Amortissement dans le cadre de la location meublée : principes généraux et régimes spécifiques de biens démembrés

Alors que la demande des locataires évolue, notamment dans les centres villes, de plus en plus de bailleurs s’interrogent sur le régime de la location meublée. Alors que les revenus issus d’une location classique, dite nue, sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers, la location meublée répondra aux mécanismes fiscaux des Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC). Nous analyserons l’impact des amortissements.

Alors que l’activité de la location nue est considérée fiscalement comme une activité civile, la location meublée est traitée comme une activité commerciale. Toutes les spécificités fiscales de ce régime trouvent leurs sources dans cette distinction. A l’origine le législateur a voulu intégrer un principe d’équité entre le contribuable loueur meublé et l’hôtelier en considérant que leurs fonds de commerce étaient identiques.

L’intérêt de la location meublée réside dans cette imposition au titre des bénéfices industriels et commerciaux. Le propriétaire est considéré être à la tête d’une entreprise individuelle. En offrant la possibilité de tenir une comptabilité commerciale, cette option va permettre de modifier considérablement le mécanisme de détermination du bénéfice imposable.

Le loueur en meublé devra donc se plier aux caractéristiques fiscales propres aux BIC. Il verra ses bénéfices imposés par principe au régime du micro-BIC et sur option au régime réel. Le régime d’imposition micro-BIC s’applique de plein droit aux entreprises dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 70 000 €. Ces entreprises peuvent bénéficier d’un abattement forfaitaire de 50% afin de déterminer le montant du bénéfice imposable.

Sur option, tout bailleur pourra opter pour le régime réel. Ce régime va permettre au propriétaire d’établir son bénéfice imposable dans des modalités similaires à une entreprise individuelle.

De manière commune, et comme pour les locations nues, les charges déductibles des loyers encaissés vont concerner toutes les charges liées à l’exploitation du bien (charges de copropriétés, intérêts d’emprunt, frais d’assurance, taxe foncière...). La conséquence majeure de l’imposition au titre des bénéfices industriels et commerciaux dans le régime réel, par rapport aux revenus fonciers, est l’impact des amortissements.

Principes généraux de l’amortissement

Contrairement aux travaux, intérêts d’emprunts ou autres charges de gestion, l’amortissement est une charge comptable déductible fiscalement mais non décaissée. Il ne représente pas un impact négatif sur la trésorerie. L’amortissement permet de diminuer le résultat imposable et par conséquent limiter la pression fiscale.

L’amortissement est le mécanisme comptable qui permet de constater la dépréciation estimée d’un actif dont la durée de vie est limitée dans le temps, de par son usure ou son obsolescence, et permet un provisionnement en vue du remplacement de l’immobilisation.

Dans le cadre de la location meublée, l’actif amortissable correspondra à notre immeuble et les meubles le garnissant. Il est alors nécessaire, pour qu’ils soient amortis, que ces biens soient, ou puissent, être inscrits en immobilisation à l’actif du bilan de votre « entreprise individuelle de loueur meublé ».

Il faudra donc retenir la valeur d’inscription du bien au bilan pour calculer l’amortissement fiscal. Dans l’hypothèse où le bien vient d’être acquis, la valeur retenue sera celle de l’investissement. Mais pour un bien déjà détenu dans le patrimoine et dont l’affectation change (passage sous le régime de la location meublée), la valeur retenue sera sa valeur vénale au moment de son inscription au bilan de votre activité (BOI-BIC-PVMV-10-20-30-10 §230). Un bien détenu depuis de nombreuses années pourra alors être amorti sur la base de sa valeur réelle et ainsi profiter d’une valorisation potentielle dans le temps. Nous pouvons noter que cette inscription au bilan pour une nouvelle valeur vénale n’est pas génératrice d’une potentielle imposition au titre des plus-values immobilières.

Calcul et élaboration du plan d’amortissement

L’amortissement devra être calculé en fonction de la durée prévisible d’utilisation de l’immeuble par l’exploitation commerciale de location en meublé, selon le régime traditionnel de l’amortissement par composant.

Nous intégrons ici deux notions qui sont les composants et leur durée de vie respectives. L’article 311-2 du Plan Comptable Général impose un amortissement dissocié pour chaque élément si leur durée prévisible d’utilisation diffère.

Les constructions seront décomposées entre le gros œuvre (structure), la façade, les installations techniques et l’aménage- ment. Notons cependant qu’une quote-part pour la valorisation du foncier devra être retenue et que celui-ci ne s’amortit pas. Selon la localisation du bien, la valeur du terrain peut être plus ou moins importante (à Paris, le terrain représente entre 40 et 45% du prix d’acquisition).

Même si aucune immobilisation ne sera identique et que le plan comptable général laisse volontairement un volant de liberté dans la quote-part que chacun de ces postes va représenter, ainsi que sur leur durée de vie, nous pouvons réaliser l’approche synthétique suivante :

                        

Exemple d’amortissement d’un appartement d’une valeur de 180 000 €* :

                                                               

*Attention, cet exemple est donné à titre indicatif, le plan comptable général donne un cadre, mais l’expertise d’un professionnel de la comptabilité est nécessaire afin de s’adapter aux particularités intrinsèques de chaque bien.

Concernant les travaux réalisés en cours d’exploitation, il sera parfois difficile de faire la distinction entre immobilisation qui viendra s’intégrer dans le plan d’amortissement et charge déductible des revenus locatifs l’année de facturation (Voir encadré).

Une fois édité, le plan d’amortissement permet de ressortir une charge d’amortissement annuel qui viendra s’imputer sur les revenus locatifs.

Cependant une distinction importante existe sur ce point entre le loueur meublé professionnel (LMP) et le loueur meublé non professionnel (LMNP). En effet, dans le cadre de la location meublée non professionnelle, et en application de l’article 39 du Code général des impôts, la déduction de l’amortissement est limitée : elle ne peut excéder la différence entre le montant des loyers des immeubles loués diminué des charges afférentes aux biens loués. Autrement dit, l’amortissement ne peut aboutir à créer ou à augmenter l’éventuel déficit (BOI-BIC-AMT-20-40-10-20 § 40 à 100).

En vertu de l’article 25 de l’an- nexe II du CGI, les amortissements régulièrement différés en période déficitaire peuvent être prélevés en franchise d’impôt sur les résultats des premiers exercices suivants qui laissent apparaître un bénéfice suffisant. Cela signifie que les amortissements non consommés sont différés, mis de côté et cumulés sans limite de montant ou de durée, pour être utilisés ultérieurement lorsque l’exploitation de la location meublée dégagera un bénéfice.

Spécificités liées au démembrement de propriété

L’administration fiscale a toujours considéré que l’usufruit viager 1 d’un bien immobilier ne pouvait pas s’amortir. Elle fonde sa réflexion sur le fait que l’usufruitier détient seulement un droit d’usage et de revenu et non un droit réel de propriété. Par conséquent, l’usufruitier n’avait pas matière à amortir. L’investisseur devait alors trouver d’autres solutions pour à la fois préparer sa transmission et bénéficier du régime fiscal spécifique de la location meublée.

Mais un récent arrêt du Conseil d’Etat confirme l’amortissement de l’usufruit (24 avril 2019, n° 419912), et rabat les cartes.

                                             

Dans son arrêt, le Conseil d’Etat valide pour la première fois l’amortissement d’un usufruit viager portant sur un immeuble loué en meublé. Pour ce faire, il s’appuie sur deux critères importants qui sont :

  • que ses effets prendront fin à une date déterminée,
  • et qu’il est possible de déter- miner sa durée prévisible d’utilisation.

Le droit d’usufruit est nécessairement temporaire et sa durée est déterminée (durée fixe) ou du moins déterminable pour un usufruit viager. Dans ce cadre, le Conseil d’Etat propose de s’appuyer sur les tables de mortalité de l’INSEE afin de définir sa durée. Partant de cette possibilité offerte par le Conseil d’Etat (mais pas encore intégrée par l’administration dans le BOFIP), l’amortissement va devoir être calculé d’une manière différente. En effet, ce n’est plus l’actif immobilier qui est amorti mais un droit d’usufruit.

Quelle est sa valeur et quelle est sa durée de vie ?

La valeur du droit d’usufruit va être déterminée par le barème fiscal défini à l’article 669 du CGI. Il dépend de l’âge de l’usufruitier. Par exemple, la valeur d’usufruit d’un immeuble évalué à 250000€ détenu par une personne de 73 ans est de 75000 €, soit 30 %.

Cette valeur d’usufruit va être amortie de manière linéaire en fonction de l’espérance de vie définie par les tables de mortalité de l’INSEE2. Soit dans l’exemple précédent 13,2 ans. La charge d’amortissement s’élèvera à 5 682 €/an pendant 13,2 ans.

Notons qu’en cas de détention en usufruit, la totalité du droit d’usufruit, correspondant aux constructions et aux terrains, est amortissable. Ce qui présente un certain intérêt.

La charge déductible suite à l’amortissement d’un usufruit sera souvent inférieure à celle constatée lors d’une détention en pleine propriété. Pour autant, cette nouvelle possibilité va notamment permettre de mener de front une stratégie de transmission progressive du patrimoine immobilier, via notamment des donations de nue-propriété et une maîtrise de la fiscalité des revenus locatifs.

Les notions d’amortissement et de manière générale la gestion comptable et fiscale de la location meublée sont complexes et l’intégralité des points de vigilance ne peuvent être traités ici. Votre expert-comptable sera votre conseil référent dans votre stratégie d’investissement en location meublée.

Constituent des immobilisations (amortissables) :

  • les dépenses résultant de l’entrée d’un nouvel élément destiné à rester durablement dans le patrimoine de l’entreprise,
  • les dépenses qui auront pour effet d’augmenter la valeur d’un élément d’actif ou d’augmenter sa durée probable d’utilisation,
  • les dépenses de remplacement d’un nouveau composant identifié à l’origine entraînent obligatoirement l’inscription d’un nouveau composant en immobilisation (PCG art. 321-14).

En revanche, constituent des charges (déductibles l’année de leur réalisation) :

  • les dépenses qui auront pour effet de maintenir les éléments d’actif dans un état normal d’utilisation,
  • les dépenses courantes d’entretien et de réparation lorsqu’elles n’aboutissent pas au remplacement d’un composant et qu’elles n’ont pas pour effet d’augmenter la durée réelle d’utilisation ou la valeur de l’immobilisation,
  • les dépenses portant sur un montant non significatif (PCG art. 331-4). Fiscalement, le seuil de significativité est par convention de 500 €.

1- Un usufruit viager signifie qu’il s’éteint au décès de son titulaire, contrairement à un usufruit temporaire dont la durée de vie est fixe.
2- https://www.insee.fr/fr/ statistiques/3311422?som- maire=3311425

Pierre Brunet, conseiller en gestion de patrimoine, CER France Gascogne Occitane

Source : 25 millions de propriétaires • N°546 décembre 2020


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