Rénover un immeuble en secteur sauvegardé

Aujourd’hui ce dispositif de protection existe toujours même s’il a été modifié. Ainsi dans ces secteurs, les travaux sont soumis à des obligations spécifiques sous la houlette de l’architecte des bâtiments de France (ABF) et la restauration immobilière peut faire l’objet d’aides spécifiques et surtout d’avantages fiscaux tels que des réductions d’impôt.

Qu’est-ce qu’un secteur sauvegardé?

Les secteurs sauvegardés constituent un dispositif essentiel de préservation du patrimoine immobilier.
Un secteur sauvegardé est une partie de la ville, souvent son centre ancien, qui présente un caractère historique, esthétique, ou de nature à justifier la conservation, la restauration et la mise en valeur de tout ou partie d’un ensemble d’immeubles bâtis ou non (article L313-1 du Code de l’urbanisme).
Il est créé par arrêté du préfet du département sur demande ou avec l’accord de la collectivité locale compétente en matière de PLU (plan local d’urbanisme) après avis de la Commission nationale des secteurs sauvegardés.

Dans chaque secteur sauvegardé est établi un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV). C’est un document d’urbanisme opposable aux tiers, dont l’Architecte des Bâtiments de France (ABF) garantit le respect. Le P.S.M.V intègre les dimensions urbaines, sociales, économiques, fonctionnelles, patrimoniales.

Il constitue tout à la fois un instrument de connaissance du tissu urbain, une proposition d’évolution de la ville, et un guide pour la restauration et la mise en valeur du patrimoine urbain.

En 2010, 100 secteurs sauvegardés ont été ainsi créés par l’État, en collaboration avec les villes concernées.

Mon bien immeuble est-il en secteur sauvegardé ?

Chaque mairie dispose d’un plan des servitudes d’utilité publique qu’il est loisible de consulter. Ou sinon, il est simple de contacter la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) dans chaque Région ou ses Unités départementales d’architecture et du patrimoine.

Les travaux en secteurs sauvegardés : les autorisations d’urbanisme

Lorsqu’on envisage des travaux sur un immeuble, qu’il soit en secteur sauvegardé ou pas, des autorisations d’urbanisme type permis de construire, de démolir ou déclaration de travaux peuvent être nécessaires.

Ainsi, une déclaration de travaux doit être déposée pour tous les travaux extérieurs effectués sur un bâtiment existant. Cette déclaration préalable est obligatoire, y compris en dehors des espaces protégés.

Il s’agit par exemple des travaux de ravale- ment de façade, de réfection de couverture, de percement de façade et ouverture de baie (portes, fenêtres, ventilation), de changement ou modification des menuiseries (fenêtres, portes, volets...), d’extension de moins de 20 m2 (abri, garage, véranda...), de mise en œuvre de panneau solaire, de mise en œuvre de bardage en façade...

S’agissant des travaux réalisés à l’intérieur d’un immeuble situé en secteur sauvegardé dont le PSMV n’est pas approuvé ou dont le PSMV est mis en révision, ils sont soumis à déclaration préalable.

Par contre, les travaux plus importants modifiant la structure, l’affectation, la distribution ou entraînant des démolitions même partielles d’un bâtiment ou engendrant des créations de surfaces supérieures à 20 m2 sont soumis à permis de construire.

Cependant, dans les secteurs protégés dont le PSMV est approuvé, l’obligation d’obtenir un permis de construire concerne les travaux exécutés à l’intérieur des immeubles ou parties d’immeubles pour lesquels le PSMV comporte des prescriptions spéciales (art L313-1- III du Code de l’urbanisme) ou encore les travaux portant sur un élément que le PSMV a identifié comme présentant un intérêt patrimonial ou paysager.

En outre, un permis de démolir est obligatoire pour toute démolition, même partielle, d’un bâtiment situé en espace protégé.

Les travaux d’entretien ne sont en revanche soumis à aucune autorisation : il s’agit de travaux ponctuels et périodiques ne modifiant ni l’aspect, ni la nature des matériaux, ni la consistance, ni l’agencement ou l’équipement initial d’un immeuble. Ils sont destinés à maintenir un immeuble en bon état de conservation, à permettre son usage normal, et à éviter ou limiter les interventions ultérieures plus lourdes de remise en état.

Enfin, le dossier de demande d’autorisations de travaux (demande de permis ou déclaration préalable) doit être déposé à la mairie de la Collectivité locale où se situent les travaux. Cette dernière le communiquera ensuite aux différents services qui doivent être consultés pour émettre un avis, dont le service de l’ABF (direction régionale des affaires culturelles).

Rencontre avec un Architecte des Bâtiments de France

Entretien avec Isabelle Brou-Poirier,ABF à l’UDAP de Haute-Garonne

Dans quelles situations un propriétaire immobilier côtoie- t-il un ABF ?
Tout dépend du type d’espace protégé dans lequel se situe son bien. En site inscrit ou aux abords d’un monument historique, ce sont les travaux modifiant l’aspect extérieur de son immeuble (clôture, façade, fenêtre, plantation...) qui devront recevoir notre aval. En secteur sauvegardé et dès sa création, que le Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur soit approuvé ou pas, une obligation de déclaration de travaux s’impose à lui et doit recevoir notre approbation y compris pour des aménagements à l’intérieur des appartements. Le but est ici d’exercer une surveillance artistique et archéologique sur les décors (plafonds par exemple) mais aussi de préserver une logique de disposition intérieure des pièces. Les propriétaires de monuments historiques sont bien sûr eux-mêmes concernés par ce contrôle sur l’espace intérieur.

Comment est-il renseigné sur les obligations qui s’imposent à lui ?
En droit français, nul n’est censé ignorer la loi... mais pour mieux se mettre au service des propriétaires, il existe sur le site du ministère de la Culture et de la communication des livrets techniques téléchargeables qui donnent de bons rappels des règles. Pour plus de détails sur les contraintes et prescriptions, les Unités départementales d’architecture et du patrimoine (UDAP) via leur secrétariat adresse des documentations et, sur rendez-vous, les ABF reçoivent lorsque le projet se précise. Je consacre la moitié de mon temps à recevoir les propriétaires et me déplace également sur site.

Les prescriptions des ABF entraînent-elles toujours des surcoûts en matière de rénovation ?
Cela est très variable, je ne dispose pas de statistiques. Mais pour éviter des travaux lourds, nous recherchons souvent les solutions les moins onéreuses avec les propriétaires. C’est le cas pour la réfection des toitures en tuiles canal, très coûteuse à reprendre en totalité, et pour laquelle on peut envisager un simple remaniement. La mise en oeuvre traditionnelle de fenêtres bois étant également coûteuse, nous préconisons leur simple entretien et l’adjonction d’une 2ème fenêtre, parfaitement intégrée, avec une mise en œuvre plus simple.

Quels conseils donneriez-vous à un propriétaire concerné ?
Face à une recrudescence des travaux non déclarés sur cour et à l’intérieur du bâti, dans certains secteurs, j’invite les propriétaires à se rapprocher des UDAP*, assistés ou non d’un architecte car le conseil est primordial pour envisager un projet sans être perdant. Des solutions techniques existent pour concilier à la fois habitabilité et préservation du patrimoine. J’ajoute qu’en secteur sauvegardé la conformité des travaux est obligatoire et le contrôle est fait par l’autorité municipale. En outre, je précise que les notaires doivent être vigilants et de bons conseils vis-à-vis des acquéreurs car les infractions en matière de travaux se transmettent en cas de vente (seul un décès du propriétaire interrompt l’infraction).


*Pour connaître les conditions d’accueil, les horaires et dates d’ouverture de l’UDAP de votre département, consulter son site internet, ou appeler le service par téléphone ou par courriel.

Quels sont les délais d’instruction en secteur sauvegardé et qui délivre au final l’autorisation ?

Dans ces secteurs, le délai d’instruction est majoré par rapport au délai de droit commun. Ainsi pour les déclarations préalables de travaux : le délai de droit commun est majoré d’un mois, soit 2 mois.

Pour les permis de démolir et permis de construire : le délai de droit commun est majoré d’un mois, soit 3 mois (voire 4 mois pour les PC portant sur des immeubles).

À ce délai s’ajoute celui relatif à la consultation de l’ABF en secteur sauvegardé.

En effet, lorsque les travaux portent sur une construction sise en secteur sauvegardé dont le périmètre a été délimité, le permis de construire ne peut être délivré qu’avec l’accord de l’ABF (art L621-31 et L 621-321 du Code du Patrimoine et art L313-2 du Code de l’urbanisme). L’autorité compétente (mairie, ou président de l’établissement public de Coopération intercommunale - EPCI) a une compétence liée. Cela signifie que l’autorité compétente ne peut pas accorder d’autorisation de travaux sans cet accord.

Cependant, lorsque l’ABF a donné son accord, l’autorité compétente conserve la possibilité de refuser le permis en se fondant sur d’autres dispositions légales (l’atteinte portée au site par exemple).

Par ailleurs, l’accord peut être assorti de prescriptions relatives aux couleurs, à la nature des matériaux ou à l’aménagement des lieux. Ces prescriptions sont reprises dans l’autorisation d’urbanisme.

L’ABF dispose de 2 mois pour rendre son avis sur le projet de permis, à défaut son avis est réputé favorable (art R423-67 Code de l’urbanisme).

Les aides spécifiques et la fiscalité en secteur sauvegardé

Fiscalité et subventions particulières sont les moyens financiers dédiés aux plans de sauvegarde et de mise en valeur.

Ainsi, le PSMV ouvre droit à des subventions particulières de l’ANAH (Agence Nationale de l’Habitat) pour des travaux d’intérêt architectural (TIA).

Par ailleurs, lorsqu’un plan de sauvegarde et de mise en valeur existe, il ouvre droit au bénéfice de la « Loi Malraux » pour produire du logement locatif. Le dispositif Malraux 2016 donne droit à une réduction d’impôt calculée sur le montant des travaux de restauration engagés par le contribuable à hauteur de moins 30% pour les immeubles situés en Secteur Sauvegardé.

Le montant des travaux pour le calcul de la réduction d’impôt en loi Malraux 2016 est toutefois plafonné à 100 000 € par an.

La Défiscalisation Malraux s’adresse depuis le 1er janvier 2013 aux contribuables français qui investissent dans des appartements à rénover (logements destinés à la location). Les travaux doivent aboutir à la restauration complète de l’immeuble et la qualité du bâti est suivie par un ABF.

Projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine

Il ne s’agit pour l’heure que d’un projet de loi mais il comporte des évolutions notables en faveur de la protection du patrimoine. Il a été examiné en première lecture à l’Assemblée Nationale en juillet 2015 et au Sénat en octobre 2015.

Le projet de loi propose de fusionner les dispositifs des secteurs sauvegardés, des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, et des aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine. Ils sont automatiquement remplacés par une seule servitude d’utilité publique : les cités historiques.

L’institution de ces cités historiques favoriserait le développement culturel, économique, social et environnemental des territoires, par la valorisation du patrimoine urbain et rural, tout en simplifiant et en clarifiant les outils et procédures existants. Les articles L. 631-1 et L. 631-2 du Code du patrimoine détermineraient les motifs et la procédure de classement au titre des cités historiques. Une ville, un village ou un quartier et son environnement rural peuvent être classés au titre des cités historiques par décision de l’État (ministre chargé de la culture) sur proposition ou après accord de l’autorité compétente pour l’élaboration du plan local d’urbanisme (commune ou intercommunalité) et après avis de la Commission nationale des cités et monuments historiques.

Les espaces protégés existants (secteurs sauvegardés, aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine, et zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager) seraient automatiquement transformés en cités historiques. Selon ce projet, la création des cités histo- riques permettrait de moderniser le cadre d’intervention des ABF. Les articles L. 632-1 et L. 632-2 du Code du patrimoine maintiendraient le principe d’un accord préalable pour les autorisations de travaux dans une cité historique. Les refus d’accord ou les prescriptions devraient être expressément motivés, un accord tacite naissant en cas de silence.

Le délai global à l’issue duquel l’autorisation de travaux serait réputée accordée, en cas de silence ou d’accord de l’ABF, serait fixé par le décret d’application.

L’article L. 632-2 nouveau du Code du patrimoine constituerait un régime unique d’autorisation de travaux applicable aux cités historiques dotées ou non d’un PSMV ou d’un PLU.