La loi énergie et climat & les bailleurs

Le projet de loi relatif à l'énergie et au climat a été adopté par une commission mixte paritaire le 25 juillet et devait être voté définitivement par les deux assemblées lors de la session extraordinaire du Parlement de septembre. Nous vous présentons donc les mesures concernant les bailleurs, sous réserve de leur validation par le Conseil constitutionnel. Ces mesures techniques ont comme objectif d'éradiquer à terme les logements les plus énergivores.

Les grands objectifs

La loi nouvelle définit de grands objectifs dans le code de l'énergie. Elle ambitionne ainsi la "neutralité carbone" à échéance 2050. A cet effet, elle prévoit de diviser au moins par six les émissions de gaz à effet de serre. Elle programme des lois quinquennales fixant des objectifs de rénovation énergétique du bâtiment pour deux périodes successives de 5 ans (art. L 100-1-A nouveau du Code de l'énergie).

Le texte inscrit dans la loi la création du Haut Conseil pour le climat (art. L 132-4 du Code de l'environnement).

Le texte (art. 3 bis C) programme aussi une ordonnance pour définir et harmoniser "la notion de bâtiment ou partie de bâtiment à consommation énergétique excessive exprimée en énergie primaire et en énergie finale et prenant en compte la zone climatique et l’altitude".

Au-delà de ces considérations globales, la loi comporte des obligations pratiques. Voici celles concernant les bailleurs.

L'exigence de décence complétée dans les baux

La loi nouvelle modifie la loi du 6 juillet 1989 régissant les rapports locatifs sur l'exigence de fournir un logement décent (art. 3 bis modifiant l'article 6 de la loi de 1989). Elle précise l'obligation du bailleur de fournir un logement qui respecte un critère de performance énergétique minimale en indiquant qu'il sera défini par un seuil maximal de consommation d’énergie finale par m² par an.

L'article 20-1 de la loi de 1989 ouvre au locataire une action judiciaire pour exiger du bailleur qu'il mette le logement en conformité avec les critères de décence. La loi nouvelle ajoute une disposition permettant au bailleur d'un immeuble en copropriété d'échapper à cette obligation en matière de performance énergétique, lorsqu'il fait la preuve qu'il a engagé les diligences pour passer sous le seuil requis, mais sans y parvenir. Il doit pour cela démontrer qu'il a :

  • demandé l'examen d'une résolution pour réaliser des travaux sur les parties communes ou équipements communs,
  • effectué des travaux dans les parties privatives de son logement.

Ces nouvelles règles entreront en vigueur au plus tard le 1er janvier 2023, selon une date à fixer par décret. Elles ne s'appliqueront pas aux baux en cours.

Les augmentations de loyer

Dans les zones tendues, la loi de 1989 (art. 18) limite la faculté du bailleur d'augmenter le loyer lors du renouvellement du bail. Elle autorise l'augmentation lorsque le loyer est manifestement sous-évalué ou en cas de travaux. La loi nouvelle restreint cette faculté : l'article 18 modifié interdit d'augmenter le loyer si le logement a une consommation d'énergie supérieure ou égale à 331 kWh/m²/an (logements classés ou F ou G dans l'étiquette énergie).

Cette règle s'applique à compter du 1er janvier 2021.

La "troisième ligne de quittance"

Depuis une innovation proposée par l'UNPI et acceptée lors de la loi Boutin de 2009, la loi de 1989 autorise le bailleur à effectuer des travaux d'économie d'énergie et à demander une participation au locataire sous forme de contribution mensuelle. Le système est doublement avantageux puisqu'il permet au bailleur de récupérer une partie de sa dépense et au locataire de bénéficier d'une économie de charges qui est supérieure à la contribution nouvelle dont il doit s'acquitter (art. 23-1 de la loi de 1989).

La loi nouvelle ajoute une condition à la mise en place de cette 3e ligne de quittance : le logement après travaux doit avoir une consommation d'énergie primaire inférieure à 331 kWh/m²/an, c'est-à-dire qu'il faudra atteindre au moins la classe E de l'étiquette énergie.

Précisons que la réglementation actuelle fixe des objectifs qui varient suivant la zone climatique, l'altitude et le niveau de consommation du logement avant travaux (décret et arrêté du 23 novembre 2009).

Cette règle nouvelle doit entrer en vigueur le 1er janvier 2021. Elle ne s'applique qu'au parc privé et non au parc public car un article qui visait à l'étendre à ce parc a été supprimé lors des débats.

Contenu du DPE

Le diagnostic de performance énergétique voit son contenu modifié par deux précisions figurant à l'article 3 quinquies (art. L 134-1 modifié du CCH) :

  • la quantité d'énergie consommée doit être exprimée en énergie primaire et finale,
  • le DPE doit mentionner le montant des dépenses théoriques de l’ensemble des usages énumérés dans le diagnostic (ce second point entre en vigueur le 1er janvier 2022).

Exigence minimale de performance énergétique

Les objectifs de performance énergétique, environnementale et sanitaire des bâtiments (art. L 111-9 du CCH) sont complétés pour y ajouter ceux de confort thermique (art. 3 sexies).

L'article 3 septies contient le dispositif le plus important, car il fixe par étapes le programme d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments de façon à éradiquer les logements les plus énergivores, classés F ou G (art. L 111-10-4-1 du CCH).

Il impose les règles suivantes :

  • atteindre un minimum de performance énergétique, soit au maximum 330 kwh/m²/an, à compter du 1er janvier 2028 (sauf exceptions), et à compter du 1er janvier 2033 pour les copropriétés les plus en difficultés.
  • pour les biens F ou G, mentionner l'obligation de performance du logement dans les publicités de vente ou de location et les actes de vente et les baux des biens, à compter de 2022.
  • pour ces mêmes biens, en cas de vente ou de location, le non-respect de l'obligation est mentionné dans les publicités de vente ou de location et dans les actes de vente et les baux, à compter de 2028.

Par ailleurs, le DPE des logements F ou G requis en cas de vente ou de location devra comprendre également un audit énergétique.

Il présentera deux propositions de travaux permettant, l'une d'atteindre un très haut niveau de performance énergétique, et l'autre, de passer sous le seuil de 331 kWh/m²/an. L'audit doit aussi préciser l'impact des travaux sur la facture d'énergie et les coûts de travaux et l'existence d'aides publiques pour aider aux travaux (art. L 134-3 pour la vente et L 134-3-1 du CCH pour la location).

Exigences progressives pour les logements F ou G

Type d'obligation

Modalités

Immeubles concernés

Date d'entrée en vigueur

Textes du CCH

Atteindre un seuil maximum de consommation

Limite fixée à : 330 kWh/m²/an

Bâtiments d'habitation

y compris copropriétés

Exceptions :

1. Contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales

2. Coût des travaux manifestement disproportionné

1er janvier 2028

Art. L 111-10-4-1

I et II

Copropriétés particulières :

- En plan de sauvegarde

- Situées dans une OPAH et inscrites dans le volet de redressement de copropriétés en difficulté

- situées dans une ORCOD (1)

- si le juge a désigné un administrateur provisoire

- en carence

1er janvier 2033

 

Informer de l'obligation ci-dessus en cas de vente ou de location du logement

En cas de

- vente ou de

- bail du logement

Mentionner l'obligation dans

- les publicités de vente ou de location et dans

- les actes de vente et de location

Logements dont la consommation excède 330 kWh/m²/an

1er janvier 2022

Art. L 111-10-4-1

III

Mentionner le non-respect de l'obligation

- dans les annonces et

- dans les actes de vente et de location

Logements dont la consommation excède 330 kWh/m²/an

1er janvier 2028

Art. L 111-10-4-1

III

Audit en cas de vente

ou de location

Le DPE communiqué à l'acquéreur et au locataire comprend un audit énergétique avec

- 2 propositions de travaux

- l'impact des travaux sur la facture d'énergie

- le cout des travaux

- l'existence d'aides publiques

Logements dont la consommation excède 330 kWh/m2/an

1er janvier 2022

Art. L 134-3 pour la vente et L 134-3-1 pour la location

Information dans les annonces de vente ou de location d'un bien immobilier, y compris les annonces des plateformes numériques

Indiquer

- le classement du bien dans sa performance énergétique(2)

- les dépenses théoriques des usages figurant dans le DPE

- Amende si infraction par un professionnel

Biens immobiliers d'habitation

1er janvier 2022

Art. L 134-4-3

Information dans les annonces de vente

Indiquer les dépenses théoriques des usages figurant dans le DPE

Lots à usage d'habitation d'un immeuble en copropriété

1er janvier 2022

Art. L 721-1

Information dans le bail

Indiquer les dépenses théoriques des usages figurant dans le DPE

Baux de la loi de 1989

1er janvier 2022

Art. 3 de la loi du 6 juillet 1989

(1) opération de requalification de copropriétés dégradées
(2) obligation en vigueur depuis 2011 pour tous les biens immobiliers

 

Annonces de vente et de location

Le contenu des informations devant figurer sur une annonce de vente ou de location est augmenté (l'article L 134-4-3 du CCH modifié). L'article actuel n'exige que le classement du bien en fonction de sa performance énergétique. La loi nouvelle y ajoute, pour les logements, une indication sur le montant des dépenses théoriques de l’ensemble des usages énumérés dans le DPE.

Les professionnels ne respectant pas cette obligation sont passibles d'une amende de 3000 € (personne physique) ou 15 000 € (personne morale). Les agents de la DGCCRF sont habilités à constater ces infractions (art. L 511-7 complété du code de la consommation).

L'article L 721-1 du CCH qui fixe les informations devant figurer dans une annonce de vente, pour le cas des lots de copropriété, est complété pour y ajouter les mêmes données sur les dépenses théoriques des usages énumérés dans le DPE.

Enfin, les informations devant figurer au bail (art. 3 de la loi de 1989) sont complétées par l'indication du montant des dépenses théoriques de l’ensemble des usages énumérés dans le DPE. Ces règles sur les annonces et le bail s'appliquent dès 2022.

Des constructions plus vertes

Les nouvelles constructions (art. 6 quater) de plus de 1000 m2 d'emprise au sol affectées à un usage commercial relevant de l'autorisation d'exploitation commerciale, ainsi que celles de locaux industriels, artisanaux, entrepôts et hangars non ouverts au public et de nouveaux parcs de stationnement couverts ouverts au public devront comporter pour 30 % de la toiture du bâtiment et des ombrières, un dispositif vert. Il s'agit soit d'un procédé de production d'énergie renouvelable soit d'une végétalisation de la toiture. Le texte est cependant assorti de dérogations au cas notamment où l'installation ne peut être mise en place dans des "conditions économiques acceptables".

Enfin, le maire pourra déroger aux règles du PLU pour autoriser l'installation d'ombrières dotées de procédés de production d'énergies renouvelables sur les aires de stationnement.

La loi contient par ailleurs des mesures pour lutter contre la fraude aux certificats d'économie d'énergie (art. 5), pour permettre la transmission des DPE à l'ADEME et leur mise à disposition des collectivités territoriales et de l'ANAH (art. 3 octies, art. 134-4-2 du CCH) et une série d'articles consacrés aux règles de fixation du prix de l'énergie.

Bertrand Desjuzeur

Source : 25 millions de propriétaires • N°octobre 2019


Abonnez-vous au magazine
25 Millions de Propriétaires

Pour :

  • Gérer au mieux votre patrimoine ;
  • Protéger vos intérêts privés ;  
  • Bénéficier de conseils pratiques