Le co-living : entre effet de mode et modèle durable

Nous vivons une époque paradoxale, où l’appétence pour le partage le dispute d’une façon inattendue à l’individualisme. Ceux-là même qui marchent aujourd’hui dans la rue, les yeux rivés sur leur téléphone portable, se mettent en scène par des « selfies » (regardez bien où je suis…), et cherchent à mettre leur vie en valeur sur les réseaux sociaux, aspirent également à partager des lieux de vie, de espaces de convivialité et de travail dans leur quotidien. Certains nomment cela l’individualisme connecté.

Même si les termes utilisés, très anglicisés (co-working, co-living, flat-sharing…) font penser à un effet de mode éphémère, la tendance du partage dans l’immobilier n’est pas récente : il n’est que de penser à la colocation entre étudiants qui se pratique, au moins de manière informelle, depuis la fin des années 70 en France, ou encore aux communautés hippies des années 60 aux Etats-Unis et en Europe... Si l’on remonte à la fin de la seconde guerre mondiale, des architectes tels que Le Corbusier avaient déjà pensé à créer des ensembles immobiliers dotés de lieux de rencontre entre habitants.

Mais la conjugaison de la crise économique permanente, de la flambée des prix de l’immobilier et de la généralisation de l’Internet a conduit à un très net essor de ce secteur, lequel a aujourd’hui le vent en poupe.

La tendance du partage dans immobilier, dont le co-living est l’expression la plus récente, peut s’expliquer par plusieurs facteurs :

  • d’abord il y a une véritable aspiration à la convivialité dans une société de plus en plus impersonnelle et individualisée ; les jeunes générations (nées avec l’Internet dans les années 2000), qu’on le regrette ou qu’on y souscrive, ne se retrouvent pas dans le modèle économique dominant dans le monde. Un modèle qu’ils jugent basé sur la consommation et l’enrichissement personnel, et qui a laissé sur le bas-côté une part très importante de la population. Les sociologues le démontrent, la recherche de la convivialité et  du partage sont des manifestations positives de ce rejet (la violence en est une autre…) ;
  • sociologiquement toujours, la société évolue aujourd’hui vers des modèles différents : montée du célibat, développement des mobilités à la fois géographiques et professionnelles. Le modèle couple/enfants/stabilité professionnelle à 30 ans est en passe de devenir minoritaire et l’immobilier doit s’y adapter. A cela s’ajoutent des désirs de vie différents et une aspiration à l’usage des biens plus qu’à leur appropriation ;
  • les facteurs économiques sont également déterminants : en raison de la crise de l’emploi, les jeunes actifs accèdent de plus en plus tard à des formules d’emploi stable (CDI) et rencontrent des difficultés de logement ; il en est de même des jeunes entrepreneurs pour leurs locaux d’exercice professionnel. L’autre facteur économique est évidemment la flambée des prix de l’immobilier dans les principales agglomérations depuis le début des années 2000, qui touche autant l’habitation que les locaux d’activité, et qui bien entendu a des répercussions importantes sur le secteur locatif. Dès lors la tendance au partage s’explique principalement par la volonté de réduire la facture ;
  • également, la conscience environnementale (au sens large du terme) n’est pas absente de ce mouvement. Mutualiser certains (pas tous) espaces de vie et de travail (cuisine, salle de sport, équipements informatiques…) est également une manière de répondre aux défis environnementaux en consommant plus intelligemment ;
  • enfin l’Internet facilite grandement le développement de ces pratiques en permettant aux personnes ayant les mêmes aspirations dans un secteur géographique de se rencontrer, d’exprimer leurs besoins, leurs offres… Au temps des petites annonces papier, cette rencontre était nettement moins évidente !

Le co-living ne fait l’objet d’aucune définition claire, ni d’aucun régime juridique précis. Il est avant tout une tendance multiforme pas évidente à appréhender. A minima peut-on dire que les multiples pratiques de co-living ont toutes en commun le partage entre plusieurs personnes d’espaces de vie et parfois en même temps, de travail.

Cet article essaiera tout d’abord de recenser les déclinaisons du co-living pouvant exister au moins en France, puis de définir les différents aspects de son régime juridique et fiscal et enfin d’analyser le modèle économique et les opportunités qu’il peut représenter tant du côté du locataire que du côté du propriétaire.

Les différents visages du co-living

Nos lecteurs se demanderont tout d’abord à juste titre s’il faut différencier le co-living de la colocation ? On répondra simplement que les deux notions sont très semblables mais que le co-living représente une version plus aboutie de la colocation. En effet, la colocation est en général autogérée et organisée par les colocataires eux-mêmes dans un espace qui n’a pas toujours été pensé à cet usage. Ainsi, souvent, le seul espace réellement privatif dans une colocation est la chambre, les sanitaires et cuisine étant communs. Le co-living est mieux adapté à des publics exigeants qui souhaitent une véritable intimité, matinée d’une dose de partage et de services. L’autre différence est la durée d’utilisation du bien immobilier : alors que la colocation est généralement pluriannuelle, le co-living correspond mieux à des besoins ponctuels et de courte durée (retour d’expatriation, divorce, travaux dans le logement dont on est propriétaire…).

Les locaux objet du co-living peuvent être de différentes natures

Le co-living peut d’abord être conçu uniquement pour de l’habitation. Les locaux, soit construits à cet effet, soit procédant du réaménagement d’une maison individuelle de taille conséquente, comprendront dans ce cas des unités privatives et des espaces partagés. Les espaces privatifs sont de véritables appartements allant du studio au T3 et comprennent une ou plusieurs chambres, sanitaires et le cas échéant une kitchenette. Les espaces communs se composent généralement d’une pièce de convivialité (lecture, multimédia, jeux), d’une buanderie, d’une chambre d’amis... Les locaux sont entièrement meublés le plus souvent et des services sont adjoints à l’offre purement immobilière : linge de maison, ménage, abonnements Internet et chaines télé, vélos, trottinettes électriques, gardiennage… Bien entendu, le prix payé comprend l’ensemble des charges : eau, électricité, chauffage, taxe d’habitation… Ce type de co-living est destiné à un public exigeant, et doté de revenus supérieurs. L’intérêt de ces formules est également leur souplesse puisque l’utilisateur peut contracter pour des durées brèves, confier en sous-location pour le temps d’une mobilité à l’étranger… Ce qui différencie nettement le co-living des colocations classique est le cadre souple des formules proposées. Le coût est en rapport, nous le verrons plus loin.

Le co-living peut également procéder d’une nature mixte habitation-professionnel ; l’idée est ici de combiner co-working et habitation commune. Juste pour rappel, les espace de co-working se sont fortement développés au cours des 10 dernières années ; ils proposent à des professionnels libéraux ou à des créateurs d’entreprise de partager des locaux professionnels pour un temps pouvant aller de quelques heures à plusieurs mois, en bénéficiant également de services partagés (photocopie, abonnement Internet, cafeteria…) ; le principe sous-jacent du co-working n’est pas uniquement de réaliser des économies d’échelle, mais également d’offrir un lieu d’échange intellectuellement « fertilisant » pour des professionnels de secteurs différents et ainsi développer leur créativité. L’idée de combiner co-working et habitation vise à décloisonner le temps de travail et le temps personnel en permettant aux intéressés d’habiter sur leur lieu de travail ou, suivant comment ils conçoivent la part de chaque chose, de travailler sur leur lieu d’habitation ! Accessoirement c’est également une réponse à la tendance au « nomadisme » professionnel où l’on travaille à toute heure, connecté avec le monde entier, alors que les espaces exclusivement dédiés au co-working ont des heures de fermeture précises.

Enfin, certains projets proposent un thème spécifique au co-living, renforçant ainsi la dimension communautaire autour de centres d’intérêt comme le sport (salle de sport intégrée aux espaces communs, abonnement à des chaînes sportives), la cuisine (équipements dédiés, cours de cuisine) ou le développement personnel (espaces de relaxation, sauna, yoga).

Les déclinaisons semblent donc quasiment infinies, le concept étant de coller au plus près des besoins des utilisateurs dans un marché en pleine expansion mais aux dimensions encore limitées.

Des publics différents et des produits variables

Le co-living connaît également des publics différents et les produits proposés sur ce marché varient sensiblement en fonction de la clientèle. Le co-living le plus répandu est celui qui touche les étudiants. Aujourd’hui plus de 40 % des étudiants ont adopté un mode d’habitation partagé dont le plus connu est la traditionnelle colocation autogérée. Le co-living étudiant se développe également à grande vitesse même s’il n’est pas toujours évident de le différencier en pratique des résidences étudiantes classiques proposant des services adaptés. Il touche la tranche d’âge 18-24 en moyenne et mise sur le caractère ludique et connecté des lieux ; les espaces privatifs se limitent généralement à une chambre de petite taille.

Le co-living de jeunes salariés (25-30 ans) se répand également dans les grandes agglomérations et peut accueillir autant des personnes célibataires que des couples ou familles avec un ou deux enfants en bas-âge. C’est généralement pour ce type de public que sont proposés des espaces de co-working.

Le co-living senior est encore peu développé alors que c’est probablement celui qui a le plus de potentiel de développement en raison de plusieurs facteurs : l’allongement de la durée de la vie, la faiblesse économique de beaucoup de retraités, les besoins en soins et en sécurité pouvant être mutualisés. Il peut représenter une alternative aux maisons de retraite et EPHAD pour des publics encore autonomes ou en légère perte d’autonomie. Que l’on songe aux services pouvant être mutualisés à l’échelle de 5 ou 6 occupants : repas, soins infirmiers, espaces de convivialité, multimédia, apprentissages…

Enfin le co-living intergénérationnel semble encore très embryonnaire en France alors qu’il serait probablement l’un des modèles les plus prometteurs permettant la rencontre des besoins des jeunes générations (aspiration solidaire, logement économique) avec celle des générations dites « silver » (en anglais, argent, pour la couleur des cheveux !) en quête de rompre avec la solitude et d’aide ponctuelle (ménage, courses, menus travaux par exemple).

Mode d’organisation et de gestion

Le mode d’organisation et de gestion du co-living est également un déterminant important. De manière schématique deux modèles peuvent être imaginés :

  •   soit un modèle de co-living autogéré par les occupants ; ces derniers louent ou achètent un bien immobilier et l’aménagent aux fins de leur projet. Lorsque les occupants sont en même temps propriétaires, le modèle se rapproche en réalité de l’habitat participatif ou coopératif (voir notre article : « Immobilier : un nouveau regard sur la propriété / Volet 1 – l’habitat groupé » 25 Millions de propriétaires, juin 2015, p.16) ; lorsque les occupants sont locataires du bien mais organisent eux-mêmes les modalités de vie en commun, on est dans un modèle proche de la colocation entre étudiants. Ce type de co-living est plutôt minoritaire car il est complexe à gérer, la question essentielle étant celle de la responsabilité financière en cas de défaillance, de vacance etc… L’autre difficulté est l’aménagement des locaux par les occupants en vue de l’usage « co-living » ; cet aménagement a un coût (qui paye ?) et nécessitera l’autorisation par le propriétaire.
  • soit un modèle de co-living professionnalisé où l’on retrouvera généralement trois parties : un promoteur propriétaire qui initiera l’opération et procèdera à la construction ou aux aménagements d’un bien existant, un gestionnaire chargé de la mise en œuvre quotidienne du co-living et notamment de l’offre de services, et enfin un occupant final, payant la prestation. Ce modèle de gestion est en réalité très proche de celui des résidences hôtelières ou résidences-services. Le co-living est donc ici un produit de consommation immobilière, plutôt luxueux, mis en avant par un marketing bien pensé.

Le régime juridique du co-living

Disons-le d’emblée : il n’y a pas de régime juridique unique du co-living, pour deux raisons évidentes : le caractère très récent de cette tendance et surtout la multiplicité des modèles offerts sur le marché. Le régime juridique va osciller entre la colocation classique, la location en meublé, la résidence avec services, le logement-foyer ou encore l’hôtellerie…

La question de la destination des lieux

Cette question ne concerne pas directement l’usager des biens en co-living mais plutôt le promoteur de l’opération. En effet, la destination des lieux est une question d’urbanisme qui a des incidences importantes sur la possibilité de réaliser ou non une opération de co-living. Ainsi, si l’opération envisagée suppose une construction neuve, il sera nécessaire de s’assurer que sa destination est compatible avec le règlement d’urbanisme de la commune ; si, ce qui est souvent le cas, l’opération se réalise à partir d’une construction existante (villa, maison de ville…), il faudra vérifier si l’opération suppose ou non un changement de destination. D’où la question de la destination des lieux objets du co-living, dont la détermination ne pourra se faire qu’au cas par cas en application de la nomenclature prévue par le droit de l’urbanisme (arrêté du 10 novembre 2016).

Les opérations de co-living peuvent se ranger dans deux destinations principales :

  • La destination « habitation » qui comprend les deux sous-destinations logement et hébergement. La sous-destination « logement » recouvre les constructions destinées au logement principal, secondaire ou occasionnel des ménages (maisons individuelles et immeubles collectifs). La sous-destination « hébergement », plus proche du concept de co-living, recouvre les constructions destinées à l'hébergement dans des résidences ou foyers avec service. Cette sous-destination recouvre notamment les maisons de retraite, les résidences universitaires, les foyers de travailleurs et les résidences autonomie.
  • La destination de construction « commerce et activité de service » qui comprend la sous-destination « hébergement hôtelier et touristique » recouvrant les constructions destinées à l'hébergement temporaire de courte ou moyenne durée proposant un service commercial.

Tout va donc dépendre de la part de l’habitation et des services dans le projet de co-living. Certaines communes ont défini des critères plus précis à partir de la nomenclature ci-dessus ; Ainsi par exemple à Lyon, si l’opération offre à ses usagers au moins trois des quatre services (nettoyage, accueil, restauration, fourniture de linge), il s’agit d’une destination « commerce et activités de services ». Si ce n’est pas le cas il s’agira d’une destination « habitation ».

Le type de rapports locatifs

La France est un pays très règlementé du point de vue des rapports locatifs et le co-living n’entre dans aucune catégorie précise, mais peut correspondre à plusieurs schémas.

La colocation peut être l’un des modèles juridique du co-living autogéré :

Dans ce cas les initiateurs et usagers du projet contractualisent directement avec le propriétaire de l’immeuble sur la base d’une location « nue » soumise à la loi du 6 juillet 1989. Les usagers pourront signer entre eux un «pacte de colocation » prévoyant notamment comment les charges se répartissent et comment les locaux sont utilisés. Ce pacte n’a d’effet qu’entre les colocataires et demeure inopposable au propriétaire des lieux.

La loi du 6 juillet 1989 sur le bail d’habitation prévoit aujourd’hui des dispositions relatives à la colocation ci-après résumées :

  • tout d’abord, la colocation sera formalisée par la conclusion d’un contrat unique ou de plusieurs contrats entre les locataires et le bailleur. Si la colocation se formalise par une pluralité de baux, le logement est considéré comme divisé et chaque partie louée doit satisfaire aux normes exigées par les textes applicables (9 m² et 20 m3 au minimum).
  • la solidarité des colocataires (dans le cadre d’un bail unique), c’est-à-dire la faculté pour le propriétaire de demander le paiement du tout à un seul des colocataires, doit être expressément prévue par le bail ; à défaut de clause expresse, la responsabilité de chacun est simplement « conjointe », ce qui signifie qu’il n’est tenu du loyer et des charges qu’au prorata de sa part individuelle.
  • s’agissant du cautionnement, le propriétaire a plusieurs possibilités :
    • ne pas exiger de caution (rare),
    • se contenter d’une caution pour l’ensemble des colocataires,
    • exiger une caution par colocataire. La loi prévoit ici que chaque caution est identifiée comme se rapportant à un colocataire défini, ceci permettant de mettre fin à l’acte de caution au moment du départ dudit colocataire.
  • sur la question des charges, la loi prévoit que le propriétaire peut soit procéder de manière classique en appelant chaque mois une provision pour charges (au prorata de la part de chacun) et en régularisant en fin d’année, soit ajouter au loyer principal un forfait mensuel non régularisable.
  • quant au loyer perçu par le propriétaire, il est en principe libre sauf à être soumis aux dispositifs d’encadrement prévus dans certaines communes. La législation prévoit en effet que le montant de la somme des loyers perçus de l'ensemble des colocataires ne peut être supérieur au montant du loyer applicable au logement en application des dispositifs d’encadrement, si applicables.

La (co) location en meublé :

Elle peut également être un régime juridique applicable au co-living si le logement mis à disposition comprend des aménagements et meubles correspondant au minimum requis légalement et surtout s’il est la résidence principale du locataire c’est-à-dire si ce dernier l’occupe plus de 8 mois par an. Dans ce cas, la durée du bail est libre et un certain nombre de dispositions de la loi du 6 juillet 1989 seront applicables.

Si le logement meublé est occupé moins de 8 mois par an par le locataire, il pourra alors être rattaché au régime des locations en meublé saisonnières (voir sur ce sujet notre article Retour sur les locations saisonnières, 25 Millions de propriétaires, avril 2018, p.26), ce qui entraînera à la charge du bailleur des obligations déclaratives plus ou moins lourdes suivant la commune de situation du bien. Le co-living se fondra ici avec le régime des locations de type Airbnb.

Moins connu, le régime locatif du logement-foyer :

Il apparaît particulièrement bien adapté au co-living même s’il n’a pas été conçu à cet usage, mais plus pour des publics fragiles. L’article L. 633-1 du Code de construction et de l’habitation définit le logement-foyer comme un établissement destiné au logement collectif à titre de résidence principale de personnes dans des immeubles comportant à la fois des locaux privatifs meublés ou non et des locaux communs affectés à la vie collective et accueillant notamment des personnes âgées, des personnes handicapées, des jeunes travailleurs, des étudiants, des travailleurs migrants ou des personnes défavorisées. Le logement-foyer est géré par un tiers gestionnaire qui propose des services.

Le modèle des résidences avec services :

Appelées également résidences-hôtelières, ce modèle semble pouvoir s’appliquer à certaines opérations de co-living. En réalité il n’existe pas réellement de régime juridique propre à ces résidences, notamment dans les relations entre l’occupant et le gestionnaire. Les problématiques juridiques liées à ces résidences se concentrent sur les questions de défiscalisation et sur celles de bail commercial entre l’investisseur et le gestionnaire.

Ce rapide tour d’horizon des régimes juridiques potentiellement applicables au co-living nous montre tout d’abord la fragmentation du droit des rapports locatifs ; de multiples régimes cohabitent, se chevauchent, avec un périmètre d’application pas toujours clair. Il fait apparaitre ensuite que le co-living est irréductible à une catégorie juridique précise.

Dans la plupart des situations observées, le co-living est professionnalisé (géré par un professionnel), propose des services substantiels, pour des durées d’occupation allant de quelques semaines à plusieurs mois ; dans ce cas, le contrat liant le gestionnaire à l’occupant sera un contrat sui generis combinant location et prestation de services. Ce type de contrat est simplement soumis aux règles du Code civil et le cas échéant du Code de la consommation. Il n’est soumis à aucune règle spéciale concernant la durée, le montant du loyer, la facturation des prestations, le renouvellement.

Le régime fiscal du co-living :

On s’interrogera sur quelques aspects fiscaux du co-living.

Du point de vue de la TVA, le régime applicable sera celui de l’hôtellerie, c’est-à-dire une TVA à 10 %, si, en application de l’article 261 D du Code général des impôts, l’opération se caractérise par des prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle.

S’agissant des revenus encaissés par le bailleur, ils recevront la qualification de revenus fonciers en cas de location nue et sans services associés (colocation classique) ; dans tous les autres cas, il s’agira de bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Suivant les caractéristiques de l’opération réalisée, le bailleur pourra bénéficier du régime de loueur en meublé non professionnel (dit LMNP) qui permet de déduire des revenus locatifs toutes les charges afférentes au bien immobilier y compris son amortissement. Le régime LMNP est assujetti à des plafonds de revenus locatifs. En revanche le bailleur / investisseur n’est pas éligible à des dispositifs de défiscalisation comme cela a pu être le cas pour certaines résidences de tourisme.

La déductibilité des sommes payées par l’usager ne sera possible que si les biens ont un usage professionnel, ce qui sera notamment le cas si une partie des espaces loués correspondent à du co-working. Dans le cas de locaux mixtes (co-living ; co-working), il pourra être intéressant de demander au gestionnaire ou au bailleur une ventilation de la facturation afin de faciliter l’identification des sommes déductibles.

La taxe d’habitation est un impôt en sursis puisqu’il est prévu de la supprimer pour la plus grande partie des contribuables à compter de 2020. En matière de co-living, deux cas de figure sont envisageables :

  • s’il s’agit d’une colocation autogérée, la taxe d’habitation sera établie pour l’intégralité du logement (sauf en cas de pluralité de baux) et devra être ensuite répartie entre chaque colocataire suivant des modalités à définir entre eux.
  • s’il s’agit de co-living, le plus souvent la taxe d’habitation sera acquittée par le propriétaire / gestionnaire qui la refacturera aux occupants au prorata du temps d’occupation et de la surface occupée.

Dans les deux cas ci-dessus, la répartition équitable de la taxe d’habitation peut être rendue très complexe par les situations différentes des occupants, certains étant légalement assujettis alors que d’autres peuvent être exonérés.

Modèle économique et opportunités offertes par le co-living

Ce modèle et ces opportunités seront analysés du point de vue de l’usager comme du point de vue de l’investisseur.

Le point de vue de l’usager

Il n’est pas toujours facile d’obtenir les tarifs des opérations immobilières de co-living. La plupart des sites web vendent une image idyllique de ce mode d’habitat mais restent très discrets sur les prix pratiqués.

Voici quelques repères :

  • en proche banlieue Est de Paris, la mise à disposition d’une chambre de 15 m² avec salle de bains privative, entièrement meublée dans une villa dotée d’espaces communs aménagés et d’un jardin, est facturée environ 900 € par mois avec un bouquet de services importants (assurance, abonnements Internet et chaînes, charges courantes, nettoyage des parties communes…),
  • dans une grande ville de province, les mêmes prestations seront facturées 750 € par mois environ.

Voici un tableau permettant de comparer les tarifs d’une offre de petite surface destinée à des étudiants, en province et à Paris :

 

Studio indépendant sans services toutes charges et taxe d’hab. incl.

Colocation 3 étudiants dans T4 toutes charges et taxe d’hab. incl.

Studio dans résidence étudiante avec services minimum

Co-living avec espaces communs de belle taille et bouquet de services important

Région parisienne (94)

680 € /mois

550 € /mois/pers.

750 € /mois

900 € /mois/pers.

Bordeaux ou Toulouse

580 € /mois

420 € /mois/pers.

600 € /mois

750 € / mois/pers.

Ce qui précède, même s’il s’agit de prix moyens constatés sur un échantillon de petite taille, positionne le co-living comme un produit haut de gamme réservé à une clientèle privilégiée. On constate ainsi que le co-living est proposé à des tarifs d’environ 70 % supérieurs à ceux d’une colocation  autogérée. Les prestations sont évidemment d’un standing supérieur.

Des formules de co-living « low-cost » restent à inventer pour satisfaire une demande d’usagers moins aisés. Le véritable marché se situe probablement là.

Le point de vue de l’investisseur

Sans entrer dans des calculs détaillés on peut avancer :

  • que l’investissement dans une résidence en co-living de petite taille (moins de 10 logements), relativement luxueuse, initiée par un promoteur et gérée par une société tierce, n’offre probablement pas à ce jour un rendement important. En effet, le marché est étroit, encore balbutiant, et ce type d’investissement ne bénéficie pas d’avantages fiscaux spécifiques (en outre, il est peu probable que dans le contexte actuel des avantages fiscaux notables soient octroyés par les lois de finances à venir) ;
  • que l’investissement dans un ensemble plus vaste (au moins 50 logements), visant un public mieux ciblé, et jouant la carte du co-living « low-cost », peut vraisemblablement offrir une rentabilité supérieure aux investissements immobiliers traditionnels ;
  • le meilleur rendement pour l’investisseur est probablement le co-living « artisanal » consistant en l’acquisition d’un appartement de bonne taille (T4 ou T5 / duplex), d’une villa ou d’un petit immeuble urbain, qui sera aménagé et meublé en vue du co-living (cuisine, espaces communs, création de salles d’eau privatives notamment) et sera proposé avec un bouquet de services simples (ménage, charges, eau, chauffage, taxe d’habitation, Internet, Netflix et Canal Plus, garage à vélo…), à des prix abordables (650 € par mois tout compris en province). On privilégiera en outre une gestion directe par l’investisseur afin d’augmenter la rentabilité, laquelle pourra atteindre 5,5 à 7 % avant impôt suivant la localisation du bien.

Ce qu’il faut retenir

Le co-living est encore aujourd’hui une tendance timide, quoique médiatisée. Il est le parfait symptôme d’une société en quête de modèles alternatifs combinant individualisme et envie de partage. Même s’il est permis de douter de la compatibilité de ces aspirations, force est de constater que le secteur de l’immobilier s’adapte et permet de répondre au moins de manière conjoncturelle à ces nouvelles tendances sociétales. A suivre donc…

Laurent Grosclaude, maître de conférences UT1 Toulouse Capitole

Source : 25 millions de propriétaires • N°juillet-août 2019


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