Comment sécuriser et développer le conventionnement ANAH, pour une offre locative intermédiaire ?

ANAH loyer - UNPI

Sous réserve de modification législative, réglementaire ou jurisprudentielle.


Selon le guide du conventionnement de l’ANAH, celui-ci est défini comme « la conclusion d’une convention entre l’Agence nationale de l’habitat et un bailleur réalisant ou non des travaux subventionnés pour son logement. Nous pourrions ajouter qu’en contrepartie d’un loyer plus faible s’adressant à des publics à revenus plafonnés, un abattement fiscal pour le propriétaire sur ses revenus fonciers est appliqué. L’objectif est de créer une offre locative meilleur marché, en s’adressant à des publics ayant de plus faibles ressources, et pour laquelle le propriétaire bailleur peut trouver son équilibre financier.

Cependant, conventionner un logement en respectant les règles est aujourd’hui trop complexe, ce qui explique en partie les faibles chiffres du conventionnement communiqués par l’ANAH : 7865 logements à loyer maîtrisé en 2015 (avec ou sans travaux). Ce chiffre est en baisse chaque année et les objectifs annuels ne sont pas remplis.

Causes de cette faible attractivité : une grande complexité, une faible lisibilité, et une mauvaise information du bailleur à deux niveaux :

  • L’existence même du conventionnement (malgré tous les efforts d’organismes tels que l’UNPI, SOLIHA ou les ADIL, pour mettre en avant ces dispositifs) ;
  • et la mise en place concrète de celui-ci.
Le projet de loi ELAN, en cours de discussion à l’Assemblée nationale et au Sénat, se donne pour objectif de développer l’offre de logements intermédiaires (Titre II, chap. 3). Le sujet du conventionnement des logements privés du parc existant n’y est pourtant pas évoqué.

Par exemple, un dispositif spécifique de conventionnement pourrait être créé en IDF afin de trouver les bons leviers de mobilisation du parc privé pour le logement intermédiaire, en remplacement du système d’encadrement des loyers non pertinent. Pour mobiliser le parc privé, les bailleurs doivent trouver un juste retour sur investissement afin de les inciter à la fois à investir (flux), mais aussi à remettre des biens qui sont hors du marché ou dans l’offre locative libre (stock). Un véritable choc d’offre doit impérativement s’inscrire dans le développement d’une offre locative adaptée aux classes moyennes, notamment à Paris et sa petite couronne.

Un certain nombre d’évolutions peuvent être proposées pour améliorer la procédure même de conventionnement : au niveau de la transparence, de la fluidité et de la sécurisation juridique de celui-ci. Cela serait possible au travers du développement d’un applicatif consultable directement en ligne, avec soutien téléphonique et dans les délégations ANAH locales. Enfin, il est impératif de revoir la sortie du conventionnement et l’établissement du nouveau loyer en fin de bail.

  1. TRANSPARENCE : le propriétaire bailleur doit être mieux informé

Le montant des loyers plafonds doit être plus transparent car il existe aujourd’hui une double information contradictoire :

  • Une au niveau national, disponible en ligne sur le BoFiP[1]  ou sur le site internet de l’ANAH[2]. Mais ces chiffres ne sont pas disponibles dès le 1er janvier de chaque année, si bien que pour l’année 2018 les plafonds nationaux de loyers et de revenus les candidats locataires n’ont été publiés qu’à la mi-juin.
  • Une seconde au niveau local, non publiée en ligne et disponible dans la délégation ANAH sont disponibles dans un second temps (ceci serait justifié par le temps de l’étude réalisée localement, notamment).

Il faut alors contacter la délégation locale pour connaitre ces montants de loyers plafonds qui sont revus et corrigés par celle-ci. Il n’y a pas de site internet pour les ANAH locales, les informations sont disponibles selon les territoires, souvent sur rendez-vous.

Alors, quid des baux signés entre le 1er janvier et la mise à disposition nationale et locale de l’information ? De même, le décret publié par la Ministre du logement pour le dispositif « louer solidaire » a été publié le 5 mai 2017 alors que le précédent dispositif « Borloo ancien » avait été prolongé uniquement jusqu’au 31 janvier de la même année.

Le propriétaire bailleur prend alors un risque très important en signant son bail avant d’avoir obtenu le conventionnement, et appliquant par exemple un montant de loyer de l’année 2016 pour un bail signé en 2017, dont les montants des loyers n’ont pas encore été communiqués. Il risque ainsi de ne pas respecter les plafonds de loyers décidés par les délégations locales de l’ANAH, ou même appliquer les plafonds de loyers communiqués par l’ANAH nationale pour l’année en cours.

  1. FLUIDITE : le propriétaire et le locataire doivent pouvoir signer dans un délai raisonnable

Le contexte général impose la puissance du numérique qui accélère considérablement les relations contractuelles et impose l’exigence d’immédiateté. La signature d’un bail et le conventionnement ANAH doivent impérativement prendre en compte cet impératif pour être attractifs.

Lors d’un conventionnement, il n’est pas assez tenu compte de la pratique quotidienne de l’activité de bailleur. Lorsqu’un locataire se présente, il souhaite signer rapidement afin d’entrer rapidement dans les lieux et sécuriser sa situation personnelle, surtout en zones tendues. Il en va de même pour le bailleur qui a trouvé un locataire pour son bien.

Or, c’est précisément en zone très tendue comme en région parisienne qu’il y a une forte nécessité de développer une offre locative à loyers maîtrisés. Ainsi, plusieurs points doivent être améliorés :

  • La convention avec l’ANAH doit être validée très rapidement avant la signature du bail pour sécuriser le propriétaire et le locataire (48h maximum) ;
  • S’il peut en théorie signer le bail avant la convention, le propriétaire prend un risque très important. Car après avoir signé le bail, la convention peut lui être refusée : montant du loyer plafond « local » non respecté, plafond de revenus du locataire non conforme, entrave locale au loyer intermédiaire au profit du social/très social, manque d’implication de l’agence et la collectivité locale, etc.
  1. Développer une plateforme en ligne pour le bailleur et le locataire

Le développement d’une application/plateforme en ligne qui permettrait de calculer le montant du loyer plafond de manière fiable est indispensable et doit être :

  • en ligne sur le site national de l’ANAH en tenant compte des disparités locales;
  • mise à jour au 1er janvier de chaque année pour l’année entière ;
  • avec une information unique pour le bailleur en fonction de la localité du bien.

De plus, les éléments justificatifs du bailleur et du locataire (ressources) doivent pouvoir y être téléchargés, et que le certificat de conventionnement récapitulant l’ensemble des données soit délivré dans les 48H en ligne (ou par la poste au choix).

Il est par ailleurs possible d’imaginer que le locataire puisse constituer son dossier lui-même en ligne et de le présenter complet au bailleur lors de la visite du bien.

Par ailleurs, une meilleure promotion d’une politique de conventionnement à loyer intermédiaire pourrait répondre aux difficultés de gentrification et la fuite des familles de classes moyennes dans les zones très tendues comme à Paris. Celle-ci s’inscrirait dans le temps pour le développement d’une offre locative maitrisée durable. La location conventionnée sociale et très sociale doit être traitée séparément compte tenu des enjeux différents qu’ils recouvrent. Précisons aussi que le cas de Paris et sa région posent des problématiques spécifiques qui ne doivent pas entraver les marchés immobiliers des autres territoires. Le cas de l’encadrement des loyers, dont la pertinence n’est pas démontrée, l’est encore moins en province. 

Exemple de conventionnement à Paris :

  • Loyer intermédiaire conventionné ANAH : 16,96 € /m² en zone Abis (Paris et 1ère couronne) pour 2018[3] 

  • Loyer de marché moyen en février 2018 :  25,4 € / m² pour Paris[4]

C’est une offre locative 33 % moins chère, réservée aux classes moyennes dont les ressources sont plafonnées.

  1. La sortie du conventionnement : un frein à l’entrée du dispositif

Enfin, si l’entrée en conventionnement rend le dispositif peu attractif, la sortie de celui-ci pose problème pour le bailleur dès lors qu’il envisage de conventionner un logement.

En effet, à la sortie d’un conventionnement concomitante au terme du bail, le bailleur n’est pas libre de pratiquer le loyer qu’il souhaite immédiatement, aux conditions du marché. Il doit effectuer une augmentation progressive par tiers sur 3 ans, ou par sixième sur 6 ans. Le tout en s’appuyant sur de nombreuses références de loyers voisins. Ce processus est très peu lisible et extrêmement complexe dans le cadre d’un conventionnement.

Cf. Guide du conventionnement ANAH :

« L’offre doit être notifiée par lettre recommandée avec avis de réception au moins 6 mois avant le terme du bail. Elle doit comporter des références de loyers : 6 références minimum dans les communes faisant partie d’une agglomération de plus d’un million d’habitants ; 3 références dans les autres zones géographiques. Au moins deux tiers de ces références doivent correspondre à des locations pour lesquelles il n’y a pas eu de changement de locataire depuis 3 ans.

-  Lorsque la hausse résultant du nouveau loyer est inférieure ou égale à 10 % de l’ancien loyer : l’augmentation est étalée par tiers sur 3 ans, si le bailleur est un particulier ; ou par sixième sur 6 ans, si le bailleur est une personne morale. Cette hausse s’entend hors révision annuelle liée à la variation de l’indice de référence des loyers.

-  Lorsque la hausse résultant du nouveau loyer est supérieure à 10 % de l’ancien loyer : elle doit être, dans tous les cas, étalée par sixième sur 6 ans. L’étalement par sixième s’applique même si le bail est renouvelé pour une durée inférieure à 6 ans, par exemple pour 3 ans. Dans ce cas, l’augmentation continue à s’étaler lors du renouvellement suivant ».

A cette lecture, le bailleur ne peut être rassuré, voire se sentir piégé en entrant dans un tel dispositif.

Dans l’exemple parisien (cf. supra), le bailleur se retrouve contraint de pratiquer un loyer 33% en dessous du marché avec une progressivité pendant 6 ans sans conserver parallèlement tout ou partie de son avantage fiscal. 

Ainsi, il s’agirait de prévoir :

  • La fin du conventionnement doit être systématiquement concomitantes au terme du bail (au-delà d’une période minimale à définir) ;
  • Le loyer pratiqué en sortie du conventionnement doit être libre ;
  • Que les logements conventionnés n’entrent pas dans le champ d’application de l’IFI au même titre que le parc HLM.

Le bailleur sera alors sécurisé aussi pour la sortie du conventionnement qu’il a souscrit.

Il n’est pas acceptable qu’en l’absence de contreparties fiscales, le bailleur ne puisse pas pratiquer des loyers libres. Il en va de l’équilibre financier de l’investissement réalisé. Il s’agit aussi de justice et d’équité.

Une autre solution consisterait à appliquer une dégressivité de l’avantage fiscal proportionnellement à l’augmentation du loyer par sixième ou par tiers. Mais cela semble très complexe à mettre en place et peu lisible pour les bailleurs.

Proposition complémentaire :

  • Dans le cadre de la lutte contre la précarité énergétique des ménages les plus modestes, le versement d’une prime supplémentaire au conventionnement avec travaux de rénovation énergétique embarqués peut être imaginée. Celle-ci serait proportionnelle au gain de consommation espéré par l’occupant, et progressive selon le type de conventionnement (très social > Social > intermédiaire).

Pierre Hautus


[1] Bulletin officiel des finances publiques http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/10130-PGP