La législation sur la vidéoprotection en copropriété est relativement récente, pour autant, les retouches se sont multipliées pour faciliter la prise de décision.
En 2006, la loi portant engagement national pour le logement[1], dite ENL, a créé l’article 25 n) de la loi du 10 juillet 1965 : « les travaux à effectuer sur les parties communes en vue de prévenir les atteintes aux personnes et aux biens ». Il s’agit de la première approche de la vidéoprotection en copropriété avec un vote à la majorité absolue.
En 2011, la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure[2], dite LOPPSI 2, complète la législation applicable à la copropriété en matière de vidéoprotection en intégrant à l’article 25 un « p) L'autorisation de transmettre aux services chargés du maintien de l'ordre les images réalisées en vue de la protection des parties communes, dans les conditions prévues à l'article L. 126-1-1 du code de la construction et de l'habitation. », à voter toujours à la majorité absolue.
Ces votes, 25 n) et p), pouvaient bénéficier de la passerelle instituée par l’article 25-1 pour un vote à la majorité simple de l’article 24, soit un second vote immédiat si le projet de résolution a recueilli le tiers des voix, soit une convocation d’une nouvelle assemblée dans les trois mois si ce n’est pas le cas.
En 2014, la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové[3], dite ALUR, modifie plusieurs points :
Cette volonté marquée de faciliter l’installation de ce système de « sécurité » montre une évolution de la réflexion sur le sujet. En effet, en 1987, la videoprotection a été qualifiée comme entrant dans la catégorie des travaux d’amélioration par les autorités : « L’installation d’un système de surveillance des parties communes ou celle d’un système de télésurveillance en ce qu’elles ajoutent un élément nouveau à l’immeuble, constituent des travaux d’amélioration »[4]. Des travaux se votant à la double majorité puis à la majorité absolue de l’article 25 à compter de la réforme de la loi ALUR en 2014.
Or la vodéoprotection se vote aujourd’hui à la majorité simple, comme précisé ci-dessus, elle est devenue un outil de sécurité et non plus d’amélioration, en faciliter le vote va dans le sens de son efficacité.
Achat ou location du matériel ? Abonnement auprès d’une société de sécurité dite de télésurveillance ? ... Ces questions se posent.
La location du matériel avec abonnement pour une télésurveillance est plutôt adaptée aux sociétés et aux maisons individuelles, son efficacité reposant sur des capteurs installés sur des portails, portes et fenêtres, des détecteurs dans les pièces avec une alarme associée lorsque le système est enclenché. En copropriété, le besoin est différent, il est plus conventionnel d’acheter le matériel sans abonnement de télésurveillance.
Néanmoins, il est nécessaire de souscrire un contrat de maintenance adapté à l’installation comme cela peut être fait pour un équipement commun.
Les prestations peuvent être variables : visite périodique d’entretien (vérification et nettoyage), intervention pour réparation sous 48h, remplacement des pièces défectueuses à des conditions tarifaires avantageuses ou intégralement pris en charge...
S’agissant du matériel, il existe de nombreux modèles de caméras fixes ou multidirectionnelles, infrarouges, wifi... Il faut opter pour la formule la plus adaptée à la taille de la copropriété, à son environnement, à ses particularités structurelles et à ses finances.
L’article 9 du Code civil dit : « Chacun a droit au respect de sa vie privée.... ». La copropriété étant un lieu privé, il faut respecter le droit à l’image de chacun.
En conséquence, les caméras doivent être placées pour filmer exclusivement les parties communes intérieures et extérieures (ascenseur, hall d’entrée, parking, garage à vélos, cour ou jardin extérieur commun..). Elles ne doivent pas être dirigées vers les portes d’entrée des appartements, les balcons, les terrasses, les jardins ou autres espaces privatifs même s’ils sont à la rubrique des parties communes dans le règlement de copropriété.
Au titre des interdictions figurent également la voie publique et le voisinage.
Rappelons que l’article 226-1 du Code pénal punit d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende « le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui :
1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé. »
En copropriété, l’adoption de la résolution vaut consentement y compris des opposants, qui ne pourront donc pas se prévaloir de la protection pénale pour atteinte à la vie privée, cela suppose bien entendu que les caméras soient orientées correctement.
Depuis la loi LOPPSI 2, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a vu ses pouvoirs renforcés, elle est habilitée à contrôler les systèmes de vidéoprotection des lieux privés ouverts au public, elle le fait notamment en cas de signalement d’un système portant atteinte à la vie privée (caméras mal placées et absence de réaction du syndic pour remédier à la situation par exemple).
En cas de non-conformité de l’installation, c’est le syndicat des copropriétaires qui est le premier responsable vis-à-vis des copropriétaires, des occupants de l’immeuble, des tiers. Il pourra se retourner contre la société installatrice en second lieu ou contre le syndic qui aurait commis une faute.
Immeuble sous surveillance vidéoCet immeuble est placé sous videosurveillance par le syndicat des copropriétaires à des fins de sécurités des biens et locaux. Les images enregistrées par les caméras peuvent être visualisées par .... (à déterminer en AG). Elles sont supprimées un mois après leur enregistrement. La transmission aux services chargés du maintien de l'ordre des images réalisées en vue de la protection des parties communes des immeubles collectifs à usage d'habitation lors de circonstances faisant redouter la commission imminente d'une atteinte grave aux biens ou aux personnes a été autorisée par l’assemblée générale. Pour toute information sur ce dispositif ou pour exercer votre droit d’accès aux images vous concernant, contactez le syndic de l’immeuble (téléphone, mail, adresse). Vous pouvez adresser une réclamation à la CNIL (www.cnil.fr ou 01 53 73 22 22) si vous estimez que ce dispositif n’est pas conforme aux règles de protection des données personnelles. |
Les parties communes des immeubles sont des lieux privés, en conséquence la copropriété peut être soumise à des formalités particulières. L’installation d’une vidéoprotection est en effet soumise à la loi dite « informatique et libertés »[5] modifiée[6].
La législation a également évolué avec l’entrée en vigueur du Règlement Général sur la Protection des Données[7] (RGPD) en 2018 qui vient se substituer à la CNIL sur certains points.
Avant ce règlement, en vigueur depuis le 25 mai 2018, le syndic, représentant légal du syndicat des copropriétaires, faisait une déclaration à la CNIL lorsqu’il s’agissait d’installer un système d’enregistrement des images. Avec le RGPD, cette formalité a disparu.
Toutefois, conformément à cette règlementation, le syndic doit mettre en œuvre des modalités précises d'information des personnes filmées dans ces zones privées. Il s’agira notamment d’une affichette « Lieu placé sous vidéosurveillance » par exemple et des informations sur le traitement des données et le droit d’accès aux images, également par affichage (voir illustration).
Le syndicat des copropriétaires peut toutefois continuer à se renseigner auprès de la CNIL pour les démarches à accomplir.
L’enregistrement des images se fait sur un disque dur et la conservation des images ne peut excéder un mois sauf procédure judiciaire en cours. Le fait de conserver des données à caractère personnel au-delà de la durée prévue est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende (Article 226-20 du Code pénal).
L’assemblée générale de la copropriété doit voter, à la majorité simple, pour désigner un ou plusieurs copropriétaires habilités à visionner les images filmées. En règle générale, il s’agit d’un ou plusieurs membres du conseil syndical, le gardien de l’immeuble, le gestionnaire de la copropriété. La limite est que les images ne doivent pas être librement accessibles à l’ensemble des habitants de l’immeuble, cela ne doit pas être utilisé comme un moyen de « surveiller » en temps réel les allées et venues des habitants et visiteurs de l’immeuble. Souvent, elles sont visionnées uniquement en cas d’incident.
Dans les lieux ouverts au public sans restriction (porte d’entrée de l’immeuble sans digicode ni interphone), locaux commerciaux par exemple et plus généralement établissement recevant du public (ERP), le syndicat des copropriétaires doit obtenir une autorisation préfectorale (cerfa n°1380602) si une ou plusieurs caméras implantées dans les parties communes filment la clientèle, simple visualisation ou enregistrement. Ce cas est rare, cela suppose un magasin dont l’accès est à l’intérieur de la copropriété. Il existe d’autres situations tout aussi rares de servitudes de passages publics qui requièrent aussi cette autorisation.
Pour des locaux professionnels (médecin par exemple), fréquents dans les immeubles en copropriété, la clientèle ou patientèle peut être filmée, il faut donc l’autorisation préfectorale qui impose par ailleurs l’affichage des informations.
| Visualisation | Enregistrement |
Pas d’accès public (exemple : immeuble d'habitation) | / | Respect du RGPD |
Accès public (exemple : immeuble avec locaux professionnels, commerciaux) | Autorisation préfectorale | Respect du RGPD + autorisation préfectorale |
Intégrée au 25p) de la loi de 1965 par la loi LOPSSI 2 précitée, la transmission des images aux forces de l’ordre doit être votée à la majorité absolue (art 25 m).
Une convention entre le syndic et le préfet précisant les conditions et les modalités du transfert des images doit être signée (article L. 126-1-1 du code de la construction et de l'habitation) à la suite de la délibération favorable de l’assemblée générale.
L’article R 127-8 du Code de la construction et de l’habitation précise le contenu de la convention et sa validité pour une durée maximale d’un an, il faudra ensuite la reconduire expressément. Cette convention est transmise à la commission départementale de vidéoprotection.
Les modalités de transmission des images aux forces de l’ordre :
Pour être utilisées comme preuve dans une procédure judiciaire, les images doivent répondre à certaines normes techniques, notamment la définition des images, autrement dit, leur qualité doit être suffisamment élevée[8].
L’installation d’une vidéoprotection se décline en deux ou trois résolutions bien distinctes :
[1] Loi n°2006-872 du 13 juillet 2006
[2] Loi n°2011-267 du 14 mars 2011
[3] Loi n°2014-366 du 24 mars 2014
[4] Réponse ministérielle n°32415, JOAN 28 décembre 1987
[5] Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés
[6] Loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel
[7] Règlement Général sur la Protection des Données n°2016/679
[8] Arrêté du 3 août 2007 relatif aux normes du matériel utilisé (annexe technique publiée au JO du 25 août 2007)
Céline Capayrou
Source : 25 millions de propriétaires • N°janvier 2020
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