À l’ère du (presque tout) numérique, se développent de nouvelles formes d’activités professionnelles, qui ne nécessitent pas forcément des locaux particuliers ou spécifiquement aménagés. Quelles sont les obligations du locataire qui souhaite exercer une activité professionnelle dans son logement et quelle attitude le bailleur doit-il adopter en pareil cas ?
Elle résulte nécessairement des termes du contrat de location. En effet, la destination du bail est caractérisée par l’affectation décidée par les parties au contrat (bailleur et locataire). Ainsi, lorsqu’il est mentionné que les locaux sont loués à usage exclusif d’habitation ou, selon une formule usuelle « à usage d’habitation bourgeoise exclusive », toute utilisation à usage professionnel est interdite, même si elle n’est que partielle.
Les tribunaux sanctionnent en faisant droit à la demande de résiliation du bail formée par le bailleur, par exemple dans le cas d’un locataire qui, en violation d’une clause d’habitation « bourgeoise » exerce dans les lieux sa profession d’architecte (Cass.Civ. 3ème 16/07/1997) ou d’un autre, qui y aura installé son cabinet d’avocat (CA Paris 4ème chambre 18/01/2011). La résiliation du bail est également prononcée pour un locataire ayant installé le principal établissement d’une société civile immobilière dont il est le gérant et dont l’activité est la gestion, l’administration et la location d’immeubles (CA Montpellier 2ème chambre A 08/06/2004).
De même, en l’absence d’une interdiction pure et simple, le locataire encourt la rési- liation du bail s’il utilise les lieux à l’exercice exclusif d’une activité professionnelle, alors que la destination des lieux, telle qu’elle résulte du contrat, est essentiellement à usage d’habitation avec faculté offerte par le locataire d’utiliser une partie des locaux à titre professionnel.
Dans les deux cas, il s’agit d’un non respect de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire n’ayant pas respecté la destination des lieux, telle que prévue au bail.
Tout d’abord, bailleur et locataire peuvent convenir, en cours de bail, de modifier la destination des lieux, sous réserve, ainsi qu’il sera dit ci-après, que cela soit compatible avec le règlement de copropriété, mais aussi dans le respect de l’obligation de jouissance paisible et de la tranquillité des autres occupants de l’immeuble.
En l’absence d’une telle modification contractuelle, la question relève de l’appréciation souveraine des juges. En l’état du droit positif, on note en effet quelques décisions favorables aux locataires, retenant à la fois l’absence de trouble de jouissance ou d’atteinte à la tranquillité des habitants de l’immeuble, et le respect des conditions posées par l’article L.631-7-3 du CCH.
Il a ainsi été jugé :
A contrario, il a pu être décidé que l’affectation des lieux à une exploitation artisanale n’était pas conforme à la destination précisée par une clause d’habitation bourgeoise, de même que l’installation dans les lieux d’un fonds de commerce d’agent d’affaires ou d’agent immobilier.
Un soin tout particulier doit être apporté à la rédaction de la clause relative à la destination des lieux loués pour éviter toute difficulté. En effet, la jurisprudence a rappelé que le locataire de locaux à usage mixte d’habitation et professionnel n’a pas l’obligation d’utiliser les lieux à chacun des usages prévus par le bail ; un locataire qui cesse toute activité professionnelle en cours de bail mixte ne commet pas d’infraction aux clauses du bail, de même s’il n’habite pas les lieux ou les utilise à des fins uniquement professionnelles. Cependant, si en fin de bail, le locataire n’utilise plus les lieux pour son habitation principale et les a affectés exclusivement à son activité professionnelle, il ne bénéficie plus des dispositions de la loi du 6 juillet 1989 et ne peut prétendre à un droit au renouvellement du bail. Il est possible de prévoir dans le bail que l’exercice de la profession n’est autorisé que dans une partie des lieux loués, spécialement identifiée. S’il s’avère qu’en réalité, le locataire a affecté les lieux loués en totalité à son activité professionnelle, il commet une faute contractuelle et encourt la résiliation.
Pour éviter une remise en cause de l’application aux lieux loués de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur doit donc être attentif à ce que les locaux permettent une habitation effective, et donc avec tous les équipements néces- saires, en tout ou en partie, et exiger que la destination fixée à l’origine soit maintenue et respectée. Il est souhaitable également, de prévoir une clause obligeant le locataire à solliciter l’autorisation du bailleur s’il ne souhaite utiliser les lieux qu’à un seul usage (habitation ou professionnel).
Depuis la loi du 21 décembre 1984 sur la domiciliation d’entreprise, désormais codifiée à l’article L.123-10 du Code de commerce, les personnes physiques peuvent déclarer l’adresse de leur local d’habitation et y exercer une activité, dès lors qu’aucune disposition législative ou stipulation contractuelle ne s’y oppose.
Lorsqu’elles ne disposent pas d’un établissement, les personnes physiques peuvent, à titre exclusif d’adresse de l’entreprise, déclarer celle de leur local d’habitation. Cette déclaration n’entraîne ni changement d’affectation des locaux, ni application du statut des baux commerciaux.
Ces dispositions s’appliquent à l’ensemble des entrepreneurs individuels, dont les auto-entrepreneurs.
En vertu de l’article L.123-11-1 du Code du commerce, toute personne morale est égale- ment autorisée à installer son siège au domicile de son représentant légal et y exercer une activité, sauf dispositions législatives ou stipulations contractuelles contraires.
Dans ce cas, le représentant légal peut installer le siège de la personne morale à son domicile, pour une durée ne pouvant ni excéder cinq ans à compter de la création de celle-ci, ni dépasser le terme légal, contractuel ou judiciaire de l’occupation des locaux.
La personne morale, par son représentant, doit notifier par écrit au bailleur, au syndicat de la copropriété ou au représentant de l’ensemble immobilier, son intention d’user de cette faculté, et ce, préalablement au dépôt de sa demande d’immatriculation ou de modification d’immatriculation.
Elle a obligation, avant la fin des cinq ans, de communiquer au greffe du tribunal de commerce les éléments justifiant son chan- gement de situation (et donc, concrètement, de la nouvelle adresse du siège social, hors l’habitation du représentant légal), à peine de radiation d’office.
Lorsque le contrat de bail ou le règlement de copropriété ne prévoient pas de dispositions contraires, l’article L.631-7-3 autorise l’exer- cice d’une activité professionnelle, y compris
commerciale, dans une partie d’un local à usage d’habitation, dès lors que l’activité considérée n’est exercée que par le ou les occupants ayant leur résidence principale dans ce local et ne conduit à y recevoir ni clientèle ni marchandises. Les dispositions du présent article sont applicables aux représentants légaux des personnes morales.
Ajoutons que l’article L.631-7-4, sous les mêmes limites (stipulation contractuelle ou règlement de copropriété contraires), permet l’exercice d’une activité professionnelle, y compris commerciale, dans une partie d’un local d’habitation situé au rez-de-chaussée, pourvu que l’activité considérée ne soit exercée que par le ou les occupants ayant leur résidence principale dans ce local, qu’elle n’engendre ni nuisance, ni danger pour le voisinage et qu’elle ne conduise à aucun désordre pour le bâti.
Ce bail d’habitation échappe aux dispositions du Code de commerce et ne peut en aucun cas être un élément constitutif du fonds de commerce (et ne peut donc être cédé avec le fonds).
En vertu de l’article L.631-7 du CCH, dans les communes de plus de 200 000 habitants et celles des départements des Hauts-de-Seine, Seine- Saint-Denis et Val-de-Marne, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées par l’article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable délivré par le maire de la commune dans laquelle est situé l’immeuble, après avis, à Paris, Marseille et Lyon, du maire d’arrondissement concerné. Elle peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage (L.631-7-1 A, L.631-7-1 B, L.631-7-1 du CCH).