La location à un mineur : mode d’emploi

La vie d’un bailleur n’est pas un long fleuve tranquille. La mise en location d’un bien à usage d’habitation, parfaitement encadrée par la loi du 6 juillet 1989, peut néanmoins l’exposer à des situations inédites. Ainsi en est-il lorsque son candidat locataire est encore mineur. Détails.

La situation est parfaitement envisageable, à la faveur d’un contrat d’apprentissage, d’un stage en alternance,  ou encore du fait des affectations géographiques parfois « surprenantes » issues de l’algorithme de « Parcours Sup », éloignant les futurs étudiants encore mineurs du lieu de résidence de leurs parents.

Qu’il s’agisse d’un contrat de bail d’habitation de trois ans ou d’un logement meublé ou encore d’un « bail mobilité », les règles seront les mêmes dès lors que la question de la minorité du locataire est posée.

En effet, quatre conditions sont requises pour la validité d’une convention (tel un contrat de bail) : le consentement de la partie qui s’oblige, sa capacité de contracter, un contenu licite et certain.

L’article 1146 du Code civil précise que sont incapables de contracter, dans la mesure définie par la loi, les mineurs non émancipés et les majeurs protégés au sens de l’article 425 du code civil.

Qu’entend-on par « mineur » ?

L’article 388 du Code civil définit le mineur comme « l’individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de 18 ans accomplis. »

A noter que cet article prévoit les modalités de détermination de l’âge de l’enfant en cas de doute et en l’absence de documents d’identité valables (examens radiologiques, osseux…).

Compte tenu des conséquences de la minorité du contractant sur la validité de l’acte, le bailleur prendra soin de solliciter la copie d’une carte d’identité en cours de validité, afin de lever tout doute sur l’âge du locataire.

Le code civil opère une distinction selon l’âge du mineur ; ainsi le mineur capable de discernement peut être entendu par un juge dans toute procédure le concernant, seul ou assisté.

De même, le mineur âgé de 16 ans révolus peut être autorisé, par son administrateur légal, à accomplir seul certains actes (actes d’administration nécessaires à la création et à la gestion d’une entreprise individuelle à responsabilité limitée ou d’une société unipersonnelle), à la condition qu’un acte sous seing privé ou notarié soit établi et énonce expressément la liste des actes d’administration pouvant être accomplis par le mineur.

Si le mineur dispose de biens, à partir de 16 ans révolus, ses parents n'ont plus la jouissance légale de ses biens, mais continuent à les administrer.

Le mineur émancipé :

L'émancipation est l'acte par lequel un mineur est juridiquement assimilé à un majeur et peut normalement accomplir seul les actes nécessitant la majorité légale.

L'émancipation résulte d’une décision du juge des tutelles (fonction exercée par le juge aux affaires familiales) à la demande de son ou ses parents, ou du conseil de famille en cas de tutelle du mineur.

Le mineur doit avoir 16 ans révolus, mais il est émancipé automatiquement par le mariage, quel que soit son âge.

Le mineur émancipé est capable, comme un majeur, de tous les actes de la vie civile et ainsi, il peut conclure un contrat de travail, signer une vente, contracter un crédit...

Il cesse d'être sous l'autorité de ses parents, qui ne sont plus responsables des dommages qu'il pourrait causer. Le mineur émancipé peut ainsi choisir le lieu où il va habiter, ses fréquentations et loisirs, son orientation professionnelle...

Mais ses parents restent soumis à l'obligation de contribuer à l'entretien et à l'éducation de leur enfant, même émancipé.

Par conséquent, le mineur émancipé peut contracter seul un bail d’habitation.

Le bailleur prendra soin de vérifier l’existence de la décision d’émancipation, pour éviter une remise en cause de la validité du contrat de bail. En effet, l’émancipation n’apparait pas sur les registres d’état civil.

Qui représente le mineur (non émancipé) ?

En vertu de l’article 388-1-1 du code civil, l’administrateur légal représente le mineur dans tous les actes de la vie civile, sauf les cas dans lesquels la loi ou l’usage autorise les mineurs à agir eux-mêmes.

Il s’agit d’un pouvoir général de représentation du mineur, et à ce titre, l’administrateur légal prend les décisions relatives à la personne de l’enfant.

Tout parent exerçant l’autorité parentale est administrateur légal de son enfant (article 382 du code civil).

Dans certains cas, lorsque les deux parents sont décédés ou si l’autorité parentale leur a été retirée, l’administration légale est remplacée par une tutelle (article 391 du code civil).

C’est alors le tuteur qui représente le mineur.

Les conséquences sur la conclusion d’un bail

Pour conclure un bail, il faut avoir la capacité juridique de contracter. La question ne se pose donc pas pour le locataire majeur ou le mineur émancipé.

Le mineur non émancipé n’ayant pas la capacité juridique de contracter, le bail doit être signé par l’administrateur légal, donc soit par le ou les parents titulaires de l’autorité parentale, soit par le tuteur si les parents sont décédés ou déchus de l’autorité parentale.

Ainsi, dans la rubrique du bail intitulée « le locataire », il conviendra de libeller le bail au nom de l’enfant X… (Nom, prénom, date de naissance) « mineur, représenté par Mr et/ou Mme X…(noms, prénoms, adresse), père et/ou mère, ou tuteur ».

Le bail devra impérativement être co-signé par les parents du mineur (ou le tuteur, le cas échéant).

A défaut, le contrat encourt la nullité, sans possibilité de régularisation.

Dans un arrêt du 11 février 2014 (n°13/14640), la Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE a ainsi annulé un bail d’habitation consenti à une mineure, de même que les cautionnements signés par ses parents. 

La Cour a relevé que la circonstance que les parents aient paraphé le bail et signé la dernière page sous la mention réservée au locataire ne peut être interprétée comme un engagement des parents en qualité de représentants légaux de leur fille puisque cette qualité n’est pas mentionnée dans les conditions particulières du contrat qui ne visent en qualité de locataire que la mineure.

La Cour d’Appel de COLMAR, le 11 avril 2007 (RG 06/01093), a jugé que le preneur mineur de 17 ans au moment de la conclusion du bail était incapable de s’engager de sorte que le contrat de location était nul et qu’en outre, la seule survenance de la majorité de la locataire ne l’empêchait pas d’agir en nullité dès lors qu’elle conservait un intérêt à soulever la nullité du contrat pour s’opposer à la demande de paiement du loyer formée par le bailleur.

En effet, seul le mineur peut invoquer la nullité du contrat.

Le bailleur « capable » ne peut pas opposer l’incapacité de ceux avec qui il a contracté ; ainsi, le bailleur ne peut pas invoquer la nullité ou la fraude s’il a signé un contrat de location avec un mineur non émancipé et par ce moyen, mettre un terme au contrat et récupérer son logement, sans respecter le préavis ou les procédures légales.

Ensuite, si le bail doit être co-signé par l’administrateur (ou représentant) légal du mineur, il en est de même de toutes les annexes désormais exigées par le contrat de location type, ainsi que de l’état des lieux.

Enfin, le congé doit être délivré au représentant légal du mineur non émancipé, à peine de nullité ; il en est de même de la procédure judiciaire de résiliation, laquelle, avec le commandement,  doit être dirigée contre ce même représentant légal, à peine de nullité des actes de procédure. Si le mineur devient majeur en cours de procédure, il apparait nécessaire de l’appeler en cause pour que le jugement lui soit opposable.

Quelles aides pour le locataire mineur ?

Le principe est qu’il n’y a pas de limite d’âge ou d’âge minimum pour percevoir une aide au logement. Un enfant mineur émancipé qui possède un bail à son nom peut percevoir une aide au logement.

Il en est de même d’un enfant mineur non émancipé, mais dans ce cas, le bail doit être co-signé par ses parents. Il résulte du peu de jurisprudence disponible sur cette question, que la capacité du contractant est vérifiée, notamment en présence d’un mineur.

Ainsi qu’il a été indiqué plus haut, il est conseillé de libeller le bail au nom de l’enfant X, « mineur, représenté par Mr et/ou Mme X… , père /mère/tuteur »… le bail devant être co-signé par ses parents.

Le mineur peut non seulement faire une simulation de l’aide au logement à laquelle il pourrait prétendre, mais également former une demande, et dans ce cas, il deviendra allocataire avec un dossier ouvert à son nom.

La demande est à remplir comme celle qu’un étudiant majeur, même rattaché au foyer fiscal de ses parents, peut effectuer, les renseignements demandés étant les mêmes.

Dès lors que le bail est au nom du mineur, représenté par ses parents, représentants légaux, le bailleur peut établir les quittances au nom du mineur.

Le mineur sera allocataire de la CAF et l’allocation logement sera versée soit entre les mains du bailleur (si la demande est faite) soit sur le compte bancaire renseigné par le mineur.

Rappelons qu’à partir de 16 ans, un mineur peut, dans la plupart des banques et avec l'autorisation de ses parents, ouvrir un compte bancaire avec une carte bancaire et un chéquier qui lui sont associés. Il peut disposer librement des sommes inscrites sur ce compte et retirer seul les sommes figurant sur son livret A ou livret jeune, sauf opposition explicite de la part de ses parents ou tuteur. Dans tous les cas, les parents ont la responsabilité des fonds et des mouvements sur les comptes et sont responsables des dettes de leur enfant mineur.

Si le bail est au nom des parents, et non de l’enfant mineur, quand bien même ce dernier serait seul à occuper le logement, l’aide sera calculée sur les revenus annuels des parents et non sur ceux de l’enfant locataire, puisque par définition, il est rattaché au foyer fiscal de ses parents et que le bail est au nom des parents.

Le mineur devenu majeur en cours de bail 

Selon l’article 414 du code civil, la majorité est fixée à dix-huit ans accomplis ; à cet âge, chacun est capable d’exercer les droits dont il a la jouissance.

C’est donc à 18 ans que cesse l'autorité parentale sur les enfants. Dans la pratique, cela signifie que le majeur de 18 ans n'a plus besoin, en aucune circonstance, de l'autorisation de ses parents. Il peut donc librement choisir son domicile, ses études, sa profession. Il peut librement se marier, acheter et vendre, faire une donation ou un testament, devenir commerçant, contracter des dettes.

Si le locataire mineur, occupant d’un logement dont le bail a été signé par ses parents, représentants légaux, devient majeur en cours de bail, cette majorité n’a pas pour effet de mettre un terme au bail, dès lors que le locataire est toujours présent dans les lieux.

Le bail se poursuit au profit du locataire devenu majeur, sans qu’il soit nécessaire d’établir un avenant.

Les conséquences de la majorité sur le bail conclu initialement au profit d’un locataire mineur se situent en matière de responsabilité civile, puisque la présomption de responsabilité des parents cesse automatiquement par l’effet de la majorité.

Le locataire devenu majeur sera seul et unique responsable des dégradations commises dans le logement, ou des manquements à l’obligation de jouissance paisible, sans que la responsabilité du représentant légal ne puisse être recherchée par le bailleur.

De même, le locataire devenu majeur devient seul et unique redevable du paiement du loyer et des charges, sans que le bailleur puisse se retourner contre ses parents, sauf, bien sûr si ces derniers se sont portés caution lors de la signature du bail.

Dans la plupart des cas cependant, ce seront les parents qui continueront à régler le loyer, dès lors que l’obligation de contribuer à l’entretien et à l’éducation des enfants, assumée par les parents, ne cesse pas de plein droit lorsque l’enfant est majeur, notamment s’il poursuit ses études et qu’il n’est pas autonome financièrement (article 371-2 du code civil).

Pour autant, en cas d’impayés de loyers, la procédure devra être dirigée contre le locataire devenu majeur ; si la dette de loyer est composée pour partie, de loyers dus lorsque le locataire était encore mineur, il est prudent de mettre en cause le représentant légal.

Le bailleur a donc tout intérêt à demander au représentant légal du mineur locataire, de se porter également caution des engagements du locataire (dans le respect du formalisme de l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989).

Ce qu’il faut retenir

La location à un mineur non émancipé est possible et valable, à la condition que le bail soit établi au nom du mineur, représenté par ses parents ou tuteur, et surtout, co-signé par le représentant légal (parent ou tuteur) du mineur, ce dernier étant désigné comme occupant les lieux. Il convient donc d’être attentif au libellé du bail s’agissant de l’état civil du locataire. Selon le même principe, toutes les annexes au bail, ainsi que l’état des lieux d’entrée et de sortie (sauf si le mineur est devenu majeur à la sortie du bail) doivent être co-signés par le représentant légal. Enfin, seul le mineur (représenté) peut invoquer la nullité du contrat et non le bailleur.

Me Frédérique Polle avocat à Agen

Source : 25 millions de propriétaires • N°février 2019


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