"C’est la première demande de nos copropriétaires en conseil syndical. " Axel Thévenet, syndic à Nice chez Borne & Delaunay, avoue qu’au sein des 30 immeubles qu’il gère (1 800 lots), on parle beaucoup du coût de l’énergie dans les assemblées générales et autres réunions de conseil syndical. « Les copropriétaires ont toujours eu à l’idée de baisser les charges, hier comme aujourd’hui, à ce détail près qu’avec la situation géopolitique que l’on connaît, ils sont inquiets des répercussions de la flambée du coût de l’énergie sur le budget de la copropriété. » En effet, depuis que la guerre fait rage entre la Russie et l’Ukraine et parce que la Russie est l’un des plus gros fournisseurs de gaz de la France, le prix du gaz a fortement augmenté (et fluctue) au vu notamment des approvisionnements qu’il a fallu renégocier avec d’autres pays exportateurs. Le tarif de l’électricité a lui aussi augmenté, principalement dû à la faible disponibilité des réacteurs nucléaires français. Finalement, les copropriétés font face à un budget énergétique conséquent. Trop, parfois au point de plomber certains comptes. Alors que faire ? Pour Gilles Frémont, directeur du cabinet de syndic Corraze à Paris et président de l’ANGC (association nationale des gestionnaires en copropriété), « il convient, pour réaliser des économies dans les budgets, de jouer tant sur les charges courantes que sur les travaux à venir. »
Le premier poste que l’on va mettre en concurrence en général « c’est celui du ménage (sauf si c’est un gardien d’immeuble ou un employé qui s’en occupe). On peut négocier un peu mais attention à ne pas dégrader la prestation. » Gilles Frémont conseille également de regarder de plus près la prime d’assurance. « Il ne sert à rien de la négocier tous les ans car il n’y a pas kyrielle d’assureurs, mais tous les trois ou quatre ans, c’est une bonne chose. En n’oubliant pas de bien travailler sur l’entretien de l’immeuble de façon à minimiser les incidents, pour aller ensuite négocier la plus faible prime possible. » Gilles Frémont fait le même constat que dans tous les syndics de France, « le gros poste en ce moment, c’est celui de l’énergie, notamment dans les copropriétés chauffées collectivement au gaz. »
Il indique que dans ces immeubles-là, « il est conseillé de faire appel à un courtier en énergie qui négociera pour la copropriété le contrat le plus adapté à l’immeuble, auprès du fournisseur qui fera la meilleure proposition tarifaire. En ce moment, vu la volatilité des prix, mieux vaut signer un contrat à prix indexé. » (Voir encadré page suivante).
Une autre solution que l’on peut appliquer dans le même temps, est de retarder la mise en route du chauffage. À Nice, où les températures sont douces en hiver, il a été décidé dans la plupart des immeubles gérés par Axel Thévenet, syndic chez Borne & Delaunay, « de ne démarrer la chaudière (au gaz) que le 20 novembre, voire le 1er décembre dans certaines copropriétés exposées plein sud. Contre un démarrage autour du 1er au 15 octobre habituellement. » Une solution entérinée avec le conseil syndical, avec une circulaire envoyée à chaque copropriétaire. Et personne n’a râlé. En revanche, c’est sur la baisse de la température à l’intérieur du logement qu’il y a réticence. Dans le cahier des charges de votre immeuble, il sera probablement exigé un 19 °C au centre de la pièce. À Paris, Gilles Frémont essaie d’expliquer aux résidents que baisser la température d’1 °C sur la période de chauffe permet généralement de baisser la facture de 7 % minimum. « Pas facile. Et quand c’est voté (à la double majorité de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965, suivant la jurisprudence, ndlr), on peut avoir des copropriétaires qui déposent des requêtes en référé auprès du tribunal pour faire augmenter les températures. » Le mieux est encore de s’assurer que le bâtiment est le moins énergivore possible. Pour cela, il ne faut pas hésiter à commander un audit énergétique.
« Il convient, pour réaliser des économies dans les budgets, de jouer tant sur les charges courantes que sur les travaux à venir. » - Gilles Frémont, directeur du cabinet de syndic Corraze à Paris et président de l’ANGC (association nationale des gestionnaires en copropriété)
On ne parle pas du diagnostic de performance énergétique collectif que les copropriétés sont dans l’obligation d’établir à échéance déterminée par l’État (Loi Climat et résilience du 22 août 2021), on parle d’un audit réalisé par un bureau d’études spécialisé. « En plus de l’analyse du bâtiment, des matériaux de construction, du dispositif d’eau chaude sanitaire, etc., ces experts vont regarder si les contrats signés et notamment ceux en rapport avec la maintenance des installations, sont calibrés pour l’immeuble. » Pour le syndic niçois, le sujet est très technique et cette expertise peut être salutaire, pour une optimisation de la consommation énergétique et donc pour économiser sur les charges de copropriété. « De plus en plus, poursuit le syndic niçois, nos conseils syndicaux nous sollicitent sur la faisabilité et l’efficacité de l’installation de panneaux solaires en toiture. On le fait étudier quand c’est envisageable. »
Autre piste, avancer le vote de tous travaux permettant d’améliorer la qualité énergétique de l’immeuble : isolation de la toiture, isolation extérieure, ouvertures, etc. Ce sont des travaux coûteux aujourd’hui mais indispensables demain, voire dans un avenir proche au vu du coût actuel de l’énergie.
De la même manière, et là aussi pour réaliser des économies, sur les autres gros travaux comme un ravalement de façade, une réfection de toiture, etc., ajoute Gilles Frémont, directeur du syndic Corraze à Paris, les maîtres d’œuvre devront établir des cahiers des charges précis pour pouvoir comparer les offres, et demander 3 à 4 devis différents. Ensuite, on regardera pour négocier. On peut gagner 3 à 4 % je pense, ce qui n’est pas négligeable.
On notera que dans nombre d’immeubles, les travaux destinés à lutter contre le côté « passoire thermique » deviennent une priorité par rapport à d’autres qui seront ainsi décalés dans le temps.
Et si les copropriétaires tentaient de réaliser des économies sur les honoraires du syndic ? Alors ça c’est non ! Les syndics que nous avons interrogés ne le conseillent pas. Pas étonnant certes, mais argumenté : « Les honoraires sont déjà très bas quand on les regarde de plus près. Négocier les tarifs revient de facto à voter pour une moindre présence du syndic sur l’immeuble, l’inverse de ce que les copropriétaires souhaitent. Ils s’en rendent compte quand on épluche les contrats des concurrents en assemblée. » On ne peut pas réduire toutes les prestations sous peine de fragiliser l’immeuble et c’est bien là le rôle de votre syndic que de vous indiquer où il possible d’agir et où il ne sert à rien de batailler. On parle d’un « bon » syndic bien entendu, mais cela existe ! Si le vôtre manque de perspicacité, vous avez à présent des pistes à lui proposer pour faire baisser vos charges.
« En plus de l’analyse du bâtiment, des matériaux de construction, du dispositif d’eau chaude sanitaire, etc., ces experts vont regarder si les contrats signés et notamment ceux en rapport avec la maintenance des installations, sont calibrés pour l’immeuble » - Axel Thévenet, syndic chez Borne & Delaunay
Courtiers en énergie : que le meilleur gagne
Très sollicités depuis que les prix du gaz et de l’électricité se sont envolés, les courtiers en énergie peuvent dégoter de nouveaux contrats, moins onéreux et adaptés aux besoins de la copropriété. Un métier à l’image des traders en finance car les marchés du gaz et de l’électricité sont des marchés boursiers. Sébastien Donguy dirige une équipe pour Opéra Énergie, courtier, qui œuvre tant pour les syndics que pour les entreprises industrielles (du boulanger au château de Versailles). « On achète maintenant pour un contrat qui peut démarrer l’année prochaine ou dans deux ans. Ce sont des marchés à terme. En faisant ça, on peut fixer le prix du gaz ou de l’électricité à l’instant où le contrat est signé. Notre rôle est d’être force de conseil pour le client, après analyse des besoins de l’immeuble et de l’actualité liée au prix de l’énergie. Nous travaillons avec une vingtaine de fournisseurs, nous lançons un appel d’offres avec un cahier des charges précis auprès de trois ou quatre d’entre eux, ciblés. Et là, que le meilleur gagne. » En 2020, on achetait le mégawatt heure de gaz à 20 euros, aujourd’hui c’est autour de 170 euros. « Certaines copropriétés qui ont signé des contrats en 2020 pour 2023, ne sont pas du tout impactées par ce qui se passe aujourd’hui. Alors, on n’est pas des magiciens mais on regarde le passé, le présent et l’actualité, pour parvenir au meilleur contrat possible. » Le courtier demandera en amont au conseil syndical s’il est plutôt « parieur » ou « sécuritaire » et orientera son appel d’offres vers du contrat à prix indexé ou fixe. Sa rémunération est indolore pour la copropriété : c’est le fournisseur qui l’assume.
Source : 25 millions de propriétaires et vous • N°569 janvier 2023
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