Pré-état daté, état daté, quelles différences, quelles obligations ?

ANALYSE - « C'est cher pour ce que c'est ». Les copropriétaires sont d'accord là-dessus. État-daté et pré-état daté sont des documents demandés à différents moments de la vente d'un bien. Ils sont réalisés et facturés par le syndic. Peut-on s'en affranchir ?

« Mettons les choses au clair, nous explique en off un gestionnaire d'immeubles pour un grand groupe, le pré-état daté est un document inventé par les notaires qui ont la flemme de faire les calculs basés sur les documents remis par les clients au moment de la signature du compromis de vente. » Nous sommes en effet dans le contexte de la vente d'un bien avec un vendeur, un acquéreur et des informations à communiquer sur l'état du logement et de la copropriété qui concerne cette vente. Alors, est-ce que cette accusation est infondée ? Ce que l'on peut vérifier, c'est ce qui est noté dans la loi. En l'occurrence la loi ALUR (1) qui est venue clarifier bon nombre de points en matière d'accès au logement. Le terme « pré-état daté » n'est jamais mentionné. Dans cette loi, il est question pour le vendeur de remettre au futur acquéreur « au plus tard à la date de signature de la promesse, les documents » relatifs à l'organisation de l'immeuble, à la situation financière du bien, le carnet d'entretien, la notice d'information, etc. (article L 721-2 du Code de la construction et de l’habitation)Tous ces documents constituent le « pré-état daté ». Évidemment, à la lecture de cette longue liste, le copropriétaire peut prendre peur et préférer payer le comptable du syndic de copropriété pour monter ce dossier. 

« Le pré-état daté » n’est pas forcément établi par le syndic

« Comme les syndics ne sont pas légalement tenus d’établir le pré-état daté, nous proposons un devis au copropriétaire vendeur, explique, toujours en off, le gestionnaire d'immeuble pour un grand groupe. Souvent nous faisons un prix groupé avec l'état daté qui lui est forcément établi par le syndic. Quand ils reçoivent le devis, ils nous appellent aussitôt parce qu'ils trouvent que c'est très, trop cher « pour du papier et quelques chiffres », je cite. Et cela me prend une vingtaine de minutes pour leur dire et redire que tous les documents demandés par le notaire ou l'agent immobilier, communément appelé pré-état daté, sont à leur disposition sur leur extranet. Tous. Parce que le syndic le leur doit. » En effet, le décret n° 2019-502 du 23 mai 2019, applicable au 1er juillet 2020 exige que le syndic mette à disposition de chaque copropriétaire l'intégralité des documents nécessaires à toute vente. Entendez par là ceux demandés pour ce que l'on appelle communément « pré-état daté ». Oui, il a fallu une loi pour clarifier les choses. Des abus constatés ? Des factures salées, c'est sûr. 

Josiane, 57 ans, copropriétaire dans un immeuble de 47 lots à Toulouse : « Quand j'ai vendu mon appartement, le syndic m'a facturé 250 euros le pré-état daté et 450 euros l'état daté, pour des documents qui me paraissaient similaires. C'était en 2019. J'avais pourtant donné mes appels de fonds, le règlement de copropriété, les trois derniers PV d'assemblée générale au notaire mais a priori ce n'était pas suffisant. Alors j'ai payé le syndic pour avoir ces documents. Que faire d'autre ? ».

Qu'y a-t-il dans le « pré-état daté » ? (article L 721-2 du CCH)
  • La fiche synthétique de la copropriété,
  • Le règlement de copropriété et l'état descriptif de division ainsi que les actes les modifiant,
  • Les procès-verbaux des assemblées générales des trois dernières années,
  • Le montant des charges courantes du budget prévisionnel et des charges hors budget prévisionnel, des deux précédents exercices comptables,
  • Les éventuels impayés dus par le vendeur,
  • L'état global des impayés de charges au sein du syndicat et de la dette vis-à-vis des fournisseurs,
  • Le montant de l'éventuelle part du fonds de travaux rattachée au lot principal, 
  • Le carnet d'entretien de l'immeuble,
  • Une notice d'information relative aux droits et obligations des copropriétaires ainsi qu'au fonctionnement des instances du syndicat de copropriété. Un arrêté du ministre chargé du logement détermine le contenu de cette notice,
  • Le cas échéant, les conclusions du diagnostic technique global mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 731-1.

« Notre gagne-pain »

Résignés, le copropriétaire paye. Peut-on parler d'abus ? Retournons demander à notre gestionnaire, en off. « Je ne crois pas. Réunir tous les documents dont il est question pour un compromis de vente, c'est une prestation qui ne figure pas dans les missions du syndic visées à l’article 18-1 A de la loi du 10 juillet 1965. Donc c'est une mission qui a toute sa place en « honoraires annexes ». C'est du boulot. Du boulot en plus. Du temps de travail de l'assistante, de la comptable, des photocopies ou des numérisations parfois. Bref, ça se facture. D'où le devis envoyé au copropriétaire, pour le lui signifier. Ne pas le prendre en traître. C'est pour ça que dire que c'est abusé, bon. Peut-être, fut un temps, on ne demandait pas de devis. Et encore, je ne pense pas. Aujourd'hui, libre à la personne d'accepter ou non. Après, soyons réalistes. Les cabinets de syndic, grands groupes comme indépendants, ne vivent pas grâce aux honoraires perçus en gestion d'immeuble. Notre gagne-pain, ce sont bien ces honoraires annexes. Les déplacements pour les expertises, les honoraires travaux, les fameux « pré-états datés », etc. » 

Si depuis 2020, les choses sont plus claires sur ce document qui ne doit pas forcément provenir du syndic, les « pré-états datés » sont toujours demandés, toujours facturés. Et son tarif est libre. 

État daté, tarif plafonné

L'état daté en revanche, c'est une autre histoire. Ce document indispensable pour la concrétisation d'une vente, doit être fourni par le vendeur avant la signature de l'acte authentique d'un bien. Il présente le même type d'informations que le fameux « pré-état daté », mais il est davantage détaillé. Son contenu est précisé par le décret du 17 mars 1967 et comme son nom l'indique, il fournit les informations sur le(s) lot(s) proposés à la vente, à l'instant T. Ce document, assez comptable, est réalisé par le syndic qui appose en quelque sorte la certification de l'exactitude des informations fournies. Et il est soumis à facturation. Parce que c'est du boulot. Certes, les logiciels de nombre de cabinets sont capables de les établir en quelques minutes, il n'empêche. Comme tout, là aussi il y a eu des abus. Le décret n° 2020-153 du 21 février 2020 est ainsi venu poser des balises et depuis le 1er juin 2020 le maximum qu'un syndic peut facturer au copropriétaire pour la délivrance d'un état daté est 380 euros toutes taxes comprises. Est-ce que le syndic peut faire un geste commercial ? « Oui le syndic peut le faire mais souvent, ce geste nous le faisons sur le pré-état daté. Parce que les honoraires de l'état daté, sont notés, signés dans le contrat de syndic, rappelle le gestionnaire d'immeuble. On pourra toujours justifier un geste commercial lors d'un contrôle fiscal mais il ne faut pas que ce soit récurrent. Dans notre cabinet par exemple, peut-être que trois fois dans l'année on propose 20% sur le « pré-état daté » et de mémoire, une ou deux fois, nous avons offert les frais d'état daté à une copropriétaire parce qu'elle vendait cinq lots en même temps dans un immeuble d'à peine 15 lots. »

1. Loi nᵒ 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'Accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR.

Qu'y a-t-il dans l'état daté ?

Le contenu de ce document est fixé par l'article 5 du décret du 17 mars 1967. Doivent principalement apparaître : 

  • Les sommes restant dues par le vendeur. Il s’agit notamment des éventuelles charges impayées, des provisions exigibles du budget prévisionnel et des dépenses non comprises dans le budget prévisionnel,
  • Les sommes dont le syndicat des copropriétaires peut être débiteur envers le vendeur. Attention, les provisions de charges déjà versées au syndic seront remboursées au vendeur avant la finalisation de la vente. Il faut donc vérifier que la distinction « sommes dues » et « sommes provisionnées » est bien effectuée dans le document,
  • Les sommes qui devraient incomber au futur acquéreur. Il s'agit notamment des provisions non encore exigibles au titre du budget prévisionnel. Elles peuvent être données à titre approximatif et sous réserve de l’apurement des comptes,
  • Les procès en cours.
Par Sam CAROBOTT, journaliste

Source : 25 millions de propriétaires et vous • N°572 - avril 2023

Adhérez à l'UNPI ici