Les contrats de location immobilière font l’objet d’un socle législatif commun inscrit dans le Code civil. En raison de la nature de la location, certains dépendent d’un régime plus spécifique, parfois marqué d’ordre public.
Cela constitue autant de règles de congé particulières détaillées dans cet article.
Le congé, acte unilatéral qui met fin au bail par la seule manifestation de volonté de celui qui l’a délivré régulièrement, est intimement lié au temps et marqué par le formalisme.
Les réponses à ces questions pratiques vous sont données « sous réserve de l’interprétation souveraine des juges ».
S’agissant d’un bail verbal, vous pouvez exiger à tout moment l’établissement d’un contrat conforme à la loi pour lequel il faudra donc convenir avec le locataire d’une date de prise d’effet du bail après recherche, par tous moyens, d’une preuve attestant du début de la location : assurance, encaissement des loyers, état des lieux, versement du dépôt de garantie, déclarations d’impôts, déclaration à la Caisse d’allocation familiale, révision du loyer, archive de la copropriété attestant de la demande d’inscription du nom sur la boite aux lettres ou l’interphone...
Faute de preuve et si le locataire refuse la date proposée, afin d’éviter une procédure dont l’issue est incertaine, il sera plus judicieux de lui proposer l’échéance maximale soit la durée du bail, 3 ans s’il s’agit d’une location vide ou 1 an dans l’hypothèse d’une location meublée, à compter du jour de la mise en conformité par la signature d’un contrat type écrit.
La durée du contrat est d’ordre public, vous n’avez aucune obligation d’y renoncer avant l’échéance, soit à l’expiration d’une période triennale (art. L 145-4 al.2 du Code de commerce). La faculté de résiliation triennale légale du preneur étant dépassée et la prochaine étant à une échéance de deux ans, la résiliation anticipée du contrat impose à celui qui la souhaite, votre locataire, de recueillir l’accord de son cocontractant, vous.
Si vous acceptez la résiliation anticipée, vous devez convenir de dispositions particulières dérogeant à l’ordre public du Code de commerce. La résiliation devra faire l’objet d’une convention écrite précisant que le bailleur renonce à se prévaloir de l’article L 145-4 du Code de commerce.
Cette situation est peut être préférable si le locataire a des difficultés financières et si le paiement des loyers commence à s’avérer difficile, voire trop ponctuel pour être à jour.
Si vous acceptez qu’il reste, il faudra acter sur papier une convention d’annulation de ce congé du locataire, signé par les deux parties. Si vous souhaitez son départ, le congé donné régulièrement ne peut être rétracté sans votre consentement. Vous devez refuser sa rétractation par lettre recommandée avec AR et proposer à ce locataire la fixation d’une date pour l’état des lieux de sortie.
Si malgré votre bonne foi, le locataire s’y refuse, vous devez mandater un huissier de justice qui convoquera les deux parties pour un constat.
Si le locataire se maintient dans les lieux au-delà du terme du préavis, il est redevable, outre des charges, d’une indemnité d’occupation journalière. L’huissier ayant constaté l’occupation des lieux, vous pourrez demander en justice l’expulsion de cet occupant sans droit ni titre.
Dans l’attente de la résolution de la situation, ne vous engagez pas dans un nouveau contrat de location, même avec une date d’effet éloignée de la signature du contrat.
Le premier congé, donné régulièrement, est valable. Néanmoins, en s’appuyant sur une jurisprudence[1] qui avait jugé, pour un bénéficiaire de RMI, « que le fait que le locataire ne s'en soit pas prévalu dans son congé ne le privait pas du droit de bénéficier du délai de préavis réduit que lui reconnaissait la loi d'ordre public », et pour éviter une fin de contrat difficile et notamment le risque d’impayés de loyer sur les deux derniers mois, il est préférable d’accepter le second congé annulant le précédent et de récupérer le logement, dans un délai plus court mais sans impayés.
Précision supplémentaire importante, le point de départ du délai de préavis est celui de la réception de la seconde lettre de congé.
Les colocataires peuvent donner congé indépendamment l’un de l’autre. Les cotitulaires, couples mariés ou pacsés, doivent donner congé en même temps.
Cela étant précisé, l’article 8-1 de la loi de 1989, n’exclut les couples mariés ou pacsés de la colocation qu’au « moment de la conclusion initiale du contrat ». Cette rédaction du texte laisse à penser que les colocataires mariés en cours de bail et qui n’ont pas informé le bailleur de leur nouvelle situation familiale, restent sous le régime de la colocation et peuvent ainsi donner congé individuellement.
Si les colocataires vous avaient notifié leur mariage, une interprétation différente pourrait aboutir à retenir le statut de la cotitularité, les locataires ayant fait la démarche positive en ce sens.
Suivant votre contrat, le préavis est de 6 mois en vide ou de 3 mois en meublé.
Les articles 15, pour la location vide, et 25-8, pour la location meublée, de la loi de 1989 comportent des termes identiques : « Ce délai court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée ou de la signification de l'acte d'huissier ou de la remise en main propre. »
Deux arrêts de la Cour de cassation de 2002[2] et de 2005[3], traitant de la même affaire, permettent d’illustrer ce propos : bail de 3 ans à compter du 01/10/1994, lettre de congé avec préavis de 6 mois postée le 20/03/1997, lettre présentée le 25/03/1997, retrait de la lettre par le destinataire le 03/04/1997. Pour la première Cour d’appel, la date à prendre en considération pour l'appréciation du respect du délai de préavis est celle de l'expédition et non celle de la réception de la lettre.
La Cour de cassation censure cette décision : « la date à prendre en compte pour la délivrance d'un congé à l'autre partie au bail est celle de la remise de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception à son destinataire ».
Cette position est conforme à la lettre de l’article 669 du Code de procédure civile :
« (...) La date de réception d'une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception est celle qui est apposée par l'administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire. »
Dans le second arrêt après renvoi devant une Cour d’appel ayant confirmé que le délai pour donner congé était dépassé, la Cour de cassation valide cette fois la position des juges d’appel « la date de réception d'une notification faite par voie postale était celle qui était apposée par l'Administration des Postes lors de la remise de l'envoi à son destinataire ».
En résumé, si la lettre recommandée n'a pas été remise au locataire absent et vous a été renvoyée, la notification n'est pas valable. Par contre si la lettre lui parvient en retard ou lui est remise en retard, la date de notification est repoussée d'autant. Pour cette raison, et afin de ne pas laisser passer le délai, il est préférable d’anticiper suffisamment ou de faire notifier le congé par huissier de justice.
Céline Capayrou
[1] Cour de cassation, 3ème civ., 30 juin 2010, n° 09-16244
[2] Cour de cassation, 3ème civ., 29 janvier 2002, n° 00-18094
[3] Cour de cassation, 3ème civ., 2 février 2005, n° 04-10219
Source : 25 millions de propriétaires • N°septembre 2018
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