Dans le dispositif original de propriété partagée qu’est la copropriété, le syndic est l’une des trois pièces maîtresses aux côtés de l’assemblée générale et du conseil syndical. De ses origines antiques le terme syndic a conservé son sens. Il désigne celui qui représente et celui qui administre une communauté. La loi en a décidé ainsi : seul le syndic représente de droit la personne morale du syndicat des copropriétaires, nul ne peut le faire à sa place. Dans ces conditions, la défaillance du syndic, son inaction, sa carence, sont autant d’évènement graves qui affectent la vie de la copropriété. La responsabilité active et passive du syndic a été renforcée, si ce n’est alourdie, par de nombreuses réformes, et l’on pense en particulier à la loi ALUR.
Cette hypothèse peut survenir si le syndic candidat ne recueille pas la majorité qualifiée, ou encore si aucun des candidats aux fonctions de syndic n’est élu.
En vertu de l’article 17 alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1965 et de l’article 46 du décret du 17 mars 1967, il s’agit du défaut de nomination du syndic par une assemblée générale convoquée à cet effet.
Le Président du TGI du lieu de situation de l’immeuble, saisi sur requête, désigne un syndic que l’on va donc qualifier de syndic judiciaire.
La procédure doit être mise en place par un avocat à la requête d’un ou plusieurs copropriétaires, d’un ou plusieurs membres du conseil syndical et, depuis la loi ALUR, par le maire de la commune ou par : « …le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’habitat du lieu de situation de l’immeuble. »
La durée du mandat du syndic judiciaire est fixée par l’ordonnance sans excéder trois ans. Le texte prévoit qu’elle peut être prorogée et qu’une procédure identique peut mettre fin à la mission du syndic désigné.
Le syndic désigné administre la copropriété avec les prérogatives légales du syndic à savoir celles prévues par l’article 18 de la loi de 1965, mais, précise le texte de l’article 46 du décret, «Indépendamment de missions particulières qui peuvent lui être confiées par l’ordonnance… ». Cette précision est bienvenue car elle permet de solliciter l’accomplissement de missions spécifiques urgentes telles que la conduite de travaux, le rétablissement de la comptabilité du syndicat, etc.
L’ordonnance doit être notifiée dans le mois de son prononcé à tous les copropriétaires (article 59 al.3 du décret de 1967).
Dans les quinze jours de cette notification, les copropriétaires peuvent saisir le juge des référés en rétractation de l’ordonnance.
La rémunération du syndic désigné est vérifiée selon les principes applicables aux auxiliaires de justice de sorte que le Président du TGI la contrôle et peut même en théorie la réduire, situation qui reste exceptionnelle en pratique. Il en résulte que le syndic désigné ne peut pas retenir sa rémunération sur les fonds détenus pour le compte du syndicat[1].
Les frais de procédure engagés sont des charges communes générales réparties aux tantièmes généraux dont le syndicat assume la charge finale.
Il faut bien admettre que la situation d’absence de syndic désigné par l’assemblée générale se rencontre assez rarement en pratique à la différence de celle dans laquelle le syndicat est dépourvu de syndic.
Les textes de référence sont l’article 17 al.4 de la loi de 1965 et 47 du décret de 1967. Ce dernier prévoit : « Dans tous les cas autres que celui prévu par le précédent article … » c’est-à-dire l’article 46 du décret évoqué plus haut.
Le champ des possibles est donc beaucoup plus étendu et les hypothèses dans lesquelles le syndicat est dépourvu de syndic sont nettement plus nombreuses : fin du mandat du syndic provisoire, absence de syndic provisoire désigné au règlement, annulation de la délibération désignant le syndic, nullité du mandat, démission, décès, prononcé d’une interdiction de gérer, etc.
Le mécanisme procédural est identique à celui déjà évoqué mais certaines différences doivent être soulignées.
Le Président du TGI peut être saisi sur requête déposée par ministère d’avocat mais dans ce cas la saisine est possible « par tout intéressé », ce qui autorise donc les tiers, et en particulier les créanciers, à agir.
La recevabilité de la requête est conditionnée par le seul respect de l’article 47 du décret, la procédure étant autonome. Le juge devra vérifier que le syndicat est dépourvu de syndic, condition qui s’apprécie au jour du dépôt de la requête.
La jurisprudence admet toutefois que la démarche peut être anticipée lorsque le risque de vacance de syndic est évident ; par exemple si l’on se trouve à quelques jours de l’expiration du mandat alors qu’aucune assemblée ne peut plus être utilement convoquée[2].
Le Président du TGI désignera un administrateur provisoire, expert inscrit ou agent immobilier syndic professionnel[3].
La mission est variable, le texte indiquant que l’administrateur devra « notamment » se faire remettre les fonds, documents et archives du syndicat et convoquer une assemblée générale afin de désigner un syndic.
Les praticiens demandent fréquemment la mission unique d’avoir à convoquer au plus vite l’assemblée générale destinée à nommer le syndic afin de limiter au minimum la période d’administration provisoire (ex : mandat du syndic en exercice a expiré avant que l’assemblée générale ait été convoquée).
La durée de la mission de l’administrateur est fixée par l’ordonnance. Elle peut être prorogée, sans pour autant qu’une durée maximale de la mission et une limitation du nombre de prorogations n’aient été expressément prévues. Cette absence peut se concevoir en raison du caractère provisoire de l’intervention de l’administrateur mais encourage parfois le maintien de certaines copropriétés dans une situation endémique d’administration judiciaire peu souhaitable.
Les conditions de notification de l’ordonnance et de recours en rétractation sont identiques à celles du cas d’absence de syndic de l’article 46 du décret tout comme les dispositions financières déjà évoquées plus haut (vérification des honoraires et répartition des frais de procédure).
Il arrive que le syndic prenne l’initiative de cette procédure à ses frais car, par définition, il est responsable de cette situation et doit en supporter les conséquences dommageables.
Rappelons que la loi ALUR a modifié le texte de l’article 18 de la loi de 1965 pour imposer, au syndic qui veut renoncer à son mandat, le respect d’un préavis de trois mois. Ce délai permet au syndic de convoquer utilement une réunion de l’assemblée générale afin qu’il soit pourvu à son remplacement.
Les dispositions de la loi Macron du 6 aout 2015 ont introduit dans l’article 17 de la loi de 1965 un alinéa 4 qui offre une solution alternative à l’intervention de l’administrateur provisoire. Ce texte prévoit en effet que « l’assemblée peut être convoquée par tout copropriétaire, aux fins de nommer un syndic. ».
Ce n’est donc qu’à défaut d’avoir usé de cette possibilité de convocation que le Président du TGI pourra être saisi, ce qui permet d’éviter la désignation systématique d’un administrateur provisoire et le coût de cette mission.
La convocation peut s’avérer difficile en pratique car nécessite que le copropriétaire ait accès à toutes les informations et moyens nécessaires : liste et coordonnées complètes des copropriétaires à jour, intendance pour la diffusion des convocations, etc.
La question des compétences se pose aussi car la convocation régulière de l’assemblée générale apparait aujourd’hui comme une véritable gageure pour un particulier profane en matière de copropriété. Le concours d’un avocat spécialisé, ou d’un syndic professionnel est vivement conseillé.
La loi Macron de 2015 a créé l’article 18 V de la loi de 1965. Ces dispositions prévoient spécifiquement les cas d’empêchement et de carence du syndic. Les solutions prévues pour remédier à ces difficultés sont légèrement différentes.
Dans ce cas, la copropriété est pourvue d’un syndic qui a été régulièrement désigné soit par le règlement de copropriété soit par l’assemblée générale. Cependant ce syndic va se trouver confronté à une situation qui lui interdit de poursuivre sa mission. Les textes ne décrivent pas précisément les causes d’empêchement mais la jurisprudence a été amenée à se prononcer. Il pourra s’agir par exemple de maladie, d’accident, d’une situation de faillite qui va affecter la capacité à agir du syndic. Le retrait de la carte professionnelle ou la perte de la garantie financière ont été également retenus comme causes d’empêchement[6].
Un différend opposant le syndic aux copropriétaires peut constituer un empêchement s’il paralyse la gestion de la copropriété, mais cette situation doit être établie[7].
Selon les dispositions de l’article 18 V, en cas d’empêchement du syndic, pour quelque cause que ce soit, le président du conseil syndical peut convoquer une assemblée générale appelée à désigner un nouveau syndic.
Cette convocation était possible antérieurement mais au bénéfice de l’article 49 du décret dans sa rédaction ancienne qui imposait l’envoi préalable au syndic d’une mise en demeure restée infructueuse pendant huit jours. La nouvelle rédaction de la loi a supprimé cette exigence préalable, ce qui est un progrès.
Le dernier alinéa de l’article 18 V de la loi prévoit la révocation automatique du syndic et la date de sa prise d’effet : « Quand l’assemblée générale délibère pour désigner un nouveau syndic dont la prise de fonction intervient avant le terme du mandat du syndic actuel, cette décision vaut révocation de ce dernier à compter de la prise de fonction du nouveau syndic. ».
Rappelons qu’il est toujours loisible à l’assemblée de voter la révocation du syndic en fonction mais à la condition de motiver cette décision qui, à défaut, pourrait être jugée abusive et ouvrir droit à un dédommagement au profit du syndic.
Précisons que le texte nouveau de l’article 49 du décret de 1967, modifié par les dispositions Macron de 2015, prévoit quant à lui la possibilité en cas d’empêchement du syndic comme en cas de carence de celui-ci, de faire désigner un administrateur provisoire sur assignation de tout intéressé.
L’empêchement ouvre donc deux possibilités de traitement qui du reste peuvent être mises en œuvre successivement. Il est possible que l’assemblée générale convoquée dans les conditions de l’article 18 V ne parvienne pas à désigner un nouveau syndic. Il sera alors nécessaire de recourir à la désignation d’un administrateur provisoire.
Les cas de carence sont multiples : incurie dans le recouvrement des charges, absence d’action en justice pour la sauvegarde des intérêts du syndicat, négligence dans l’exécution d’un jugement favorable au syndicat des copropriétaires, ou dans l’exécution d’une décision de l’assemblée générale, etc.
La carence doit surtout être manifeste[8] et établie par les demandeurs. Le caractère subjectif de la carence est à prendre en compte. La jurisprudence en fait une analyse prudente, en réalité souvent conduite dans le cadre de la recherche de responsabilité du syndic.
Ces situations vont se traduire logiquement, par le non-renouvellement de la mission du syndic, et(ou) par une procédure judiciaire engagée contre lui.
La situation de carence du syndic est prévue par les textes et notamment par les articles 18 V de la loi et 49 du décret, qui n’envisagent qu’un type de réponse, la désignation d’un administrateur provisoire.
En cas de carence, tout intéressé, après une mise en demeure au syndic restée infructueuse pendant plus de huit jours, pourra saisir le Président du TGI du lieu de l’immeuble en référé, sur assignation, aux fins de désignation d’un administrateur provisoire.
L’ordonnance fixe la durée de la mission et ses modalités.
Cette procédure ne nécessite pas le ministère d’avocat mais l’accompagnement de ce professionnel apparaît comme souhaitable. La procédure est dirigée contre le syndic à titre personnel et non contre le syndicat des copropriétaires.
Force est de constater que la mise en œuvre de cette procédure reste rare en pratique. La désignation d’un administrateur judiciaire n’est envisagée que comme une solution de dernière extrémité en raison de son coût et de son caractère confiscatoire pour les copropriétaires qui se sentent dessaisis de la gestion de leur résidence.
Ces solutions textuelles et jurisprudentielles sont supplétives ; le règlement de copropriété peut en effet comporter des dispositions qui devront alors être respectées.
Nous voyons que des clés existent pour faire face aux défaillances du syndic.
Au risque d’un plaidoyer pro domo, que je prends volontiers, ces solutions requièrent le concours de conseils professionnels spécialisés afin de ne pas s’égarer dans un environnement juridique malheureusement toujours plus mouvant et toujours plus complexe.
[1] CA Paris, 23ème Ch B, 30 mars 2000 RG n°98/20.497
[2] Cass civ3, 20 décembre 2018, n° 17-28611
[3] Cass civ3, 11 janvier 2012, n° 10-16.217
[4] Cass civ3, 5 juillet 2018, n° 17-21034
[5] Cass civ3, 28 mai 2002, n°01-01992
[6] Cour d’Appel d’Aix en Provence, 12 juin 1997
[7] Cass civ3, 18 décembre 2001, n°00-14992
[8] Cass civ3, 10 juillet 2007 n°06-20163
Maître François Axisa • Avocat
Source : 25 millions de propriétaires • N°octobre 2019
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