La suppression d’un équipement ou d’un service collectif en copropriété

copropriété - UNPISous réserve de modification législative, réglementaire ou jurisprudentielle. 


Un équipement commun coûteux, accessoire ou qui pourrait être remplacé par des systèmes individuels plus performants, de quoi faire germer l’idée de sa suppression.

Mais la suppression d’un équipement ou d’un service collectif va à contresens de l’objet d’une copropriété, qui se doit de les préserver conformément à la destination de l’immeuble. De ce postulat découle un principe d’unanimité pour supprimer un équipement ou un service collectif.

Avec une grande rigueur, la loi et la jurisprudence ont créé des cas d’exception à cette unanimité.

La majorité de vote est donc au cœur de ce sujet, que cet article vise à illustrer.

L’environnement juridique des équipements et services collectifs

Les termes de la loi sont « éléments d’équipement commun » ou « services collectifs »[1]. Au sein de l’immeuble, ce sont les éléments communs qui apportent une utilité, le confort et les commodités en dehors de la structure du bâtiment afin d’assurer aux copropriétaires la jouissance de leurs parties privatives.

Il s’agit ici de traiter des équipements et services collectifs entendus largement. Peuvent être cités le vide-ordures, la chaudière, l’ascenseur, la piscine, le jardin, le gardien-concierge ou employé d’immeuble, le local à vélo, la VMC, l’antenne, l’interphone, les portes automatiques d’entrée ou de garage, l’installation de distribution et de production d’eau chaude, l’installation et les appareils d’éclairage des parties communes...

Ces équipements et services sont inscrits dans le règlement de copropriété qui fixe la destination des parties communes et des parties privatives (habitation, commerce...) et leurs conditions de jouissance respectives[2].

Supprimer un équipement collectif, c’est donc potentiellement porter atteinte aux modalités de jouissance des parties privatives et donc à la destination de l’immeuble.

La destination de l’immeuble délimite l’étendue des droits des copropriétaires mais est rarement bien définie dans les règlements de copropriété. Cette notion est difficilement appréhendable de manière générale. On peut citer des destinations d’immeuble comme usage principal ou exclusif d’habitation, usage mixte d’habitation, professionnel et commercial à l’exclusion de certains commerces, habitation bourgeoise, usage libre... mais ces termes restent théoriques et surtout trop généraux pour définir la destination d’un immeuble en particulier.

La mission du syndic est alors d’apprécier, à l’appui du règlement de copropriété, de sa connaissance de l’immeuble, de la loi et de la jurisprudence, l’atteinte que porterait la suppression de tel ou tel équipement à la destination de l’immeuble, pour fixer la majorité de vote adéquate.

L’unanimité est le régime de droit commun mais des résolutions adoptées ainsi, quorum difficile à recueillir, sont  rarissimes, et cela d’autant plus que la copropriété compte un nombre de lots important.

Dans certains cas, la jurisprudence apporte de la souplesse à ce régime très rigide de destination de l’immeuble.

Les apports pratiques de la jurisprudence 

Une jurisprudence évolutive : la suppression de la chaudière collective

Les systèmes individuels de chauffage et de production d’eau chaude permettent une maîtrise totale des équipements : consommation, température de l’eau, degré et périodes de chauffage. La suppression de la chaudière collective s’envisage donc facilement en théorie (dépendance face au chauffage collectif, individualisation des frais de chauffage impossible, défaut de production d’eau chaude, difficultés de réglage...), sa concrétisation est complexe tant sur le plan juridique que technique.

Une chaudière collective est nécessairement inscrite dans le règlement de copropriété. Sa suppression supposera une volonté unanime des copropriétaires. Seule la jurisprudence, dans des situations particulières, admet une majorité de vote abaissée.

La Cour de cassation[3] a validé, par des arrêts déjà anciens, que l’assemblée générale pouvait voter la suppression d’une installation hors d’usage à la double majorité lorsque son remplacement par des chaudières individuelles constituait une amélioration ne portant pas atteinte à la jouissance des parties privatives. Des difficultés techniques et le coût disproportionné de la remise en état de l’installation collective vétuste le justifiant.

En 2012[4], la Cour de cassation a introduit un nouveau critère : les économies d’énergie. La suppression est, une nouvelle fois, assimilée à une amélioration, mais cette fois basée sur la performance énergétique. Dans cette espèce, il s’agissait du système collectif de production d’eau chaude. L’installation n’était pas en mesure, depuis plusieurs années, de répondre à la demande d’eau chaude sanitaire dans l’ensemble des logements.

Ce critère d’économies d’énergie devra nécessairement s’appuyer sur une étude thermique attestant que le système collectif est coûteux et peu performant par exemple.

La chaudière collective était défaillante, comme dans les espèces précédentes, ce qui reste la condition essentielle pour envisager un vote devant recueillir la double majorité. A cet aspect juridique, s’ajoute la possibilité technique de l’installation de systèmes individuels de chauffage et de production d’eau chaude dans chaque lot privatif. Cela peut comprendre une adaptation des colonnes montantes d’électricité pour satisfaire le besoin d’énergie.

Des exemples de suppressions d’équipements facilitées

Voici des exemples dans lesquels des tribunaux ont validé la suppression d’un équipement collectif à la double majorité :

  • lorsqu’il n’était plus utilisé : court de tennis - TGI de Nice 1978, WC communs - CA Paris en 2003 ;
  • lorsqu’il était inutilisable : vide-ordure - Cour de cassation en 1996[5] ;
  • lorsqu’il est hors d’usage et que son remplacement est trop coûteux : chauffage - TGI Paris en 1976 et 1986 ;
  • lorsque son maintien présente des risques pour la sécurité de l’immeuble : chauffe-bain  au gaz - CA Lyon en 2009, vide-ordure vétuste et dangereux - Cour de cassation en 2009 ;
  • lorsque son maintien présente des inconvénients notables : jardinières créant des infiltrations - Cour de cassation en 2002 ;
  • pour raison d’hygiène et de salubrité : fermeture de WC communs - CA Aix-en-Provence en 2011.

La plupart de ces exemples ont pour point commun que l’abaissement de majorité accepté par les juges est lié à l’équipement lui-même (hors d’usage, dangereux, vétuste...) et non à la simple volonté des copropriétaires. Il est très rare que le fait qu’il ne soit plus utilisé ait suffi à justifier une majorité de vote abaissée.

Il s’agit tout de même d’obtenir la majorité des voix de tous les copropriétaires représentant les 2/3 des voix, cela reste un quorum difficile à atteindre dans les copropriétés marquées par l’absentéisme aux assemblées générale. La présence des copropriétaires sera la marque d’une volonté commune.

La jurisprudence facilite, sans incitation, la suppression d’un équipement collectif. Le législateur est plus sur la retenue dans cette direction contraire à l’essence du droit de la copropriété.

Les bases des majorités de vote

Article 24

Majorité simple

Présents et représentés

Les abstentionnistes et absents ne comptent pas

Article 25

Majorité absolue

Présents, représentés ou absents

Une abstention compte parmi les votes contre

Article 26

Double majorité

Présents, représentées ou absents représentant les 2/3 des voix

Une abstention compte parmi les votes contre

Article 26

Unanimité

Tous les copropriétaires

Une abstention compte parmi les votes contre

L’approche timide de la loi

La légalisation de la suppression du vide-ordures 

La suppression du vide-ordures est le seul cas de suppression d’un équipement commun inscrit dans la loi de 1965, et ce par la loi Urbanisme et habitat de 2003[6], à la majorité absolue. Il s’agit de l’article 25 g) « La suppression des vide-ordures pour des impératifs d'hygiène ».

Cette possibilité est limitée à « des impératifs d’hygiène ». Sans plus de précision sur ces termes, il faut se référer à la jurisprudence antérieure à cette disposition qui validait la suppression du vide-ordures, à la double majorité de l’article 26, pour des raisons de vétusté ou de dangerosité. Pour exemple, en 2009[7], la Cour de cassation a validé cette majorité de vote pour la suppression d’un vide-ordures présentant des conduits cassés avec un risque de désordres dans les appartements.

Le principe est donc consacré par la loi, suivant la même intention, mais à une majorité inférieure. Une mauvaise utilisation de l’équipement en bon état par les occupants de l’immeuble n’entre pas dans ce cadre légal.

A noter qu’une réponse ministérielle de 2014 rejette toute idée de réglementation des normes sanitaires relatives aux vide-ordures dans les copropriétés car «les règles d'utilisation peuvent être fixées librement par le règlement de copropriété. Il incombe donc au syndic, mandataire du syndicat des copropriétaires, de faire respecter par l'ensemble des habitants de l'immeuble » [8].

Une législation particulière : la suppression du poste de gardien-concierge

Le débat sur la nature du poste de gardien concierge a été tranché par la jurisprudence[9].  Juridiquement, il ne s’agit pas d’un service collectif, les charges ne sont pas réparties en fonction d’un critère d’utilité mais selon des tantièmes comme charges générales.

Mais au sens commun, le gardien-concierge est un vrai service au sein de la vie en copropriété dont la suppression doit être analysée avec finesse.

La suppression du concierge ne peut s’envisager qu’en cas de vacance du poste car le droit du travail doit être purgé avant application du droit de la copropriété.

Lorsque la copropriété « souhaite » se séparer de son gardien tout en gardant le poste, il s’agit d’un licenciement, pour lequel il appartient au syndic de motiver la lettre de licenciement pour cause réelle et sérieuse (inaptitude, faute). Le licenciement pour motif économique ne peut être valablement retenu, la copropriété n’étant pas une entreprise[10].

Dans ce cadre juridique, où le syndic est en charge de la procédure de licenciement et compte tenu du risque de requalification, le licenciement pour suppression de poste pour réaliser des économies paraît difficile à soutenir. Une exception serait envisageable dans le cadre d’une procédure d’urgence liée aux difficultés économiques de la copropriété. Un administrateur judiciaire pourrait décider la suppression du poste pour rétablir les finances de l’immeuble (coût d’une entreprise extérieure bien inférieur, vente de la loge ...).

Tout licenciement non motivé et donc abusif exposerait le syndicat des copropriétaires à une condamnation au paiement d’une indemnité de licenciement, certes aujourd’hui plafonnée par la loi.

Après un licenciement, un départ en retraite, une démission du concierge, ou une rupture conventionnelle, si la copropriété décide de ne pas remplacer le concierge, le poste étant vacant, il sera possible d’en acter la suppression en assemblée générale.

La majorité de vote[11] a fait l’objet d’une évolution législative classique visant à l’abaissement de la majorité requise. La loi du 25 mars 2009[12]a inscrit à l’article 26 la possibilité de suppression du poste de concierge à la double majorité sous la condition que cette décision ne porte pas atteinte à la destination de l’immeuble et  aux modalités de jouissance des parties privatives de l’ immeuble. Ce texte amenant à des interprétations, il ne pouvait qu’être source de litiges. Avec la volonté d’en assurer une meilleure stabilité, la loi ALUR[13] y a ajouté un critère déjà utilisé par les juges : le règlement de copropriété et plus exactement la rédaction de la clause traitant du poste du concierge ou du gardien.

Si la rédaction de la clause impose ce poste au sein de la copropriété, alors la suppression se votera à l’unanimité dans des copropriétés où le concierge est un rouage essentiel de la vie de l’immeuble ou à la double majorité lorsque l’externalisation des tâches n’est pas dommageable à la vie de l’immeuble.

Si la clause prévoit le poste mais n’en exige pas l’existence, alors l’unanimité sera rabaissée automatiquement à la double majorité de l’article 26, la suppression de ce service ne portant pas atteinte à la destination de l’immeuble et aux modalités de jouissance des parties privatives.

La Cour de cassation, dans un arrêt[14] antérieur à ces réformes, avait jugé en ce sens à l’examen d’un règlement de copropriété énonçant « le service de l’immeuble est assuré par un concierge si le syndicat en décide ainsi ».

Lorsque le poste de concierge n’est pas inscrit dans le règlement de copropriété, il s’agit d’une appréciation de fait. Le syndic évalue les conséquences de la suppression du poste sur la destination de l’immeuble et l’atteinte qu’elle porterait aux droits des copropriétaires. Dans des hypothèses où le gardien réalise des tâches classiques qui pourraient être effectuées par des entreprises de services, un vote à la majorité simple de l’article 24 est envisageable.

La loi ALUR, dans sa retouche du texte, a également ajouté que les décisions de suppression du poste et de vente de la loge doivent être inscrites à l’ordre du jour de la même assemblée générale. Cela ne veut pas dire que les deux décisions sont nécessairement liées. Pour ne pas se précipiter dans la décision, les copropriétaires peuvent opter pour une location de la loge pendant un certain délai à la majorité de l’article 24, s’agissant d’un acte d’administration[15], afin de vérifier que la suppression du poste de concierge envisagée ne serait pas préjudiciable à la vie courante dans l’immeuble puis décider d’acter ultérieurement la suppression du poste et la vente de la loge.

Une nouvelle question : les panneaux solaires

Nouvel équipement collectif dans les immeubles labellisés BBC, les panneaux solaires sont nécessairement un critère déterminant de la destination de l’immeuble.

Au sein de copropriétés où ils ne donnent pas satisfaction pour des raisons diverses (problèmes d’installation, de coût…), leur suppression commence à être mise dans la balance. Sauf à calquer le raisonnement utilisé pour les chaudières, au même titre que la chaudière collective dont l’efficacité n’est pas satisfaisante seule l’unanimité peut décider de leur suppression. Au-delà d’un système de remplacement privatif ou commun à intégrer techniquement et juridiquement à la copropriété, l’obstacle essentiel est pour  se dresse devant les copropriétaires ayant investis en défiscalisation, la perte du label par le retrait des panneaux entraînerait la perte de l’avantage fiscal pour la période concernée.

Suppression ou mise hors service

La barrière de l’unanimité

Pour certains équipements, ni la loi ni la jurisprudence ne sont sources d’une opportunité de majorité abaissée, ascenseur ou piscine par exemple. L’unanimité est donc la règle. Sur la base de ces deux exemples, développés ci-dessous, on constatera que l’unanimité est un niveau de vote quasi impossible à atteindre. Quelles solutions s’offrent alors aux copropriétaires ? Une mise hors service permet-elle de contourner le problème de l’unanimité ? Rien n’est moins sûr !

Suppression de l’ascenseur

La suppression de l’ascenseur est une situation très marginale, souvent réservée à de petits immeubles, copropriétés familiales ou avec très peu de lots, dans lesquels une volonté générale a la possibilité d’émerger. Le poids financier du fonctionnement de l’ascenseur (entretien, réparations, mise aux normes, contrôle quinquennal, remplacement de l’appareil...) sera le déclencheur de l’idée de l’arrêt de cet équipement. La suppression, votée à l’unanimité, est particulièrement dépendante du profil des copropriétaires. Elle sera plus évidente pour un jeune trentenaire qui investit dans sa première résidence principale et veut limiter ses charges mensuelles que pour un couple au 4ème étage avec un enfant en bas âge pour lesquels l’ascenseur est une nécessité, un critère d’achat plus qu’un simple confort.

Suppression de la piscine

De nombreuses résidences, surtout dans la partie sud de la France, sont équipées de piscines privées collectives, c’est un critère d’achat comme pour l’ascenseur.

Mesures d’hygiène indispensables, responsabilité, troubles de voisinage en raison du bruit, intrusion de personnes étrangères à la copropriété, problèmes d’étanchéité... Si, à l’achat, ce plus pour les beaux jours était vu d’un œil ravi, cela peut devenir une contrainte.

Mais il est incontestable que la piscine est un équipement lié à la destination de l’immeuble. Sa suppression ne peut s‘envisager qu’à l’unanimité, ce qui en pratique, veut dire jamais. Face à ce constat, des copropriétaires peuvent avoir l’idée de la mise hors service.

L’opportunité d’une mise hors service

La mise hors service, au sens commun, a un caractère précaire. Il s’agirait d’arrêter le fonctionnement de l’équipement temporairement et ainsi de préserver la liberté de le remettre en marche ultérieurement. La mise hors service serait alors une phase de test de la vie au sein de l’immeuble, pendant un délai déterminé, sans l’équipement, pour vérifier si cela nuit à la copropriété. 

C’est, a minima, un raisonnement détourné, utilisé pour « prouver » que l’équipement n’est pas indispensable à la destination de l’immeuble, et en déduire que l’unanimité n’est pas nécessaire. Pousser le raisonnement à ce niveau ne peut venir que de la volonté de la grande majorité des copropriétaires, qui s’attribuent ainsi la destination de leur immeuble. Mais cela reste risqué, les copropriétaires opposants ou défaillants, dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal, peuvent contester une telle décision, cela pourrait donc conduire la copropriété devant les tribunaux avec toutes les conséquences que l’on connaît : durée des procédures, coût financier et absence de maîtrise de la solution.

Est-ce possible ? A quelle majorité de vote ? Seule la pratique, au cas par cas, peut apporter des éléments de réponse.

A titre d’exemple, au sein d’une copropriété en bord de mer, la mise en service de l’ascenseur a été votée seulement en période estivale, soit quatre mois par ans à la majorité de l’article 24. La Cour d’appel déboute les copropriétaires opposants à cette décision, mettant en avant la destination essentiellement estivale de l’immeuble. La Cour de cassation censure[16], la Cour d’appel aurait dû rechercher si cette décision ne portait pas atteinte aux modalités de jouissance des parties privatives. La Cour de cassation ramène le sujet à l’essence du droit de la copropriété.

La mise hors service non contestable est celle qui est indépendante de la volonté des copropriétaires et se caractérise par un délai court de privation de l’équipement pour les occupants de l’immeuble : problème d’hygiène, de fonctionnement, de conservation de l’immeuble. La majorité de vote pourrait même être celle de l’article 24 s’il s’agit d’une mise hors service nécessaire aux travaux pour assurer la conservation de l’équipement (étanchéité de la piscine par exemple). Il s’agit d’une appréciation de fait au cas par cas.

Adaptation du règlement de copropriété

En théorie, la suppression d’un élément d’équipement commun entraîne la modification du règlement de copropriété.

En pratique, cela est souvent fonction des conséquences :

  • si la suppression entraîne la vente de la partie commune : modification du règlement et de l’état descriptif en raison de la création de parties privatives (changement de destination) ou de la vente d’une parcelle, qui créent une nouvelle répartition des tantièmes ; 
  • si la suppression a des effets limités, souvent, les copropriétaires ne votent pas la modification du règlement, pour des raisons financières, et, par exemple, la grille de répartition des charges de la chaudière commune, est simplement abandonnée. Néanmoins, il reste préférable de faire publier la résolution qui a acté la suppression pour des raisons d’opposabilité à l’encontre des nouveaux acquéreurs.

Cession d’une partie commune

La vente de la partie commune qu’occupait l’équipement ou le service supprimé est envisagée lorsqu’elle peut être une source de finances pour le syndicat des copropriétaires.

Deux cas de figure peuvent se présenter :

  • la partie commune est cédée au sein de la copropriété, à un copropriétaire ou non, on peut nommer cette procédure la « lotification » ;
  • la partie commune vendue devient une propriété séparée (jardin, espace vert, parking extérieur, piscine...).

Dans les deux cas, toutes les étapes de cette cession doivent faire l’objet de votes en assemblée générale à la double majorité[17], s’agissant d’un acte de disposition, sauf  si  l’unanimité est requise en raison de l’atteinte que porte la cession de la partie commune à la destination de l’immeuble et aux droits de copropriétaires.

La « lotification » d’une partie commune

La partie commune, par la vente, est transformée en partie privative avec attribution de tantièmes et d’une quote-part de partie commune avec une nouvelle répartition des tantièmes, suivant la valeur relative des lots les uns par rapport aux autres.

Exemples : le local à vélo devient un local professionnel, la loge de gardien un appartement, les combles des greniers, la chaufferie des celliers, l’espace vert des parkings...

L’assemblée générale se prononcera sur :

  • la création du lot privatif assorti de tantièmes de copropriété ;
  • la décision de vendre ce lot ;
  • les conditions de la vente ;
  • la modification du règlement de copropriété pour le changement de destination ;
  • l’autorisation de réaliser des travaux.

Pour exemple, pour la création d’emplacement de stationnement sur une partie commune qualifiée d’espace vert, la question a été soumise à la Cour de cassation, qui a validé le vote à la double majorité[18]. En l’espèce, en contrepartie de cette cession et transformation, d’autres places de stationnement ont été transformées en parties communes. Cela montre une nouvelle fois l’appréciation au cas par cas en fonction de l’atteinte portée aux droits des copropriétaires.

La question de l’attribution du ou des lots, si plusieurs acquéreurs sont intéressés, se règle en assemblée générale. Le prix proposé et la destination souhaitée par les différents candidats acquéreurs sont les critères principaux que les copropriétaires votant vont retenir pour faire leur choix.

La vente d’une parcelle

Des mètres carrés qui demandent un entretien mais qui ne sont pas utilisés. Pourquoi ne pas les vendre s’ils sont constructibles ou aménageables ? Cette opportunité ne doit s’envisager qu’après avoir balayé l’ensemble des conséquences de cette décision.

D’abord, il faut vérifier si la parcelle contient, dans son sous-sol, le passage de réseaux divers desservant la copropriété. Si tel est le cas, il faudra envisager la création de servitudes dans l’acte de vente.

Ensuite, la vente d’une parcelle signifie une nouvelle mitoyenneté qu’il faut anticiper lors du projet de vente, pour éviter les risques de troubles de voisinage à proximité immédiate de la copropriété. La construction mitoyenne va-t-elle porter atteinte à la destination de l’immeuble ? On transpose alors la notion de destination sur l’affectation future de la propriété voisine plutôt que sur l’utilité de la parcelle par rapport à son immeuble.

L’assemblée générale se prononcera sur le prix de vente, la modification du règlement de copropriété, toujours aux frais de l’acquéreur.

A retenir

Cet article, au travers d’exemples illustre que la décision de suppression d’un équipement ou service collectif doit faire l’unanimité auprès des copropriétaires au sens général du terme. Si la question commence à suivre une tendance globale à l’abaissement des majorités soit consacré par la loi, soit instauré par la jurisprudence, la volonté des copropriétaires doit se manifester lors de l’assemblée générale amenée à délibérer sur le sujet. La recherche d’une trésorerie ou d’une économie financière ne doit pas être le seul critère qui anime la volonté des copropriétaires.
Tout projet doit tenir compte des « effets secondaires », il s’agit ici des Il ne faut cependant pas oublier les conséquences sur les locataires. Un arrêt de la Cour de cassation de 2000[19] aborde la question de la suppression du vide-ordures.  La Cour relève que lorsque la suppression de l’équipement collectif est liée à des impératifs d’hygiène, cela relève de l’obligation du bailleur d’assurer une jouissance paisible au locataire. Ni la diminution du loyer, ni le rétablissement de l’équipement ne sont alors justifiés. A l’inverse, on peut imaginer que la suppression de l’ascenseur ou de la piscine, sans motif autre que la volonté des copropriétaires, exposeraient, à l’appréciation des juges, des propriétaires bailleurs à des demandes de diminution de loyer pour perte de jouissance et, éventuellement, à des dommages et intérêts pour préjudice.

 

Céline Capayrou

 

[1] Notamment Article 10 loi n°65-557 du 10 juillet 1965 - Article 1er décret 17 mars 1967

[2] Article 8 loi 10 juillet 1965

[3] Cour de cassation, 3ème civ, 13 décembre 1983, n°82-14804

  Cour de cassation, 3ème civ, 4 janvier 1989, n° 87-14871

[4] Cour de cassation, 3ème civ, 9 mai 2012, n° 11-16226

[5] Cette jurisprudence est obsolète, la suppression du poste de concierge ayant été légalisée en 2003

[6] Loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003, article 93

[7] Cour de cassation, 3ème civ, 22 septembre 2009, n°08-19411

[8] Réponse ministérielle 28 janvier 2014, n° 37823

[9] Cour de cassation 3ème civ, 4 janvier 1991, 6 mars 1991, 27 novembre 1991,11 juin 1992, 9 décembre 1992

[10] Cour de cassation, chbre sociale, 1er février 2017, n° 15-26853

[11] Article 26 d) Loi 10 juillet 1965

[12] Article 24 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion

[13] Article 59 loi n° 2014-366 du 24 mars 2014

[14] Cour de cassation, 3ème civ., 24 septembre 2008, n° 07-17039

[15] Réponse ministérielle, JO AN, 4 avril 2017, n° 84110

[16] Cour de cassation, 3ème civ, 31 mai 1995, n°93-15867

[17] Article 26 a) loi 10 juillet 1965

[18] Cour de cassation, 3ème civ, 14 juin 2000, n° 98-20873

[19] Cour de cassation, 3ème civ, 2 février 2000, n°98-13471

 

Source : 25 millions de propriétaires • N°juillet 2018


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