La clause de garant inversée

Bailleurs de locaux commerciaux, prenez garde aux effets de la clause de garant inversée, paralysés par la loi Pacte.

Dans le fatras législatif qui caractérise la loi Pacte[1], une mesure doit mériter l'attention des bailleurs : l'article 64. Bien que cet article vise les baux commerciaux, il n'est pas inséré au chapitre du code de commerce sur ce thème (article L 145-1 et suivants). Mais il figure à l'article L 642-7 dans les dispositions visant la liquidation judiciaire.

La clause la plus courante est la clause de garant. En cas de cession de bail, elle permet au bailleur de se retourner contre le cédant, lorsque le nouveau locataire, cessionnaire, n'honore pas ses engagements. Elle peut faciliter la cession puisque le bailleur est muni d'une garantie supplémentaire à l'égard de son ancien locataire. La loi Pinel du 18 juin 2014 a toutefois limité son application au moyen de deux articles insérés dans le code de commerce. L'article L 145-16-1 oblige le bailleur à informer le cédant de tout défaut de paiement du locataire dans le délai d'un mois à compter de l'impayé et l'article L145-16-2 limite la validité de la clause à une durée de trois ans à compter de la cession du bail.

Mais la loi Pacte s'est intéressée à une hypothèse voisine, celle où c'est le nouveau locataire cessionnaire à qui il est demandé de se porter garant du cédant. Elle trouve à s'appliquer en cas de difficultés financières du cédant, qui le conduisent à céder son bail.

Mais cette clause peut refroidir l'enthousiasme d'un repreneur qui réalise qu'il va être tenu de prendre en charge les arriérés de paiement de son cédant. Elle peut donc être un obstacle à la reprise d'activité.

C'est à cette difficulté que le législateur a voulu porter remède. L'étude d'impact du projet de loi citait l'exemple d'un preneur, exploitant un bar, qui devait 600 000 € d'arriérés de loyer. En raison de la clause de garantie, il a été impossible de trouver un repreneur acceptant de payer l'arriéré. L'entreprise a donc été liquidée, sans reprise du bail avec perte de 6 emplois[2].

La loi prévoit déjà que sont réputées non écrites les clauses imposant des dispositions solidaires avec le cédant (art. L 622-15, L 631-14 et L 641-12 du code de commerce) mais elles ne s'appliquent pas à cette clause.

L'article L 642-7 prévoit que le tribunal détermine les contrats nécessaires au maintien de l'activité. Le jugement qui arrête le plan emporte cession des contrats. Or ces contrats doivent être exécutés aux conditions en vigueur au jour de l'ouverture de la procédure, nonobstant toute clause contraire. L'article est modifié par la loi nouvelle pour préciser que, "par dérogation, toute clause imposant au cessionnaire d'un bail des dispositions solidaires avec le cédant est réputée non écrite". Il en résulte que la clause de garant inversée est écartée.

Selon le rapport à l'Assemblée, la règle s'appliquera en cas de cession judiciaire organisée en plan de cession, lorsque la poursuite de l'activité et le maintien des emplois constituent, à côté du paiement des créanciers, les objectifs et critères légaux de la cession conformément à l'article L 642-5.

L'article 64 de la loi Pacte précise que la mesure n'est pas applicable aux procédures en cours au jour de la publication de la loi. Il semble en résulter a contrario qu'elle est applicable aux baux en cours.


[1] Loi du 22 mai 2019, lourde de 221 articles dont 24 ont été censurés par le Conseil constitutionnel pour des motifs de procédure

[2] Voir rapport n° 1237 de Roland Lescure

Bertrand Desjuzeur

Source : 25 millions de propriétaires • N°septembre 2019


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