Dans ce domaine, le texte de référence est l’article 17-2 de la loi du 6 juillet 1989 1.
Le bailleur qui entend proposer un nouveau loyer ne peut le faire que pour le terme du bail en cours, à savoir pour la fin des trois années si le bailleur est une personne physique ou une société civile immobilière « familiale » et des six années si le bailleur est une personne morale (autre qu’une SCI familiale).
En outre, la proposition doit être faite au moins six mois avant le terme.
La proposition d’un nouveau loyer doit être notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou signifiée par huissier, et ce, à peine de nullité. Mais depuis la loi ALUR, la notification peut également être remise « en main propre contre décharge », c’est-à-dire contre récépissé ou émargement, et le bailleur prendra bien soin de conserver un double du document comportant la recon- naissance par le locataire de la bonne réception (date et signature).
Il convient cependant d’être attentif aux pièges liés à une notification par lettre recommandée avec avis de réception. Ainsi, si l’accusé de réception est signé par une personne autre que le locataire, ce dernier pourra invoquer la nullité de la notification et la preuve contraire incombera au bailleur.
De même, une lettre recommandée revenue avec la mention « non réclamée », « défaut d’adressage » ou encore « inconnu à l’adresse », rendrait sans effet la notification.
La notification doit reproduire intégralement, à peine de nullité, les dispositions de l’article 17-2 et mentionner le montant du loyer, ainsi que la liste des références ayant servi à le déterminer.
Par conséquent, si la remise en « main propre contre récépissé » s’avère impossible (par exemple en cas d’éloignement géographique du bailleur), il est conseillé de procéder par acte extra-judiciaire en s’adressant à un huissier de justice.
Qu’entend-on par « loyer manifestement sous-évalué » et comment définir le nouveau loyer proposé ?
Comme le précise l’article 17-2 de la loi du 6 juillet 1989 : « Lors du renouvellement du contrat, le loyer ne donne lieu à réévaluation que s’il est manifestement sous-évalué. Dans ce cas, le bailleur peut proposer au locataire (...) un nouveau loyer fixé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables (...) ».
Pour notifier une offre de renouvellement avec proposition d’un nouveau loyer, au motif que celui initialement fixé serait « manifestement sous-évalué », encore faut-il que le bailleur puisse établir cette « sous-évaluation ».
La sous-évaluation manifeste, justifiant la proposition d’un nouveau loyer, se détermine selon un procédé de comparaison, et ce, en l’absence de définition légale :
Le bailleur peut tout à fait produire des références de loyers en dehors de l’immeuble où est situé le logement loué, dans un autre arrondissement le cas échéant, tout en restant « dans le quartier », ce qui laisse une marge d’appréciation assez subjective quant aux limites géographiques d’un « quartier ».
Les références doivent comporter différents éléments énumérés à l’article 1er du décret n° 90-780 du 31 août 19901, comme le nom de la rue, l’époque de construction de l’immeuble, la surface habitable du logement, etc.
Elles doivent porter sur des baux conclus récemment, mais également sur des baux conclus depuis plus de trois ans.
Combien de références et comment les collecter ?
Le bailleur doit fournir au moins trois références sauf pour les communes « dont la liste est fixée par décret » et faisant partie d’une agglomération de plus d’un million d’habitants, où six références sont exigées. Si le logement dépend de l’agglomération parisienne, lyonnaise ou marseillaise, il convient donc de fournir au moins six références.
Le bailleur veillera néanmoins à fournir plus de références que prévu par le texte. En effet, s’il ne produit que trois références et que l’une d’elle est écartée car non pertinente, la proposition de renouvellement sera déclarée nulle.
Les observatoires des loyers devraient être un outil essentiel pour recueillir les références. Cependant, dans l’attente de leur généralisation, le bailleur peut solliciter le concours d’une ou plusieurs agences immobilières, lesquelles sont nécessairement au fait du marché locatif.
Trois hypothèses doivent être envisagées : le locataire accepte formellement, le locataire refuse ou ne répond pas.
→ L’acceptation du locataire
À priori, cela ne pose pas de difficulté si ce n’est la forme que doit revêtir l’acceptation du locataire.
En effet, l’article 17-2 ne donne aucune précision. Pourtant, l’accord du locataire doit être certain et non équivoque, dès lors que le seul fait pour un locataire de régler le nouveau loyer ne le prive pas de la possibilité de contester en justice la réévaluation, notamment s’il estime que le bailleur n’a pas respecté la procédure et ce, dans la limite de la prescription de trois ans.
Une simple lettre du locataire peut suffire, à la condition toutefois qu’elle ne porte que sur l’acceptation du nouveau loyer proposé (un « accord sous condition » n’aurait aucun caractère « certain et non équivoque » et serait assimilé à un désaccord).
Pour assurer la sécurité juridique, il est donc fortement conseillé de rédiger un avenant au bail, qui ne portera que sur la clause « loyer ».
→ Le désaccord ou le défaut de réponse du locataire :
Selon l’article 17-2, en cas de désaccord ou à défaut de réponse du locataire quatre mois avant le terme du contrat, l’une ou l’autre des parties saisit la commission départementale de conciliation.
Cette dernière est saisie par lettre recommandée avec avis de réception adressée à son secrétariat. Elle peut l’être également par voie électronique par un procédé assurant l’authentification de l’émetteur, l’intégrité du message et la bonne réception à date certaine. Il existe également un formulaire de saisine.
Il en résulte que deux mois après la notification de l’offre de renouvellement, si le locataire a fait part de son désaccord, ou s’il n’a pas répondu, le bailleur doit saisir la Commission de conciliation, laquelle doit rendre un avis dans les deux mois de sa saisine.
La commission s’efforce de concilier les parties. Dans notre cas, elle peut donc constater l’accord des parties sur le montant du loyer du bail renouvelé, ou sur un autre montant de loyer, et cet accord met un terme au litige.
Mais lorsque la commission rend un avis constatant le désaccord des parties, le bailleur (ou le locataire) doit saisir le juge dans le délai de deux mois restant, et en tout état de cause, avant le terme du contrat (donc avant la fin des six mois).
En cas d’absence de saisine du juge, c’est le bailleur qui sera sanctionné puisque dans ce cas, le contrat est alors reconduit de plein droit aux conditions antérieures du loyer.
De même, il est important de préciser ce que l’on entend par « saisine du juge ».
Le juge est saisi par une assignation qui doit non seulement être délivrée avant le terme du contrat, mais surtout, inscrite au rôle du tribunal, c’est-à-dire remise au greffe avant ce même terme.
Le bailleur doit donc être très réactif par rapport aux délais et veiller à anticiper le temps nécessaire à la délivrance de l’assignation. Le rôle de l’huissier de justice est déterminant.
Le juge doit tout d’abord vérifier que la commission de conciliation a bien été saisie préalablement, qu’elle ait rendu un avis ou non, et avant le terme du bail.
En effet, il arrive que la commission ne rende pas son avis dans les deux mois impartis ; cela n’a pas d’incidence sur la saisine du juge, dès lors que le bailleur peut justifier qu’il a bien saisi la commission dans le délai et que le délai de deux mois imparti à la commission est écoulé.
Sur le fond de la demande, il appartient au juge de fixer judiciairement le montant du loyer du bail renouvelé. Il peut faire droit à la demande de réévaluation formée par le bailleur ou refuser l’augmentation.
Il peut notamment refuser s’il estime que contrairement à la position du bailleur, le loyer fixé initialement n’est pas manifestement sous-évalué, de sorte qu’il n’y a pas lieu de l’augmenter au-delà de la révision légale.
Le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation, à partir de plusieurs éléments.
Tout d’abord, il dispose des références fournies par le bailleur au locataire à l’occasion de la notification du renouvellement, mais également des éléments de comparaison complémentaires ou d’un rapport d’expertise, communiqués en cours de procédure.
Le juge peut également se reporter à l’avis de la commission de conciliation, puisque dans sa mission de conciliation, celle-ci doit relater les observations des parties.
Dans le cadre de son pouvoir souverain, le juge peut tout à fait retenir la plus basse des références fournies par le bailleur, si le logement est en mauvais état.
Il peut également tenir compte des travaux effectués par le locataire.
Enfin, quelle que soit sa décision, celle-ci est exécutoire par provision, de sorte que le nouveau loyer doit être réglé par le locataire à compter de la date du renouvellement du bail, quand bien même le locataire contesterait le jugement devant la Cour d’appel.
La réponse se trouve dans l’article 17-2, mais il convient de le décrypter.
Qu’elle soit convenue amiablement entre les parties ou fixée par une décision du juge, cette hausse doit être étalée.
Ainsi, la hausse s’applique par tiers ou par sixième selon la durée du contrat renouvelé (trois ans ou six ans). Par exception, si la hausse est supérieure à 10 % et si le premier renouvellement a une durée inférieure à six ans, cette hausse s’applique par sixième annuel au contrat renouvelé, puis lors du renouvellement ultérieur.
Le texte ajoute que « la révision éventuelle résultant de l’article 17-1 s’applique à chaque valeur ainsi définie. ».
L’article 17-1 est relatif à la révision du loyer qui intervient chaque année à la date convenue entre les parties ou, à défaut, au terme de chaque année du contrat et sur la base de l’IRL (indice de référence des loyers).
Autrement dit, dans l’hypothèse d’un bail renouvelé pour trois ans, on ajoute au loyer applicable avant la réévaluation, un tiers de l’augmentation, ce qui donne un montant auquel on applique la révision sur la base de l’IRL.
Lorsque le logement se situe en zone tendue 2, la hausse du loyer à l’occasion du renouvellement se trouve réglementairement « plafonnée ».
L’article 5 du décret n° 2017- 1198 du 27 juillet 2017 modifié précise que la hausse de loyer convenue entre les parties ou fixée judiciairement ne peut excéder la plus élevée des deux limites suivantes :
« 1°) La moitié de la différence entre le montant d’un loyer déterminé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables et le loyer appliqué avant le renouvellement du contrat de location, révisé dans les limites prévues au I de l’article 17-1 de la loi du 6 juillet 1989 ;
2°) Une majoration du loyer annuel égale à 15 % du coût réel des travaux toutes taxes comprises, si le bailleur a réalisé, depuis la conclusion du contrat de location initial ou, lorsque le bail a été renouvelé, depuis son dernier renouvellement, des travaux d’amélioration ou de mise en conformité avec les caractéristiques de décence portant sur les parties privatives ou sur les parties communes pour un montant au moins égal à la dernière année de loyer. »
L’article 7 du même décret précise que pour l’application du 2°) de l’article 5 :
« 1°) Est exclu du montant des travaux d’amélioration ou de mise en conformité le coût des travaux ayant donné ou donnant lieu à une contribution pour le partage des économies de charge en application de l’article 23-1 de la loi du 6 juillet 1989 susvisée ou à unemajoration du loyer en appli- cation du II de l’article 17-1 de la même loi ;
2°) Le coût des travaux d’amélioration ou de mise en conformité portant sur les parties communes est déterminé en fonction des millièmes correspondant au logement ;
3°) L’augmentation de loyer n’est possible que lorsque, à l’issue des travaux, la consommation en énergie primaire du logement est inférieure à 331 kWh par mètre carré et par an, telle que calculée par une évaluation énergétique réalisée par une personnesatisfaisant aux conditions prévues à l’article L. 271-6 du code de la construction et de l’habitation et établie selon les méthodes de calcul conventionnel mentionnées à l’article R. 134-5 du même code. Cette condition est présumée remplie pour un logement pour lequel la consommation en énergie primaire avant les travaux, constatée par un diagnostic de performance énergétique défini à l’article L. 134-1 du même code, était inférieure à 331 kWh par mètre carré et par an. »
À noter : depuis le 1er janvier 2021, la condition sur la performance énergétique du logement (consommation en énergie primaire du logement inférieure à 331 kWh par mètre carré et par an) ne concerne plus seulement l’hypothèse où des travaux sont effectués (article 5, 2°), mais toutes les hypothèses (donc y compris en cas d’augmentation d’un loyer “manifestement sous-évalué”)3. Depuis cette date, il n’est donc plus possible d’augmenter le loyer au-delà de l’IRL4 lors du renouvellement de bail, si le logement est classé F ou G.
À ce plafonnement « réglementaire » de la hausse du loyer du bail renouvelé, s’ajoute un dispositif « optionnel » issu de l’article 140 de la loi ELAN du 23 novembre 2018, basé sur la volonté de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale. Mi-décembre 2020, seules les villes de Paris et de Lille étaient concernées par cette réglementation.
L’application de ce régime d’encadrement pour le territoire concerné nécessite la publication d’un arrêté préfectoral, aux termes duquel le Préfet devra fixer pour le département, chaque année, un loyer de référence, un loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré, exprimé par un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logements et par secteur géographique.
À noter que si le logement est concerné par ce régime d’encadrement, le locataire pourra, lors du renouvellement du contrat, engager une action en diminution du loyer si le montant du loyer fixé initialement est supérieur au loyer de référence majoré tel que déterminé par l’arrêté préfectoral.
De même, le bailleur pourra demander une augmentation de loyer dès lors qu’il est inférieur au loyer de référence minoré.
La procédure est la même pour le bailleur et pour le locataire, et selon le schéma applicable pour les logements situés dans les zones non réglementées (article 17-2 de la loi du 6 juillet 1989), sachant toutefois que le bailleur n’a pas ici à fournir de références.
Cependant, le bailleur doit notifier la proposition de nouveau loyer au moins six mois avant le terme du contrat et le locataire dispose d’un délai de cinq mois avant le terme du contrat.
Le but du législateur, en imposant six mois au bailleur et cinq mois au locataire, est d’éviter que le bailleur ne réponde à une demande de diminution du loyer formée par le locataire, par la délivrance d’un congé...
Si le locataire n’accepte pas l’offre 4 mois avant l’échéance du bail, le bailleur doit saisir la commission de conciliation puis, à défaut d’accord, le juge.
Le dispositif prévu par l’article 140 de la loi ELAN est expérimental, pour une durée de 5 ans à compter de la publication de la loi.
1 - Ce texte peut être consulté sur www. legifrance.gouv.fr
2 - Il s’agit des communes des 28 agglomérations où la taxe sur les logements vacants est applicable (cf. l’annexe du décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 consultable sur www.legifrance.gouv.fr).
3 - décret n° 2020-1818 du 30 décembre 2020
4 - Indice de référence des loyers
Me Frédérique Polle • Avocat au barreau d'Agen
Source : 25 millions de propriétaires • N°548 février 2021
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