Si le débat fiscal en cours laisse planer des incertitudes sur l'évolution de la fiscalité du patrimoine, une chose demeure pour ce printemps : vous devez préparer votre déclaration d'IFI ! Voici un guide pratique des informations à recenser et des méthodes à suivre pour bien remplir votre déclaration.
Avec la loi de finances pour 2018, l'impôt de solidarité sur la fortune a laissé place à l'impôt sur la fortune immobilière, le législateur ayant pris le parti de taxer spécifiquement l'immobilier. Voici la deuxième année que les propriétaires, qui disposent d'un patrimoine immobilier dépassant le seuil de 1,3 million d'euros, sont soumis au paiement de l'IFI.
L'IFI frappe les seules personnes physiques. Il impose les foyers, qu'ils soient mariés, pacsés ou en concubinage notoire. Il s'applique aux personnes domiciliées en France pour leur patrimoine en France ou à l'étranger et, s'agissant des personnes domiciliées à l'étranger, à leur seul patrimoine situé en France.
Le patrimoine taxable doit être apprécié au 1er janvier de l'année d'imposition. Si sa valeur a évolué depuis le 1er janvier (en raison d'une fluctuation du marché immobilier ou en raison de travaux que vous avez effectués sur un bien), il n'y a donc pas lieu d'en tenir compte.
Sont aussi dans le patrimoine taxable les parts ou actions de sociétés, mais seulement à hauteur de la fraction de leur valeur qui correspond à des biens ou droits immobiliers et ce, que ces biens soient détenus directement ou non par la société.
Il faut donc effectuer un calcul pour déterminer la part imposable entre la valeur des biens immobiliers imposables et la valeur totale des actifs de la société : le coefficient immobilier.
S'il existe une chaîne de participations, il faut partir de la filiale qui est au niveau le plus bas et remonter jusqu'à la société dont le contribuable détient des titres.
Part du contribuable dans le capital de la société A | 50 % |
Patrimoine de la société A | Actif : 12 M€ dont 5 M€ d'immeubles 3 M€ de titres de sa filiale F Passif: 4 M€ |
Filiale F | Valeur des titres : 3 M € Coefficient immobilier : 0,9 |
Valeur de la société A | 12 M€ - 4 M€ = 8 M€ |
Valeur des titres A du contribuable | 8 M€ / 2 = 4 M€ |
Coefficient immobilier de A : actif immobilier de A + part immobilière de F/ actif total de A | (5 M€ + (3M€ x 0,9))/12 M€ = 0,64 |
Valeur imposable des titres A | 4 M€ x 0,64 = 2,57 M€ |
L'immobilier qui est affecté à une activité opérationnelle n'est pas soumis à l'IFI. Cela vise les activités industrielles, commerciales, artisanales, agricoles ou libérales. Sont exonérés les immeubles qui sont affectés à une exploitation individuelle et ceux affectés à l'activité d'une société dans laquelle le contribuable exerce sa profession ou dont il est le dirigeant.
En revanche, une société qui ne fait que gérer son propre patrimoine est soumise à l'IFI. Les parts de sociétés qui exercent une activité de location de locaux nus, quel qu'en soit l'usage ou de locaux d'habitation meublés sont imposables.
Par ailleurs sont exclues de l'assiette de l'IFI les participations de moins de 10 % dans les sociétés opérationnelles.
Les participations dans les organismes de placement collectif sont également exclues de l'IFI si le contribuable détient moins de 10 % des droits et si l'actif est composé de moins de 20 % de biens ou de droits immobiliers.
Les sociétés d'investissement immobilier cotées (SIIC) disposent d'un régime particulier : si le contribuable détient moins de 5 % de la société, il échappe à l'imposition.
Pour les contrats d'assurance vie ou de capitalisation, lorsque ces contrats sont rachetables, ils doivent être déclarés par la fraction de valeur représentative des actifs immobiliers imposables.
Les bois et forêts et les parts de groupements forestiers sont exonérés à hauteur des trois quarts de leur valeur, suivant le même régime que celui qui est applicable pour les droits de succession : sous condition de gestion durable pendant 30 ans.
Sont exonérés les biens ruraux loués pour une durée de 18 ans par bail à long terme ou bail cessible et les parts de groupements fonciers agricole (GFA) non exploitants.
Le seuil d'imposition reste fixé à 1,3 million d'euros. Mais, lorsque ce seuil est atteint, l'imposition débute à 800 000 euros (art. 977 du CGI).
Fraction de valeur nette taxable | Tarif d'imposition |
≤ 800 000 € | 0 % |
de 800 001 € à 1 300 000 € | 0,5 % |
de 1 300 001 € à 2 570 000 € | 0,7 % |
de 2 570 001 € à 5 000 000 € | 1 % |
de 5 000 001 € à 10 000 000 € | 1,25 % |
> 10 000 000 € | 1,50 % |
Par ailleurs, pour limiter l'effet de seuil pour les contribuables qui sont juste au-dessus de la limite de 1,3 M€, la loi prévoit un régime de décote.
Il s'applique aux patrimoines compris entre 1,3 et 1,4 M €.
Le montant de la décote est le suivant : 17500 € - 1,25% P (valeur nette taxable du patrimoine).
Le montant est donc d'autant plus fort qu'on est proche du seul de 1,3 M€ ; il se réduit à zéro lorsqu'on atteint 1,4 M€. Par exemple, pour un patrimoine de 1,3 M€, la décote est de 1250 €, et pour un patrimoine de 1,34 M€, elle est de 750 €.
La décote est à retrancher du montant de l'IFI calculé à partir du barème du tableau ci-dessus.
La question de la méthode d'évaluation des biens est la plus délicate. La difficulté est de disposer de valeurs de transaction de biens correspondant à ceux dont vous êtes propriétaire. Autant il est aisé de trouver des références de biens mis en vente, autant il est plus difficile de trouver des valeurs de transactions effectives. Vous pouvez bien sûr faire appel à un expert et c'est ce que recommande le président du collège des experts immobilier du SNPI (lire son interview) car elle vous permet d'avoir une sécurité en cas de contrôle fiscal.
Vous pouvez par ailleurs vous référer aux statistiques publiées par les réseaux d'agences immobilières et la profession notariale.
La diffusion des informations sur les transactions est par ailleurs en progrès : l'administration fiscale vous permet désormais d'obtenir des références de vente en vous connectant sur le site internet www.patrim. La consultation est gratuite et elle est précisément destinée à vous aider à évaluer vos biens dans le cadre d'une succession, d'une expropriation ou de votre déclaration d'IFI, ou si vous projetez une vente.
Toutefois, elle n'est pas anonyme, car pour accéder au service, vous devez entrer votre numéro fiscal (ce numéro à 13 chiffres figure sur votre avis d'imposition).
Rappelons que les principales méthodes traditionnelles d'évaluation sont les suivantes :
Dans la mesure du possible, il est utile de recourir à plusieurs méthodes et d'en comparer les résultats.
Ce qu'il faut estimer, c'est la valeur vénale. L'administration la définit comme "le prix auquel ce bien pourrait ou aurait pu normalement se négocier à l’époque considérée, tel qu’il résulte en particulier de l’analyse des prix déclarés lors des mutations de biens présentant des caractéristiques identiques et affectés au même usage" (BOI-PAT-IFI-20-30-10-20180608).
Enfin, la résidence principale bénéficie d'un abattement de 30 %.
Si vous avez des dettes au 1er janvier 2019, vous pouvez les déduire de votre patrimoine imposable. Mais seules sont déductibles les dettes qui se rapportent aux biens imposables.
Par exemple, si vous avez souscrit un emprunt pour financer l'acquisition de la nue-propriété d'un bien, il ne sera pas déductible, puisque le bien est imposable au titre du patrimoine de l'usufruitier.
Si vous avez emprunté pour acquérir votre résidence principale, vous pouvez déduire l'emprunt mais sans pouvoir dépasser 70% de la valeur vénale de ce bien, puisque c'est la part imposable.
La loi donne une liste de dépenses déductibles, lorsqu'elles ont donné lieu à une dette (art. 974 du CGI).
Sont déductibles les emprunts ayant financé des dépenses :
Ne sont pas déductibles les impôts liés au revenu des immeubles (impôt sur le revenu et contribution sociales du bailleur) ni la taxe d'habitation.
En revanche, l'IFI est lui-même déductible. Vous devez donc calculer l'IFI sans tenir compte de l'IFI puis ajouter l'IFI au passif déductible et effectuer un nouveau calcul de l'impôt pour obtenir l'IFI à payer.
La loi a prévu un mécanisme de calcul spécifique en cas de recours à un prêt in fine, pour éviter un montage d'optimisation fiscale visant à majorer la part déductible. Vous ne pouvez déduire que la somme des annuités théoriques restant à courir jusqu'au terme prévu (voir exemple avec le mode de calcul). Vous ne pouvez donc déduire que 180 000 € alors que le montant à rembourser en fin de prêt sera de 300 000 €.
Emprunt in fine sur 10 ans échéance 2025 | 300 000 € |
Nombre d'années écoulées depuis le versement du prêt | 4 ans |
Nombre d'années total de l'emprunt | 10 ans |
Montant déductible | 300 000 - (300 000 x 4 / 10) = 180 000 € |
Par ailleurs, vous ne pouvez pas déduire les emprunts souscrits auprès d'un membre de votre foyer fiscal ou auprès d'une société contrôlée par le groupe familial, sauf si vous pouvez justifier du caractère normal des conditions de prêt.
Enfin, un mécanisme spécifique de limitation des déductions d'emprunt est appliqué si la valeur du patrimoine taxable dépasse 5 millions d'euros et que le montant des dettes dépasse 60 % de cette valeur. Le montant des dettes qui excède cette valeur n'est déductible que pour la moitié de cet excédent (voir exemple).
Patrimoine immobilier taxable | 10 M € |
Emprunt finançant ce patrimoine | 7 M € |
Taux d'endettement | 70 % |
Plafond de déduction totale | 60 % du patrimoine soit 6 M€ |
Part d'emprunt excédant le plafond | 7 M€ - 6 M€ = 1 M € |
Limitation de la part déductible | 1 000 000 € /2 = 500 000 € |
Emprunt déductible | 6 M € + 500 000 € = 6,5 M€ |
Les dons à certains organismes ouvrent droit à une réduction d'impôt.
Cette réduction est de 75% du versement et le montant de l'avantage fiscal est limité à 50 000 € par an.
Sont notamment éligibles à la réduction d'impôt les dons faits aux établissements de recherche, aux fondations reconnues d'utilité publique, aux entreprises d'insertion, aux fondations universitaires et aux associations reconnues d'utilité publique finançant la création et la reprise d'entreprises (cf. tableau et article 978 du CGI).
Bien entendu, les dons qui sont effectués au titre de l'IFI ne peuvent pas en même temps ouvrir droit à une réduction d'impôt au titre de l'impôt sur le revenu. Vous n'avez pas à joindre les attestations de dons à votre déclaration mais vous devez les conserver pour pouvoir les fournir à l'administration à sa demande.
Vous pouvez faire un don en numéraire ou en titres de sociétés cotées.
Les dates de versement à retenir sont celles comprises entre la date limite de dépôt de la déclaration de 2018 et la date de dépôt de la déclaration de 2019.
1 | Etablissements de recherche, d'enseignement supérieur ou artistique, d'intérêt général, à but non lucratif |
2 | Fondations reconnues d'utilité publique |
3 | Entreprises d'insertion et entreprises de travail temporaire d'insertion |
4 | Associations intermédiaires |
5 | Ateliers et chantiers d'insertion |
6 | Entreprises adaptées |
7 | Groupement d'employeurs pour l'insertion et la qualification |
8 | Agence nationale de la recherche |
9 | Fondations universitaires et fondations partenariales |
10 | Associations reconnues d'utilité publique de financement et d'accompagnement de la création et de la reprise d'entreprises |
Le montant de l'IFI, ajouté à celui de votre impôt sur le revenu, ne doit pas dépasser 75% de vos revenus (ceux de 2018). Si ce seuil est dépassé, l'excédent vient en diminution de l'impôt à payer.
Pour l'année 2019, qui a vu la mise en place du prélèvement à la source, il ne faut pas tenir compte des prélèvements effectués depuis le début de l'année puisqu'ils correspondent à une imposition des revenus de 2019.
Mais les impôts sur les revenus de 2018 sont compensés par le crédit d'impôt de modernisation du recouvrement. Le plafonnement doit être calculé après imputation du CIMR. Donc si vous n'avez reçu en 2018 que des revenus courants qui sont couverts par le CIMR, l'impôt sur le revenu à retenir pour le plafonnement de l'IFI 2019 est égal à zéro.
Si votre patrimoine immobilier dépasse 1,3 M€, il doit être déclaré sur le formulaire n° 2042-IFI, celui-ci étant annexé à votre déclaration générale de revenus.
Le montant de l'IFI est payé par télépaiement (comme pour les impôts locaux).
Quelle méthode d'évaluation privilégier ?
Pour évaluer un immeuble, l'expert dispose de plusieurs méthodes. Il peut recourir à la méthode comparative : il recherche des transactions récentes de biens similaires, permettant de calculer un prix au m² de surface utile pondérée puis de l'affecter au bien à estimer.
Il peut aussi utiliser la méthode du revenu : en partant du loyer pratiqué ou espéré, et en lui appliquant un taux de rentabilité. Ce taux varie suivant le type de bien et le secteur considéré. Pour un logement, un taux de 5% est usuel, pour un bien tertiaire, le taux est plus élevé, il peut être de 7 à 9 %. Plus le secteur est sensible, plus le taux est élevé. Dans un très beau quartier résidentiel, le taux sera inférieur à 5 % mais bien supérieur dans un secteur de banlieue sensible.
D'autres méthodes peuvent être utilisées, notamment pour les bureaux, en partant du cash flow, qui tient compte du flux de revenus qu'un investisseur peut attendre de l'immeuble sur un temps donné.
Pour les terrains à bâtir enfin, il peut être utile de recourir à la méthode du bilan promoteur ou de la récupération foncière. On utilise le calcul que fait un promoteur à partir du prix de vente espéré de l'immeuble, et des coûts de construction qu'il supporte, pour en déduire la valeur du terrain : il s'agit du prix qu'il est susceptible de proposer au propriétaire.
L'expert utilise conjointement plusieurs méthodes pour assurer la cohérence de son estimation.
Si on repart de la déclaration IFI 2018, peut-on simplement affecter aux valeurs un coefficient de revalorisation ?
Cette méthode peut être utilisée dans un contexte de marché stable et si on dispose d'une expertise encore suffisamment récente. Mais cette méthode indiciaire est aléatoire, particulièrement lorsque le marché est fluctuant, comme cela a pu se voir par exemple lors de la crise de 2008. Elle est donc à manier avec prudence.
Quelle décote appliquer à un logement loué ?
L'administration fiscale admet de pratiquer un abattement pour occupation. Son montant peut varier de 5 à 20 % environ et dépend de la durée du bail restant à courir et du profil du locataire. Si le locataire bénéficie de protections, en raison de son âge et de la modicité de ses ressources, l'abattement sera plus important. Le cas particulier des locaux restant soumis à la loi de 1948 justifie une décote plus forte qui peut atteindre 30 ou 40 %, voire davantage.
Un bien en indivision (ou démembré) doit-il être évalué différemment ?
Dans un arrêt de 2016, la Cour de cassation a admis qu'un bien dont la propriété est répartie entre des indivisaires, justifiait un abattement. En effet, une telle situation impose un délai de vente plus important et crée un manque de fluidité du bien qui baisse sa valeur. Ce raisonnement peut être également appliqué pour un bien dont la propriété est démembrée, entre usufruitier et nu-propriétaire, ou qui est détenu par une SCI. De plus, la Cour de cassation a admis que le contribuable pouvait cumuler l'abattement pour occupation et celui applicable en cas d'indivision.
L'administration n'a cependant pas encore commenté la décision de la Cour de cassation.
Dans quels cas conseillez-vous spécialement de faire appel à un expert ?
Le recours à l'expert est particulièrement recommandé si le marché est fluctuant. L'expertise a certes un coût - les honoraires de l'expert sont libres et variables suivant le type de bien à évaluer et le marché immobilier - mais elle a le grand mérite de sécuriser la déclaration du contribuable. Le plus souvent, le propriétaire a tendance à sous-évaluer son bien mais il arrive aussi qu'il le surévalue, par raison affective. En cas de contrôle fiscal, le contribuable qui peut produire à l'administration un rapport d'expertise a une position bien plus assurée.
L'expert intervient soit en amont, indépendamment de tout contrôle fiscal, soit en aval, à l'occasion d'un contrôle pour justifier, dans la mesure du possible, le chiffre fourni par le contribuable.
L'expert fournit un rapport écrit, il justifie ses calculs et, par sa signature, engage sa responsabilité. Il atteste qu'il a mis en œuvre tous les moyens utiles pour parvenir au chiffre qu'il a retenu.
Quel autre conseil donneriez-vous à un propriétaire ?
N'hésitez pas à faire appel à un expert ! L'évaluation est un métier et ne s'improvise pas. Nous constatons que le propriétaire fait parfois des erreurs manifestes d'évaluation. On peut certes consulter le site de l'administration, Patrim, mais cela ne remplace pas une analyse faite par un professionnel qui s'appuie sur des références qu'il connaît. Le recours à l'expert est particulièrement recommandé pour l'évaluation de biens spécifiques, comme des châteaux, des commerces pour lesquels le recours à une moyenne tirée d'une base de données est insuffisante.
Dans quel délai peut-on obtenir une expertise ?
Dans le cadre d'une expertise amiable, il faut compter de trois à quatre semaines pour obtenir une expertise sérieuse, qui requiert des investigations - le cas des expertises judiciaires est différent car il repose sur une procédure contradictoire qui exige plus de temps. Pour l'IFI, la déclaration doit être déposée pour le 15 juin, mais l'estimation est basée sur la valeur au 1er janvier ; mieux vaut éviter de faire appel à l'expert quelques jours avant la date butoir de déclaration.
Bertrand Desjuzeur