir la modification de l'état descriptif de division initial. Il semble que la modification de l'état descriptif puisse être prise à la même majorité que pour décider de la scission (cf. J Lafond in code de la copropriété Litec sous art. 28).
Il faut ensuite prévoir la répartition des créances et des dettes du syndicat. La loi du 24 mars 2014 a complété à cet effet l'article 28 de la loi de 1965. Les créances du syndicat initial sur les copropriétaires sont transférées aux syndicats issus de la division, auquel le lot est rattaché. Les dettes du syndicat initial sont réparties entre les syndicats issus de la division, à hauteur du montant des créances du syndicat initial sur les copropriétaires transférées au syndicat issu de la division.
La loi de 1965 ne prévoit pas expressément le cas de la liquidation du syndicat. Mais les copropriétaires qui décident la liquidation peuvent désigner un liquidateur amiable (Civ. 3e, 5 décembre 2007). Celui-ci est chargé d'assurer les formalités de la liquidation. En cas de litige, un copropriétaire pourrait demander en référé au juge de désigner un liquidateur (CA Versailles, 18 juin 2014).
On peut aussi engager une action pour que le juge constate la disparition du syndicat et homologue un acte de dissolution et de partage de la copropriété (TGI Nancy, 22 février 2007).
La loi ALUR a complété l'article 29-1 de la loi de 1965 par un alinéa 4 qui prévoit expressément que : "Un administrateur provisoire peut également être nommé pour liquider les dettes d'un syndicat en cas d'expropriation ou de dissolution du syndicat."
Bertrand Desjuzeur
Source : 25 millions de propriétaires • N°mars 2019
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