Les bailleurs et le fonds de solidarité

Les dégâts économiques provoqués par le confinement ont incité les pouvoirs publics à créer un fonds de solidarité à l'adresse des petites entreprises. Les bailleurs sont concernés car les bénéficiaires de ce fonds peuvent également bénéficier de report des loyers pour les baux commerciaux ou professionnels de leurs locaux.

La modification des conditions d'octroi de l'aide a donc pour conséquence, par effet de ricochet, de modifier la liste des locataires ayant droit aux reports de loyers. Il faut donc suivre avec attention les modalités d'attribution de ces aides.

Le lien entre le fonds covid-19 et le report des loyers commerciaux/professionnels

Le fonds de solidarité covid-19 a été créé par l'ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020 pour une durée initiale de 3 mois pouvant être prolongée 3 mois au plus (art. 1er). Il est régi par un décret n° 2020-371 du 30 mars 2020. Il a été modifié - jusqu'à présent - à deux reprises : d'abord par le décret n° 2020-433 du 16 avril 2020 puis par le décret n° 2020-552 du 12 mai 2020.

Le texte initial a permis d'accorder une aide aux entreprises ayant subi une perte importante de chiffre d'affaires en mars, le deuxième a fixé l'aide pour la perte de chiffre d'affaires d'avril et le troisième prévoit les modalités de l'aide pour la perte de chiffre d'affaires de mai.

Selon le texte initial, il fallait avoir subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 70 % en mars. Mais selon les versions suivantes, il suffit d'avoir essuyé un recul de chiffre d'affaires de 50 %.

Le lien entre les aides du fonds covid-19 et les loyers résulte de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020. Ce texte (art. 4) prévoit que les personnes susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité ne peuvent encourir notamment de pénalité, clause résolutoire, activation de garantie ou de caution pour défaut de paiement des loyers et de charges afférents à leurs locaux professionnels ou commerciaux. D'où l'importance de connaître les modalités d'attribution des aides du fonds covid-19 issu du décret du 16 avril 2020.

L'article 4 de l'ordonnance n° 2020-316 interdit donc au bailleur d'exiger le paiement des loyers pour la période visée. Le loyer reste dû mais le bailleur est privé des moyens de contrainte pour en obtenir le paiement. Si le locataire ne paie pas, cela conduit de fait à un report de l'échéance de loyer.

Les loyers et charges visés sont ceux dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la cessation de l'état d'urgence sanitaire.

La prorogation de l'état d'urgence et ses effets sur les loyers commerciaux/professionnels

L'état d'urgence devait durer deux mois, à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2020. Mais il vient d'être prolongé jusqu'au 10 juillet 2020 par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020. En conséquence, le report des loyers est prorogé jusqu'au 10 septembre (deux mois après la fin de l'état d'urgence).

Or une nouvelle ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020 a modifié les règles de report de délai en jugeant nécessaire de« réexaminer la pertinence de la référence glissante que constitue la fin de l'état d'urgence sanitaire ». La « période protégée » qui devait prendre fin le 23 juin (deux mois d'état d'urgence plus un mois), aurait logiquement dû être décalée d'autant. Mais pour faciliter la reprise économique, il a été jugé préférable de limiter la période protégée au 23 juin, en la déconnectant de la période d'urgence sanitaire. L'ordonnance du 13 mai fournit donc une liste de textes dans lesquels la référence à la fin -glissante- de la période d'urgence sanitaire, est remplacée par la date – fixe- du 23 juin 2020. Or dans cette liste on ne trouve pas l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020. Il faut en déduire que les reports de loyers sont bien décalés suivant la règle antérieure, qui est calée sur deux mois après la fin de la période d'urgence sanitaire et donc au 10 septembre…

Bien entendu, cette interprétation en date du 14 mai est susceptible d'être remise en cause par un texte ultérieur.

Les conditions de la subvention pour mai

Voici les conditions pour en bénéficier au titre du mois de mai. Pour les mois antérieurs, vous pouvez vous reporter à notre numéro de mai.

Précisons, pour le mois d'avril, que la liste des bénéficiaires a été élargie aux personnes physiques ou morales dont le dirigeant est bénéficiaire d'une pension de retraite, sous réserve que le montant de la retraite et des indemnités journalières de sécurité sociale ne dépasse pas 1500 € en avril.

L'entreprise qui souhaite demander une subvention au titre de mai doit respecter les conditions générales et les conditions spécifiques de mai.

1. Les conditions générales d'attribution du fonds sont les suivantes (art. 1er modifié du décret du 30 mars). Il s'agit en résumé des petites entreprises.

Entreprises pouvant bénéficier du fonds de solidarité

Conditions

Modalités

Situation juridique

Personne physique ou morale de droit privé

Résidente française

Situation économique

Exercer une activité économique

Ne pas être en liquidation judiciaire au 1er mars 2020

Effectif

 ≤ 10 salariés

Chiffre d'affaires

≤ 1 M€[1]

Entreprises liées

Ne pas être contrôlée par une société commerciale [2]

Associations

Etre assujetties aux impôts commerciaux ou employer au moins un salarié

2. Les conditions d'attribution pour mai

Ces conditions figurent aux articles 3-3 et 3-4 du décret du 30 mars modifié.

Bénéficiaires de l'aide du fonds de solidarité pour le mois de mai 2020

Conditions

Modalités

Fermeture

Interdiction d'accueil du public entre le 1er et le 31 mai 2020

Perte de chiffre d'affaires en mai 2020

Au moins 50 % par rapport à mai 2019[3]

Bénéfice

≤ 60 000 €[4]

Autre ressources

Le dirigeant ne doit pas être titulaire d'un contrat de travail à temps complet et ne pas avoir de pension de retraite ou d'IJSS[5] dépassant 1500 € en mai

Entreprise liées

Si l'entreprise contrôle une ou des sociétés commerciales, la somme des CA et la somme des salariés doit respecter le plafond des conditions générales

La somme des bénéfices doit respecter le plafond de 60 000 €

Début d'activité

Avant le 1er mars 2020

Le montant de l'aide pour le mois de mai est de 1500 € pour les entreprises ayant subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 1500 €. Si la perte est moindre, la subvention est égale au montant de la perte. Pour les personnes ayant perçu une pension de retraite ou des IJSS pour mai, le montant de la subvention est réduit de ce montant.

Le décret d'avril modifie par ailleurs les conditions d'attribution de l'aide complémentaire qui est d'un montant compris entre 2000 € et 5000 € pour les entreprises ayant au moins un salarié.


[1] Pour les entreprises n'ayant pas encore clos d'exercice, le montant mensuel moyen entre la création de l'entreprise et le 29 février 2020 doit être < 83 333 €. Pour le chiffre d'affaires des associations, il n'est pas tenu compte des subventions et dons reçus.

[2] Au sens de l'article L 233-3 du code de commerce.

[3] La comparaison de chiffre d'affaires se fait avec le mois de mai 2019, en principe ou, avec le CA moyen de 2019, si l'entreprise le souhaite. Deux cas particuliers sont prévus :
      - pour les entreprise créées après le 1er mai 2019, il faut comparer avec le CA mensuel moyen entre la création de l'entreprise et le 29 février 2020 ;
      - pour les entreprises créées après le 1er février 2020, il faut comparer avec le CA de février 2020, ramené sur un mois.

[4] Montant doublé en cas de conjoint collaborateur. Pour les sociétés : montant de 60 000 € par associé et conjoint collaborateur.

[5] Indemnités journalières de sécurité sociale.

Bertrand Desjuzeur

Source : 25 millions de propriétaires • N°juin 2020


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