« Souvent, nous nous rendons à l'assemblée. En théorie, le syndic en place est tenu de terminer l'AG, mais en pratique, dès que l'on est nommé il quitte la salle et nous prenons le relais ». Mathieu Térol, syndic pour le cabinet Grammatico, groupe Ippolito à Nice, a croisé tout type de situation.
Dans la grande majorité, ça se passe bien. Notre entrée en fonction prend effet le lendemain de l'assemblée, comme il se doit. La situation de trésorerie et les références des comptes bancaires ouverts au nom du syndicat des copropriétaires sont transmises tout de suite et le mois suivant l'ensemble des documents et archives nous sont remis.
Au cabinet familial et indépendant Taboni à Nice, Pierre et Corinne Taboni indiquent aussi qu'en règle générale tout se passe bien mais « c’est long. Dans tous les cas, pendant un mois ou deux, on travaille sans filet. On demande aux copropriétaires de régler le montant trimestriel habituel des charges. Parce que sans argent, pas de gestion d'immeuble. Beaucoup le comprennent. Tout ceci dans le but de ne pas pénaliser la copropriété dans son fonctionnement. On connaît assez bien les fournisseurs locaux et on essaie de savoir lequel dispose d'un contrat dans l'immeuble et on les contacte un par un. » Des surprises surviennent parfois : « On reçoit une salve de factures impayées dès que l'on est nommé, explique Corinne Taboni. Factures que le précédent syndic n'a pas réglées. Avant de mettre le nez dans ces soucis-là, nous vérifions tout ce qui a été fait. Surtout, retour à la base : le règlement de copropriété et les clés de répartition. On regarde tout à la loupe et il arrive que des erreurs grossières soient soulevées. Les comptes ne sont pas bons. » Des factures payées alors que les travaux ne sont pas faits, des charges privatives régularisées avec le compte de la copropriété, des répartitions mal opérées... « Le travail est colossal parfois, souffle Corinne Taboni. Mais c'est un métier de passionnés. On aime nos copropriétaires, on aime que nos immeubles soient bien tenus. C'est une satisfaction quotidienne. Et puis à chaque fois que l'on récupère une copropriété, c'est une victoire pour le travail que réalisent nos équipes. On attend les documents, on repointe tout, on prend notre mal en patience. Tout finit par rentrer dans l'ordre. »
Certes. Le cabinet Taboni, 40 collaborateurs, tout comme Grammatico, 10 collaborateurs, ont cependant déjà côtoyé de vrais mauvais joueurs. « C'est ridicule de ne pas transmettre les documents de suite, indique Pierre Taboni, de toute façon, ce que l'on ne fait pas maintenant, il faudra le faire après. » Tout à fait exact et pourtant. Quel syndic n'a pas envoyé une lettre recommandée avec accusé de réception pour mettre en demeure un de ses confrères de lui transmettre les pièces réglementaires qui n'arrivaient toujours pas ? Aucun. « Des cabinets qui attendent le dernier moment pour déposer documents et archives, on en a tous connus. Mathieu Terol raconte quelques belles anecdotes. Déjà, on est content quand le syndic en place n'omet pas volontairement de mettre notre candidature à l'ordre du jour de l'assemblée générale ! Parce qu'après tout se complique, il faut convoquer une nouvelle assemblée, représenter les comptes à approuver. On se retrouve parfois avec deux exercices à présenter, ce n'est pas très professionnel, mais enfin, on le fait pour assainir la situation comptable. Nos copropriétaires le comprennent. »
Pas fairplay entre eux les syndics ? En surface, ils sont tous réglos quand on les interroge. Souhaitant garder l'anonymat, deux anciens collaborateurs des groupes Foncia et Immo de France, confient : « C'est un peu le jeu. Quand on perd un immeuble, on prend le rendez-vous au dernier moment avec le syndic qui le récupère. Pour quelles raisons ? Parce qu'on est mauvais joueur je crois. C'est idiot parce que quand c'est nous qui récupérons un immeuble, on enrage de voir les documents arriver le dernier jour du délai. » Le principe même du mauvais joueur. Tous les syndics interrogés ont déjà envoyé au moins une requête en référé pour récupérer des documents qui n'arrivaient pas dans les temps. La passation de pouvoir n'est donc pas toujours chose aisée. Comme dans tout domaine, théorie et pratique sont très éloignées. En théorie, les copropriétaires cherchent le syndic qui saura gérer leur immeuble d'une main de maître au meilleur tarif, et le syndic cherche les meilleurs copropriétaires possibles d'un immeuble fort bien entretenu. En pratique, les syndics sont mis en concurrence en moyenne tous les deux ou trois ans, pour diverses raisons. La valse des documents n'est donc pas prête de s'arrêter et les immeubles vont continuer de se passer l'syndic.
Source : 25 millions de propriétaires et vous • N°571; mars 2023