« Il n'y a pas d'action rapide mais, in fine, le syndic est sûr de gagner. » Sabrina, gestionnaire d'immeuble pour un grand groupe depuis plus de 15 ans à Bordeaux, est formelle : « Des jardins qui ne sont pas entretenus, il y en a souvent. L'usager doit veiller à son entretien, ce qui est généralement noté au règlement de copropriété et nous, syndic, nous veillons au respect du règlement de copropriété. Entre autres (rires). » Le règlement de copropriété. La Bible du syndic. Tous ceux interrogés indiquent qu'en grande majorité les jardins attachés au logement des copropriétés sont bien des « parties communes à jouissance privative », que c'est indiqué dans le règlement de l'immeuble. C'est-à-dire que le terrain appartient bien à la copropriété, mais que tout le reste : plantations, arbustes, arbres, doit être entretenu par l'usager. Soit le copropriétaire, soit le locataire (1). Rien d'extraordinaire, cela semble même évident. Et pourtant, nombre de témoignages convergent vers l'absence d'entretien de ces espaces. « J'ai eu un cas, poursuit Sabrina, où les plantes avaient tellement poussé, les troncs s'étaient tellement épaissis, que la façade a été abîmée et la fenêtre du premier étage obstruée. » Autre cabinet, même réjouissance. Julie, syndic à Nice depuis cinq ans pour le même grand groupe, avoue avoir eu plusieurs cas comme celui-là. « Souvent c'est le locataire qui est défaillant. Le gazon n'est pas tondu, les mauvaises herbes prolifèrent, les moustiques sont attirés, parfois les cafards et les souris s'installent. Et les copropriétaires nous assomment de courriers. On se sent impuissants. Pourtant, quoi qu'il arrive, l'usager devra toujours être celui qui s'occupe du jardin, celui qui devra payer pour son entretien s'il ne le fait pas et qu'une gêne avérée est occasionnée. » Que faire quand ça dégénère ?
Première chose : regarder le règlement de copropriété. Si l'usage privatif est la règle (il s’agit alors de parties communes à jouissance privative), parfois il peut y avoir des surprises (sur d'anciens immeubles notamment) avec des jardins qui appartiennent en pleine propriété à la copropriété (il s’agit dans ce cas de parties communes), et donc, où le syndicat est garant de l'entretien et du remplacement des essences et autres plantations qui y sont ancrées. Ces cas sont rares semble-t-il. Le syndicat des copropriétaires sera avisé de cet état de fait et devra entretenir ces espaces.
Seconde chose à faire : chercher à savoir si le défaut d'entretien provient du copropriétaire ou de son locataire. Si la procédure est la même, car le syndic ne peut s'adresser qu'à son client (le copropriétaire) ou à son agence immobilière, cette information permet de cibler le bon « fautif ». « Ce que l'on fait en général, lors de nos visites d'immeuble, évoque Sabrina, c'est que l'on envoie un courrier simple au copropriétaire dès que le jardin est un peu à l'abandon. On n'attend pas que ce soit le Far West. » Un courrier simple est envoyé après appel téléphonique infructueux. Si aucune réponse n'est donnée, un second courrier part, souvent en recommandé avec demande d'avis de réception. Le copropriétaire est de nouveau contacté, des questions sont éventuellement posées au voisinage pour savoir ce qu'il se passe, etc. « Cela peut prendre des mois et des mois. Le copropriétaire est en villégiature je ne sais où, il est parti pour 6 mois et ne s'occupera de rien. Bien souvent, ce sont des copropriétaires qui ne paient déjà pas leurs charges. Il faut s'armer de patience. »
Si un locataire est en place, le copropriétaire doit être attentif. C'est ce que va lui signifier le syndic dans son courrier. Lui demander de vérifier ce qui est noté dans le bail concernant l'entretien du jardin. En règle générale, c'est celui qui en a l'usage qui officie (voir encadré), donc le locataire, mais il arrive que le bail spécifie que l'entretien du jardin est à la charge du copropriétaire, vu comme un atout supplémentaire à la location.
Ensuite et parce que le rôle du syndic est de veiller à l'entretien de l'immeuble, « on peut proposer des solutions amiables comme demander un devis au jardinier de la copropriété, le proposer au copropriétaire, et s'il accepte, faire les travaux et imputer ce montant sur ses charges. De cette façon, explique Antoine, gestionnaire à Toulouse pour un autre grand groupe, on parvient très souvent à clôturer le problème. » Mais, pas toujours. Sabrina à Bordeaux, indique que comme pour les premiers courriers envoyés pour signaler le sinistre, ceux-là ne sont pas davantage ouverts. Si la situation empire, avec des nuisibles qui rodent, des moustiques et autres blattes, deux solutions s'offrent au syndic.
Faire appel au service hygiène de la mairie dont dépend le bien et signaler les troubles provoqués par l'absence d'entretien du jardin. Si le risque est avéré, alors le maire pourra prendre un arrêté afin de contraindre le propriétaire du jardin à le remettre en état. Le maire peut également faire réaliser les travaux aux frais du propriétaire suivant l'article L.2213-25 du Code général des collectivités territoriales. Ces travaux sont alors effectués par des agents du service communal d'hygiène et de santé de la mairie. Au printemps en effet, ces services sont régulièrement sollicités. La réactivité est fluctuante aux dires des syndics mais l'efficacité, elle, est assurée.
Si rien de tout ceci n'a fonctionné, « alors on enclenche la procédure judiciaire et on demande l'autorisation en assemblée générale (vote à la majorité de l'article 24) d'ester en justice à l'encontre du copropriétaire défaillant. En général, là ça bouge, sourit Antoine, gestionnaire à Toulouse. Surtout quand en premier lieu, nous faisons passer un huissier pour faire constater l'état du jardin et mettre l'accent sur les nuisances occasionnées. » Pas de référé heure à heure possible sauf dans le cas de jardin aux herbes jaunies, en pleine sécheresse et dans une région venteuse par exemple. Là, la procédure sera rapide. Sinon, comptez quelques mois avant de pouvoir exposer votre cas et de trouver une issue heureuse. Sachez qu'au final « c'est le syndic qui gagne, rappelle Sabrina. Nous avons la loi de notre côté dans ce genre d'affaires. On ne peut pas pénétrer dans les jardins à usage privatif et remettre nous-mêmes en ordre les jardins. C'est interdit et c'est normal. Pourtant, certains copropriétaires aimeraient bien le faire, bénévolement qui plus est. Nous usons de toutes les solutions à notre disposition et à force, on y arrive. On essaie autant que possible de régler ce litige à l'amiable pour ne pas faire porter au syndicat des frais trop lourds pour un jardin. Éviter en quelque sorte que les ennuis ne continuent de fleurir. »
1. Sauf rares cas où des arbres de haute futaie se situent dans ces jardins-là. Ces essences, aux racines profondément ancrées dans le sol commun appartiennent, pour cette raison à la copropriété qui de facto à la charge de les entretenir, les tailler, les remplacer le cas échéant. Cour d'Appel Aix-en-Provence, 4e ch., 6 juin 2008.
Source : 25 millions de propriétaires et vous • N°572 - avril 2023