Jusqu’en 2002, le silence de la loi était à interpréter. Le bailleur pouvait demander les documents utiles. Mais côté propriétaire bailleur comme côté candidat locataire, ce flou était un risque de litiges. Les autorités ont fini par s’emparer du sujet en déterminant, en 2002, une liste de documents interdits, liste qui s’est allongée en 2007 puis en 2010 pour aboutir à une liste assez longue (17 documents) réduisant ainsi la liberté du propriétaire bailleur.
La loi ALUR de 2014 a marqué un vrai changement en inversant la règle, en posant le principe d’une liste dite positive de documents, un gain de simplicité même si cela est plus restrictif.
Ainsi l’article 22-2 de la loi du 6 juillet 1989 a été profondément remanié et énonce désormais : « La liste des pièces justificatives pouvant être exigées du candidat à la location ou de sa caution par le bailleur (...) est définie par décret en Conseil d'Etat...»
La liste exhaustive des pièces justificatives est donc issue d’un décret[1] de novembre 2015.
Pour que cela soit plus compréhensible et insusceptible d’interprétation, sans que cela conduise à des dossiers trop volumineux, quatre catégories de documents ont été fixées, avec pour chacune d’entre elles, un ou plusieurs documents que le bailleur choisit de demander au candidat locataire et à sa caution.
Ces listes sont longues, la fiche candidat locataire est le bon moyen de ne pas oublier de document et d’être sûr de ne pas demander un document non autorisé. Elle peut être composée d’une partie identification du candidat (nom, prénom, adresse, date de naissance, numéro de téléphone, mail, montant des revenus...) et d’une partie déterminant les pièces à remettre en fonction du statut notammment professionnel de chacun. Cette fiche peut également être complétée par la ou les cautions.
On ne cessera pas de le répéter, il ne faut jamais signer un contrat de location avant l’obtention de toutes les pièces justificatives, la fiche candidat trouve toute son importance ici.
Elle n’a aucun caractère obligatoire malgré tout, le candidat locataire n’est aucunement obligé de la remplir mais elle permet de cadrer efficacement la mise en location, l’organisation des visites sur présentation du dossier complet de candidat locataire. Renseignez-vous auprès de votre UNPI locale.
Il s’agit de savoir sous quel format les pièces justificatives doivent être remises au bailleur. Papier ou numérique ? L’article premier du décret de 2015 apporte la réponse :
« III. - Les pièces produites peuvent être des copies des documents originaux. Elles sont rédigées ou traduites en langue française et les montants inscrits convertis en euros. Les documents originaux doivent pouvoir être présentés à la demande du bailleur. »
La dématérialisation doit rester au stade de l’information. Les candidats locataires envoient très souvent leur dossier par courrier électronique pour un gain de temps, avec une résolution (qualité) plus ou moins élevée, voire des difficultés de lisibilité de certaines informations. Il faut exiger la remise de photocopies des documents d’une parfaite lisibilité ainsi que la présentation des originaux pour vérification.
Les pièces justificatives diffèrent peu et, pour des raisons pratiques évidentes, il faut être attentif au lieu de résidence de la caution. Il est quelque peu protégé par la loi.
L’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 précise que le bailleur ne peut pas refuser une caution de nationalité française ou étrangère domiciliée en France ou département, région, collectivités d’outre-mer. A contrario, il peut refuser une caution, de nationalité française ou étrangère, domiciliée à l’étranger.
Un garant domicilié à l’étranger pose des problèmes de droit et de coût. Comment vérifier la solvabilité si les documents étrangers, même traduit en français, sont de fond et de forme différents ? En cas d’impayé, comment poursuivre le garant à l’étranger ? Autant de questions auxquelles il semble difficile de répondre.
La loi ALUR a mis en place une amende administrative, inscrite à l’article 22-2 de la loi de 1989, à l’encontre du bailleur qui ne respecterait pas la liste exhaustive.
Cette amende est prononcée par le préfet, le montant ne peut être supérieur à 3 000 € pour une personne physique et à 15 000 € pour une personne morale et il est proportionné à la gravité des faits. Elle ne peut être prononcée plus d'un an à compter de la constatation des faits et est prononcée après que l'intéressé ait été informé de la possibilité de présenter ses observations dans un délai déterminé.
Il faut ajouter, par décret de 2019[3], que la procédure s’est enrichie de sécurité pour le bailleur avec des précisions sur la procédure d’information par le préfet et la possibilité de présenter ses observations. Un article 1-1 a ainsi été ajouté au décret de 2015, cette information mentionne les faits reprochés, le montant de l'amende envisagé et que le bailleur intéressé doit présenter ses observations dans le délai de deux mois.
A cela, une sanction civile peut s’ajouter si le candidat locataire engage une instance pour l’indemnisation de son préjudice. Il ne faut donc pas déroger à la liste compte tenu des sanctions.
L’article 1er de la loi du 6 juillet 1989 pose le principe du droit au logement et y intègre le principe de non-discrimination à l’alinéa 3 : « (...) Aucune personne ne peut se voir refuser la location d'un logement en raison de son origine, son patronyme, son apparence physique, son sexe, sa situation de famille, son état de santé, son handicap, ses mœurs, son orientation sexuelle, ses opinions politiques, ses activités syndicales ou son appartenance ou sa non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée (...). »
Lors de l’examen des pièces justificatives, le propriétaire bailleur ne doit pas rejeter un dossier au regard des qualités de la personne. Il doit se fonder sur des critères objectifs de solvabilité ayant trait à sa situation financière, aux garanties qu’il présente comme : le revenu, la situation professionnelle (CDI, CDD), la présence ou non d'une personne se portant caution, une garantie Visale, l’éligibilité à une GLI.
L’objectivité c’est aussi des règles identiques applicables à l’ensemble des candidats locataires. Le propriétaire bailleur ne doit donc pas se déterminer sur des aspects qui, mêmes logiques et raisonnables selon son analyse, pourraient entrer dans un cas de discrimination comme refuser de louer une maison de 70 m² avec 3 chambres à une famille avec 5 enfants[4], de louer un appartement au 3ème étage sans ascenseur à une personne âgée ou encore un appartement de 25m² à une personne avec deux labradors...
Dans les grandes villes plus particulièrement, où le marché locatif est le plus tendu, la non-discrimination peut être vérifiée par le « testing ». De faux candidats se présentent à la location des mêmes logements avec des profils différents de nationalité, de situation professionnelle et familiale pour vérifier les bonnes pratiques du bailleur. Elle peut être initiée par des associations. Cette pratique du testing est admise comme preuve devant les tribunaux.
L’auteur d’une discrimination à la location (propriétaire ou mandataire agence par exemple) encourt une peine pouvant aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende. Il s’agit d’un délit inscrit à l’article 225-2 du Code pénal.
Selon l’article 1er de la loi de 1989, le bailleur devra apporter la preuve de la non-discrimination à la location en cas de procédure lancée par un candidat locataire refusé.
Le candidat locataire pourrait aussi engager une procédure civile pour obtenir une indemnisation de son préjudice.
Que vous a apporté la fixation d’une liste positive des pièces justificatives pouvant être demandées aux candidats locataires ? Est-elle suffisante ?
La fixation de la liste effraie les propriétaires. Alors que les obligations pesant sur les bailleurs sont de plus en plus nombreuses et contraignantes (règles de conformité, performance énergétique, critères de décences, loyers encadrés…) le locataire lui voit ses obligations allégées notamment lorsqu’il se porte candidat pour la location d’un bien.
Louer son logement à un locataire sérieux revêt un caractère très aléatoire maintenant, pour un propriétaire. Il est compliqué pour un non-professionnel de le faire.Comment sensibilisez-vous vos équipes à la notion très sensible de la non-discrimination des candidats locataires ?
Notre cabinet applique depuis longtemps des règles de non-discrimination et n’a pas attendu les nouvelles dispositions. Nous appliquons en revanche, des règles strictes d’analyse du dossier basées sur des éléments factuels. Nous rappelons que le professionnel à l’obligation de vérifier la solvabilité du preneur.
Faites-vous face à des dossiers contenant des documents frauduleux et avez-vous recours à des dispositifs de vérification spécialisés ?
Oui, beaucoup de dossiers frauduleux émanant de locataires recherchant des biens à des loyers importants. Il est indispensable de vérifier tous les documents lorsque cela est possible. En effet, certains confrères et employeurs refusent de nous répondre, ce qui ne facilite pas les choses. Cela devrait être une obligation pour prétendre à louer un logement.
La liste des pièces justificatives se réduisant, cela donne moins de possibilité de vérification.
Pour finir, avez-vous quelques recommandations à donner à nos adhérents qui doivent choisir un locataire sur la base de l’examen de dossiers de candidats ?
- Vérifier le salaire et son adéquation avec le type d’appartement recherché
- Vérifier l’ensemble des documents : avis d’imposition, employeur, et règlement de l’ancien loyer
- Vérifier la stabilité du locataire (qu’il ne déménage pas tous les ans)
Il s’agit de détecter, dans la mesure du possible, les documents frauduleux. Face à l’impossibilité de s’assurer de l’authenticité de toutes les pièces justificatives, sauf à avoir recours à une société spécialisée et payante, un principe est à retenir : la cohérence des documents !
Il n’existe pas de système de vérification d’une pièce d’identité française ou étrangère, seuls des professionnels dont c’est le métier disposent d’une connaissance et des équipements nécessaires.
Cette preuve de paiement des loyers précédents ne contient aucune mention obligatoire du nom du bailleur ou de l’adresse du logement mais uniquement des sommes versées conformément à la lettre de l’article 21 de la loi de 1989. Le point noir des quittances est l’impossibilité de vérifier leur authenticité, même signées du bailleur, c’est invérifiable sans comparaison possible.
Le service de vérification des avis d'impôt sur le revenu en ligne est un service permettant de vérifier l'authenticité de l'avis ou du justificatif d'impôt sur le revenu présenté par un candidat locataire (www.impots.gouv.fr/secavis/).
Il faut saisir les deux identifiants personnels figurant sur l’avis d’imposition : le numéro fiscal et la référence de l’avis d'impôt.
Si ces références sont valides, l'adéquation des données permet de s'assurer de l'authenticité du document. Il peut y avoir une différence liée à une modification du document par le contribuable (déclaration rectificative par exemple). Il convient alors de lui demander un document plus récent.
Il s’agit de vérifier certaines mentions sur les trois derniers bulletins, il est impossible de demander celui de décembre qui fait le cumul s’il ne fait pas partie des trois derniers.
Relever la date et le salaire versé est insuffisant, il faut s’attarder sur :
Il reste possible de contacter l’employeur, il est libre de ne pas répondre à la sollicitation.
Depuis le 1er janvier 2017, les bulletins de paie peuvent être dématérialisés avec accord du salarié. Cette dématérialisation peut accroître le problème des documents falsifiés.
Le CEV, cachet électronique visible, est un système d’authentification du document papier ou numérisé. Il apparaît sous forme d’un QR code apposé sur le document dès sa production, les données peuvent alors être vérifiées en utilisant une application de lecture sur tablette ou smartphone. Il est non obligatoire et donc encore plutôt rare, on le trouve plutôt dans les grandes entreprises.
L’agent immobilier chargé de la mise en location doit vérifier les pièces avec un œil averti sans avoir celui d’un professionnel de l’authenticité de documents.
Une décision de la Cour d’appel de Grenoble est un bon exemple[5] : le professionnel n’avait pas vérifié la solvabilité et les justificatifs d’emploi qui étaient des faux visibles (pas de cachet de l’entreprise sur l’attestation d’emploi, identité de l’employeur incertaine, bulletins de salaire incomplets et absence de l’avis d’imposition sur le revenu). L’agent immobilier a été condamné à indemniser le propriétaire bailleur à hauteur d’environ 3000 €, le locataire étant parti en laissant une dette locative. Le lien entre la négligence du professionnel chargé de la location et le préjudice du bailleur était évident.
Si dans cette affaire le professionnel a été condamné, c’est que la situation frauduleuse était visible sur simple lecture des documents et vérification de l’existence de la société, soit par de simples recherches sur internet à la portée de tout professionnel gestionnaire.
Deux qualifications pénales sont possibles :
- le faux prévu à l’article 441-1 du Code pénal 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende : « Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques. (...) »
- l’escroquerie avec une sanction encourue plus lourde de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende. L’escroquerie est définie à l’article 313-1 du Code pénal comme « le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. »
Cette qualification a été retenue par la Cour d’appel de Paris en 2009[6], condamnant ainsi un locataire ayant fourni trois faux bulletins de paie et une fausse attestation employeur. Le bailleur a été trompé, il croyait louer à une personne présentant des garanties suffisantes d’emploi.
Quelles pièces justificatives sont indispensables pour répondre à toute situation de difficultés avec le locataire ?
D’un point de vue judiciaire, plus le propriétaire bailleur peut recueillir de pièces, plus les situations de difficultés pourront être évitées ou résolues. Partant de ce postulat, chaque document est par essence indispensable : une pièce d’identité avec l’état civil complet, ou un extrait Kbis, est indispensable à tout huissier de justice pour l’exécution des décisions de justice obtenues contre le locataire ou la caution ; le contrat de travail et les bulletins de salaire permettent la saisie des rémunérations ; les avis d’impositions déterminent l’assiette du ménage et le cas échéant le nombre d’enfants à charges, etc…
Le propriétaire bailleur qui loue à un étudiant étranger avec un titre de séjour en cours de validité au moment de l’examen de son dossier, mais qui ne serait pas renouvelé par la suite, s’expose-t-il à une sanction judiciaire ?La sanction serait, si le bailleur a connaissance de l’expiration du titre de séjour mais ne réagit pas, une sanction pénale.
L’article L. 622-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit en effet des sanctions pénales à l’encontre de toute personne qui aurait facilité le séjour irrégulier d’un étranger en France. Ce texte a déjà été appliqué à l’encontre de propriétaires privés, mais visent surtout à inquiéter les marchands de sommeil (Cass. crim. 13 novembre 2018, n°18-80027).
A noter, en cas de souscription d’un contrat d’assurance garantie loyers impayés, que certaines compagnies demandent un titre de séjour avec une durée de validité d’au moins 6 mois à la signature du bail.
Quels conseils donneriez-vous à un adhérent afin qu’il ne s’expose pas à être accusé de discrimination à la location ?
Aux termes des dispositions de l’article 1er de la loi du 6 juillet 1989, aucune personne ne peut se voir refuser la location d’un logement pour un motif discriminatoire défini à l’article 225-1 du code pénal.
En pratique, les cas en jurisprudence sont rares, peu de locataires agissant en justice contre le propriétaire bailleur en cas de refus de prise de location. Néanmoins, et pour éviter l’accusation de pratiques discriminatoires, le refus doit naturellement être motivé par des considérations non visées aux dispositions de cet article.
Par exemple, il a déjà pu être jugé que la preuve du caractère discriminatoire du refus ne pouvait être déduite de la seule analyse financière du dossier (Trib. Corr. Saint-Etienne, 3 avril 2008). De même, n’est pas discriminatoire le fait de refuser une location au motif, débattu en justice, de la constitution de suretés de nature à garantir le paiement des loyers par un locataire non ressortissant de l’Union européenne (Cass. 3e civ, 19 mars 2003, n°01-03730).
Face à des pièces justificatives frauduleuses, le bailleur devra-t-il prouver un préjudice : impayé de loyers, de réparations locatives ; pour obtenir la résiliation du bail ?
Conformément aux dispositions générales de l’article 1741 du Code civil, et des dispositions spéciales des articles 7 et 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, seul le défaut du preneur de remplir ses engagements permet la résiliation du contrat. En elle-même la fourniture de pièces frauduleuses, en l’absence de préjudice (impayé de loyers, dégradations, absence d’assurance), ne paraît donc pas être un motif suffisant de résiliation par devant un juge.
Il pourrait toutefois être allégué l’existence d’un dol ayant vicié le consentement du bailleur ; néanmoins ce dol, pour entraîner la nullité du contrat de location au visa des dispositions de l’article 1137 du code civil, nécessite la démonstration de l’intention dolosive du locataire… et surtout le succès par devant le juge.
[1] Décret n°2015-1437 du 5 novembre 2015
[2] La référence à la mention de la signature sur la pièce d’identité a été supprimée par décret n°2019-1019 du 3 octobre 2019, la signature n’étant pas présente sur les pièces d’identité de certains pays
[3] Décret n° 2019-437 du 13 mai 2019 relatif aux modalités d'application de la mise en demeure en cas de non-respect du dispositif expérimental d'encadrement du niveau des loyers et au recouvrement des amendes administratives dans le cadre des rapports locatifs
[4] Minimum pour occupation normale : 9 m2 pour une personne seule, 16 m2 pour un couple et 9 m2 par personne supplémentaire
[5] CA Grenoble, 1re ch., 2 avril 2019, n°17/03028
[6] CA Paris, 9ème ch. Correctionnelle B, 11 mars 2009
Céline Capayrou
Source : 25 millions de propriétaires • N°décembre 2019
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