Les composteurs collectifs en pied d’immeubles poussent comme des champignons. Le principe est simple : chacun peut déposer ses déchets alimentaires dans les bacs dédiés au compost et installés sur le terrain de la copropriété. Mélangés à des déchets verts, ces matières biodégradables vont se transformer, au contact de l’air et de l’humidité, grâce au travail des micro-organismes (bactéries, champignons, insectes…). Le compostage reproduit en accéléré l’humus de nos forêts et offre un terreau fertilisant pour les plantes en balconnières ou les espaces verts.
Une production en circuit court aux multiples avantages. Grâce au compost, il est possible de réduire la quantité de nos déchets en poubelles de 30%, soit environ 40 kg par an et par personne. Autant d’ordures ménagères qui ne seront pas collectées, transportées et incinérées. Engrais 100% naturel et quasiment gratuit, le compost contribue à la végétalisation et à la biodiversité, donc au développement durable.
Fruit d’initiatives volontaires et citoyennes, le compostage est aussi un beau moyen de cultiver de nouvelles relations entre voisins et de faire fleurir du partage et de la convivialité.
« Plus de 50% des Français compostent déjà et cette pratique s’accélère. Les enjeux sont considérables, à la fois sur le plan écologique et social, assure Pierre-Jean Glasson, administrateur du Réseau Compost Citoyen, organisme qui accompagne le développement du compostage partout en France. Quand les citoyens remettent les mains dans la gestion de leurs déchets, ils retissent des liens avec les cycles naturels, à travers des projets collectifs. Ils inventent de nouveaux modèles, ces déchets deviennent une ressource, le compostage est plus moderne et moins polluant que la collecte, cela permet de sensibiliser tout un chacun pour aller vers le « zéro déchet. »
Alors, prêt à tenter l’expérience ? De toute façon, il va falloir s’y mettre, la loi de transition énergétique pour une croissance verte (LTECV) prévoit une généralisation du tri à la source et la fin des biodéchets dans nos poubelles, d'ici 2025. Les collectivités sont tenues de définir des solutions et techniques de compostage de proximité ou de collecte séparée. Cela passe par le compostage partagé (immeubles, quartier, hameau…), domestique (intérieur ou jardin) et en établissement (cantines, maisons de retraites, restauration collective…).
Et la Directive européenne « Déchets » accélère encore le mouvement en réduisant le calendrier d’application à 2023.
A l’échelle d’une copropriété, toute démarche d’installation de composteur doit être portée par des résidents qui en assureront la gestion. Certes, la nature fait bien son travail, à condition toutefois de l’aider un peu. Dans les villes importantes, la démarche d’accompagnement des projets est à peu près identique partout, à quelques nuances près.
Il faut d’abord disposer d’un espace vert offrant un potentiel de végétaux permettant de compléter à 50% les déchets de cuisine. Il est ensuite nécessaire de s’assurer d’un nombre minima de foyers participants et de référents (variable suivant les endroits et le nombre de foyers), véritables coordinateurs et interlocuteurs de la collectivité. Le projet doit évidemment avoir l’accord du gestionnaire de la résidence : syndic, propriétaire, association de locataires… Autant de prérequis pour adresser une demande de candidature, à la ville ou à la Métropole qui fournira formation, conseils, équipement, souvent en lien avec un prestataire spécialisé.
A Toulouse, Stéphane Urien et Frédéric Candandal, propriétaires au sein de la résidence Picardie (48 logements) et référents du projet compost, se sont lancés, avec enthousiasme, dans l’aventure et montrent avec fierté les 2 bacs à compost installés en novembre dernier, à l’écart des bâtiments, en clôture du parc arboré de 2 000 m². « Nous avons réalisé nous-mêmes le premier bac et l’allée en pas japonais qui mène au compostage, raconte Stéphane. Aujourd’hui tout est en place et fonctionne bien, nous avons 12 foyers volontaires, de tous âges. Cette démarche a généré du temps et de l‘engagement, elle est comprise et admise mais il a fallu faire du porte-à porte, expliquer et faire tomber les idées reçues. Cela a généré, bien sûr, beaucoup de discussions, certains étaient contre, mais finalement la décision a été votée à une large majorité. »
Stéphane et Frédéric ont suivi la formation d’initiation de 3 heures, proposée par l’association Humus et Associés, spécialisée dans la valorisation de la matière organique, qui a suivi la mise en place du projet. Les équipements fournis par la collectivité et les outils, ont occasionné une dépense d’une centaine d’euros payée par la copropriété. « Les craintes, notamment de nuisances (odeurs, animaux, malveillance, dégradations…) sont tombées. Par contre, le compostage génère du dialogue, des rencontres et renforce le lien entre les voisins. A chaque évolution du projet, nous créerons des petits évènements festifs. Et quand je regarde, depuis mon balcon les fumées de l’usine d’incinération de la ville, je me dis que chaque geste individuel ou collectif de proximité est essentiel pour l’environnement. »
A Angers, Christian Dard, a lancé un premier composteur en 2007, sur la résidence Les Tranchandières, où il est propriétaire (110 logements). « A l’époque, il fallait expliquer sans cesse, montrer des exemples pour rassurer, prouver l’utilité et l’intérêt. Aujourd’hui, nous avons 7 composteurs sur 3 sites et ça marche très bien. Nous avons pu réduire le nombre de poubelles, il y a moins de coulures, le local est plus propre. Le compostage est aujourd’hui totalement accepté, il n’entraîne aucun détritus sur les sites car le tri est bien fait au préalable. Depuis peu, il y a une réelle prise de conscience autour de la gestion des déchets. Et le compostage est même devenu une vraie plus-value pour la mise en location ou la vente d’appartements sur la résidence. »
En copropriété, plusieurs votes, au sein de la même assemblée, sont nécessaires pour décider de la pose du composteur, de l’emplacement et du financement.
Le vote peut se faire à la majorité simple, selon la loi du 10 juillet 1965 (article 24). S’il s’agit cependant d’un équipement commun, la copropriété devra voter le montant du financement à la majorité absolue (article 25). Pour éviter toute contestation, mieux vaut tout voter à la majorité absolue.L’assemblée générale doit aussi désigner un ou plusieurs référents, en charge de la gestion des composteurs.
A noter enfin que dans le cadre d’une Association Syndicale Libre, c’est l’ordonnance du 1er juillet 2004, qui s’applique et non la loi de 1965.
Marc Pouiol
Source : 25 millions de propriétaires • N°février 2019
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