Comment augmenter le loyer d'un logement après des travaux ?

En cours de bail, le propriétaire peut souhaiter réaliser des travaux d’amélioration du logement loué ; ceci peut constituer également une demande du locataire. Quels types de travaux sont concernés ? Quelle est la majoration de loyer applicable ?

Selon l’article 3 de la loi du 6 juillet 1989, le contrat de location précise, notamment, le montant du loyer, ses modalités de paiement ainsi que ses règles de révision éventuelle (6°), le montant et la date de versement du dernier loyer appliqué au précédent locataire, dès lors que ce dernier a quitté le logement moins de dix-huit mois avant la signature du bail (8°), la nature et le montant des travaux effectués dans le logement depuis la fin du dernier contrat de location ou depuis le dernier renouvellement du bail (9°).

Ainsi, à l’occasion du départ d’un locataire, le bailleur qui souhaite réaliser des travaux dans le logement avant la signature d’un nouveau bail, dispose de toute latitude pour fixer le nouveau loyer et l’augmenter s’il le désire, selon le principe de libre fixation du loyer, rappelé à l’article 17 (II) de la loi du 6 juillet 1989 modifié par la loi Elan du 23 novembre 2018, à la condition toutefois de justifier de la nature et du montant des travaux effectués et pouvant justifier l’augmentation du loyer entre le précédent locataire et le nouveau.

Citons également la possibilité offerte aux parties de convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer. L’article 6 (a) de la loi du 6 juillet 1989 permet une telle clause, laquelle doit prévoir la durée de cette imputation et, en cas de départ anticipé du locataire, les modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées. Toutefois, cette clause ne peut concerner que des logements répondant aux normes réglementaires de décence telles qu'elles ont été fixées par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002.

Dans ce cas, il ne s’agira pas d’augmentation de loyer, mais au contraire, d’une diminution du loyer pendant une durée déterminée.

Le sujet qui nous occupe aujourd’hui ne concerne pas ces situations, mais plutôt celle résultant des dispositions de l’article 17-1.

Le paragraphe I rappelle les conditions de révision du loyer, chaque année à la date convenue entre les parties ou à défaut, au terme de chaque année du contrat, la variation ne pouvant excéder à la hausse, la variation de l’indice IRL (indice de référence des loyers publié par l’INSEE).

Mais le paragraphe II de l’article 17-1 dispose que « lorsque les parties sont convenues, par une clause expresse, de travaux d’amélioration du logement que le bailleur fera exécuter, le contrat de location ou un avenant à ce contrat peut fixer la majoration du loyer consécutive à la réalisation de ces travaux. Cette majoration ne peut faire l’objet d’une action en diminution de loyer. »

L’accord des parties : la nécessité d’une clause écrite (« expresse ») 

Il résulte de ces dispositions que les parties peuvent convenir, lors de la signature du contrat de location, mais également pendant le cours du contrat, que le bailleur fera exécuter des travaux d’amélioration du logement. La demande de travaux peut émaner du locataire.

Nous sommes en matière contractuelle et par conséquent, l’accord des parties, bailleur et locataire, est exigé, au moyen d’une clause expresse, et donc écrite, ou par un avenant au bail.

La clause ou l’avenant, doit préciser les travaux qu’elle vise, mais également leur date d’exécution et la durée, ainsi que la majoration de loyer qui en résultera.

Quels travaux ?

Le texte vise les travaux d’amélioration du logement.

Selon la jurisprudence, les travaux d'amélioration sont entendus comme ceux apportant un équipement nouveau, un service ou une qualité supérieure au niveau des prestations existantes, ou apportant une qualité permettant de diminuer d'une façon certaine les dépenses d'entretien ou d'exploitation, ou apportant une plus grande sécurité pour les biens comme pour les personnes.

Une réponse ministérielle du 06 avril 1992 a repris cette définition, tout en rappelant qu’il appartenait au juge compétent, éventuellement saisi en cas de litige portant sur une contestation des travaux, de se prononcer souverainement sur la qualité de travaux d'amélioration : « Tant la diversité des immeubles bâtis que la nature des travaux qui peuvent y être réalisés, rendent particulièrement délicate l'élaboration d'une liste précise de ces travaux d'amélioration. » (Rép. min. n°51417 : JOAN, 6 avril 1992, p. 1623)

Il n’y a donc pas de liste de référence.

Il s'agit de tous les travaux non strictement indispensables ou obligatoires au regard de l'obligation de délivrance et d'entretien du bailleur prévue tant par le Code civil que par les dispositions de la loi du 6 juillet 1989, et qui ont pour objet de rendre l'immeuble meilleur, qu'il s'agisse des parties privatives ou communes.

Par conséquent, sont exclus les travaux qui relèvent de l’entretien courant, ou qui seraient des travaux de remise en état nécessaires suite à de la vétusté ou de l’usure normale. Il ne peut pas s’agir, non plus, de travaux relevant de la catégorie des grosses réparations incombant au bailleur, pour assurer le clos et le couvert, par exemple.

Au titre des améliorations, la jurisprudence, émanant essentiellement des cours d’appel, puisque la question relève de l’appréciation souveraine des juges, a pu retenir la pose de carrelage en remplacement d'une plaque de stratifié, la pose de menuiseries, la pose d'éléments de salle de bain, ou d’une hotte dans la cuisine.

Il a également été jugé que la pose de fenêtres à double vitrage ainsi que l’installation d’un chauffage électrique rayonnant dans l’appartement constituaient des travaux d’amélioration, en ce qu’ils constituaient des éléments d’équipement nouveaux d’une qualité supérieure. (CA DIJON – 13/02/2004).

A contrario, des travaux de réfection de peintures, de ponçage, de revêtement de sol, ne peuvent entrer dans la catégorie des travaux d’amélioration.

Si la pose d’éléments de salle de bains a pu être retenue comme constituant une amélioration, il en va différemment du simple remplacement des équipements, dès lors qu’il n’est pas démontré que les nouvelles installations ont apporté un meilleur confort ou des prestations complémentaires (CA PARIS 30/09/1994).

De même, n’ont pas été considéré comme des travaux d’amélioration, ceux ayant consisté à remplacer une chaudière au fuel par une chaudière au gaz dès lors que le bailleur ne démontrait pas, d'une part, que ces travaux ont été entrepris dans un autre but que de changer une installation devenue vétuste, ni, d'autre part, que les avantages du nouveau système de chauffage par le gaz ont directement et individuellement profité aux locataires, ni que les prestations ont été sensiblement améliorées (CA Paris 10/05/1994).

S’agissant des parties communes de l’immeuble, l’installation d’un digicode a été considérée comme une amélioration dès lors qu’elle apporte une plus grande sécurité de l’immeuble et de ses occupants (CA PARIS 06/05/1993).

Il en est de même d’un lecteur de carte magnétique d’accès au garage (CA PARIS 03/11/1992).

En revanche, les travaux de ravalement des murs, la réfection de la toiture et le changement des tapis de l'escalier, ou la réfection du dallage dans l’entrée de l’immeuble, ne constituent pas des travaux d’amélioration permettant d’augmenter le loyer (CA Paris 13/02/1996).

Quelle majoration de loyer et quand ?

Il s’agit tout d’abord d’une majoration définitive qui ne peut s’appliquer qu’une fois les travaux exécutés. Il n’est donc pas possible de prévoir une augmentation progressive du loyer pendant les travaux, au fur et à mesure de l’avancement de ceux-ci.

Le montant du nouveau loyer applicable une fois les travaux terminés, est fixé librement entre les parties. Le bailleur n’a donc pas à rechercher des références aux loyers pratiqués dans le voisinage ni à en justifier. Selon l’article 17(II) de la loi du 6 juillet 1989, la fixation du loyer des logements mis en location est libre.

Il n’y a donc aucune règle prédéfinie de calcul de la majoration. Le bailleur peut cependant se référer au montant global des travaux d’amélioration, limité, bien sûr à la quote-part afférente au logement loué. Mais encore faut-il qu’au moment où il signe le bail avec la clause expresse ou lors de la signature de l’avenant (en cours de bail, par exemple), le bailleur ait déjà établi un budget prévisionnel des travaux d’amélioration ou dispose de devis.

De même, la majoration du loyer après travaux d’amélioration doit être acceptable pour le locataire, de sorte que celle-ci doit rester raisonnable.

Que faire si la clause n’est pas respectée ?

Plusieurs cas de figure peuvent se présenter.

Tout d’abord, si le bailleur ne réalise pas les travaux convenus, contrairement à son engagement écrit, le supplément de loyer ne s’appliquera pas.

Si les travaux s’avèrent non conformes à ce qui a été expressément convenu, le locataire sera en droit de demander la résolution de la clause avec éventuellement des dommages et intérêts pour le préjudice subi (notamment le préjudice de jouissance pendant le temps des travaux).

Dans l’hypothèse où la non-réalisation des travaux n’est pas imputable au bailleur, la clause n’encourt pas pour autant l’annulation ou la résolution, et le locataire ne pourra pas solliciter de dommages-intérêts. L’exemple le plus courant est celui de travaux ne pouvant en réalité être décidés que par l’assemblée générale des copropriétaires, telle la création d’un ascenseur.

De même, le consentement du locataire à la signature du bail peut dépendre de la réalisation des travaux d’amélioration. Or, si le bailleur ne respecte pas son engagement contractuel, le locataire pourrait obtenir la résiliation du bail aux torts du bailleur, à condition, cependant, de rapporter la preuve de l’existence d’une condition déterminante lors de la signature.

L’exemple est celui de travaux destinés à rendre le logement adapté au locataire, personne à mobilité réduite, élément déterminant de son consentement, et que le bailleur n’exécute pas.

Du point de vue du locataire, bien évidemment, si ce dernier ne respecte pas la clause, soit en empêchant les entreprises d’intervenir, soit en ne payant pas la majoration de loyer une fois les travaux réalisés, il s’expose à une procédure en résiliation judiciaire du bail pour non-respect des engagements contractuels, ou à une procédure de résiliation de plein droit pour défaut de paiement.

Ce qu’il faut retenir

La liberté contractuelle est le principe. Dès lors, il est dans l’intérêt des parties de rédiger une clause (ou un avenant, si c’est en cours de bail) la plus précise possible, quant à la nature des travaux d’amélioration, la date de leur réalisation, la durée prévisible, et bien sûr, le montant de la majoration, en rappelant que cette majoration sera due lorsque la totalité des travaux sera réalisé (par exemple, le mois suivant la fin des travaux).

Me Frédérique Polle • Avocat

 

Source : 25 millions de propriétaires • N°décembre 2019


Abonnez-vous au magazine
25 Millions de Propriétaires

Pour :

  • Gérer au mieux votre patrimoine ;
  • Protéger vos intérêts privés ;  
  • Bénéficier de conseils pratiques