Absence réponse proprio après demande pose climatiseur sans percer

Question :

Un locataire a demandé à son proprio l’autorisation d’installer un climatiseur. Il n’a pas de réponse depuis 2 mois. Peut-on considérer qu’il a obtenu un accord tacite ? Comment faire sinon ?

Il loue une maisonnette dans un lotissement, il n’a pas besoin de percer la façade (les fils passeront par une grille d’aération).

Réponse :

Bonjour,

Il n’est pas si facile que ça de répondre à la question de votre adhérent.

- On peut d’ores et déjà exclure le droit pour un locataire d’imposer la pose d’un climatiseur en tant qu’il s’agirait de travaux d’amélioration.

Certes, la loi n° 67-561 du 12 juillet 1967 relative à l'amélioration de l'habitat prévoit que tout locataire puisse imposer des « travaux destinés à adapter, totalement ou partiellement, les locaux d'habitation à des normes de salubrité, de sécurité, d'équipement et de confort ». Dans ce cas, il y a bien une règle selon laquelle le silence du propriétaire deux mois après la demande d’autorisation du locataire vaut accord tacite.

Mais selon le décret d’application n°68-976 du 9 novembre 1968, il ne s’agit que de permettre au locataire d’imposer des travaux visant à rendre le logement décent. Les dispositions de ce décret ont d’ailleurs quasiment toutes été transférées dans le décret « décence » du 30 janvier 2002. Or, à ce jour, la pose d’un climatiseur ne fait pas partie des travaux nécessaires pour rendre un logement décent.

- Il reste donc à appliquer la distinction entre travaux d’aménagements et travaux de transformation, distinction traditionnellement appliquée par la jurisprudence et aujourd’hui reprise aux articles 6 et 7 de la loi du 6 juillet 1989 (sur les locations à usage d’habitation principale).

Comme l’énonce l’article 6, d de la loi du 6 juillet 1989, un propriétaire ne peut pas « s'opposer aux aménagements réalisés par le locataire, dès lors que ceux-ci ne constituent pas une transformation de la chose louée ».

A l’inverse, le locataire est tenu « de ne pas transformer les locaux et équipements loués sans l'accord écrit du propriétaire ; à défaut de cet accord, ce dernier peut exiger du locataire, à son départ des lieux, leur remise en l'état ou conserver à son bénéfice les transformations effectuées sans que le locataire puisse réclamer une indemnisation des frais engagés ; le bailleur a toutefois la faculté d'exiger aux frais du locataire la remise immédiate des lieux en l'état lorsque les transformations mettent en péril le bon fonctionnement des équipements ou la sécurité du local » (article 7, f)

On peut souligner deux éléments.

Tout d’abord, s’agissant de travaux de transformation, le silence du propriétaire ne peut valoir accord tacite.

En second lieu, l’accomplissement de travaux de transformation sans accord du propriétaire ne peut donner lieu à une demande de remise en état immédiate que si la sécurité de l’immeuble ou son bon fonctionnement est en jeu. Sauf travaux importants, il est également improbable que des travaux justifient un congé du bailleur pour motif légitime et sérieux. En définitive, le seul risque est de s’exposer à une demande de remise en état en fin de bail.

En l’espèce, il n’est pas évident de savoir si la pose d’un climatiseur doit être considérée comme de simples travaux d’aménagement ou si elle constitue des travaux de transformation.

« À titre d'exemple, il a été jugé que percer des gros murs, déplacer ou abattre des cloisons, supprimer un escalier, élargir une porte, constituent des transformations. C'est le cas lorsque le preneur aménage des chambres de bonne en un espace de vie unique, modifiant par là même la configuration des lieux loués et la disposition des parties communes par rapport aux parties privatives (CA Paris, 6e ch. C, 22 janv. 2008, n° 07/07027 : JurisData n° 2008-355071). Constitue également une transformation illicite, le fait d'abattre une cloison pour réunir deux appartements mitoyens, même si cette transformation est réversible (CA Paris, 4e ch., 31 mai 2011, n° 10/09024 : JurisData n° 2011-011841 ; Loyers et copr. 2011, comm. 238).

En revanche, relèvent de la catégorie des aménagements les travaux consistant à changer le papier mural ou la moquette, à renforcer l'isolation phonique ou thermique (notamment par l'adjonction d'un double vitrage), à accroître le confort ou la salubrité du logement loué (…). La pose de convecteurs électriques ne peut non plus être qualifiée de transformation, qui doit s'entendre de tout changement apporté à la structure ou à la configuration des lieux loués (CA Nancy, 2e ch., 23 nov. 1993 : JurisData n° 1993-048301). Concernant la dépose de 15 spots lumineux que les locataires reconnaissent avoir installés dans les plafonds de la maison des époux bailleurs, sans l'autorisation de ces derniers, il a été jugé que cette installation ne constitue pas une transformation au sens de l' article 7 de la loi du 6 juillet 1989 mais un aménagement des lieux loués n'affectant pas la structure des murs, la distribution des pièces ou les ouvertures de la maison mais répondant à un besoin supplémentaire de confort à la limite de la notion d'embellissement. En outre, les bailleurs n'invoquent pas d'atteinte à la sécurité électrique de la maison en rapport avec cette installation. Il y a donc lieu de refuser aux bailleurs le droit de solliciter une quelconque indemnisation de ce chef aux fins de remise en état d'origine (CA Paris, 6e ch., sect. C, 20 mars 2001 : AJDI 2001, p. 706) » (Juris-classeur, bail à loyer, fasc. 230, n°17)

Plus largement, sont de simples aménagements « les travaux de peu d’importante ayant pour but d’améliorer le confort, la commodité ou l’esthétique des locaux loués, qui n’affectent pas l’immeuble dans sa structure et qui n’ont rien d’irréversible » (Code des baux Lexis-Nexis 2019, p. 122).

En l’espèce, même si les travaux envisagés par votre adhérent impliquent la pose d’un climatiseur en façade de la maison, je suis enclin à penser qu’il ne s’agit que de travaux d’aménagements. Cet adhérent a par ailleurs indiqué qu’aucun percement du gros œuvre n’était nécessaire, les branchements du bloc pouvant passer par une grille d’aération.

De plus, on constate une tendance des juges à considérer d’un bon œil ce type de travaux, qui sont en définitive profitables à tous. Sur le fondement de la théorie de l’abus de droit, il a par exemple été jugé qu’est abusif le refus d'exécution de travaux de climatisation qui ont pour but d'améliorer les conditions de travail du personnel employé par la société locataire et qui ne sont pas de nature à changer la destination des locaux donnés à bail (CA Paris, 14e ch. B, 14 déc. 2001 : JurisData n° 2001-165200. – CA Paris, 16e ch. B, 22 juin 2001 : JurisData n° 2001-149917).

En conclusion, il serait certes préférable que le bailleur donne officiellement son accord pour la pose d’un climatiseur. Mais, à défaut, le risque de se voir réclamer une remise en l’état en fin de bail ou une quelconque indemnisation me parait faible ; à supposer qu’un juge qualifie les travaux de travaux de transformation, ce juge prendra sans doute en compte l’utilité pratique et la bonne foi du locataire qui a vainement tenté d’obtenir l’accord du propriétaire (cela suppose que le locataire puisse prouver avoir fait une demande officielle – l’emploi d’une lettre recommandée avec avis réception est préférable).

Il y a toutefois un dernier point à signaler. Même si les lieux loués ne se situent pas dans une copropriété, le cahier des charges du lotissement où se situe la maison peut réglementer les travaux en façade des maisons. La commune en cause peut également réglementer ce type de travaux modifiant l’aspect extérieur des maisons. Nous invitons votre adhérent à se renseigner sur ce point. Si une autorisation est requise, il sera alors difficile de passer outre l’aval du propriétaire.