Sous réserve de modification législative, réglementaire ou jurisprudentielle.
La mérule est un champignon lignivore (il se nourrit de la cellulose du bois) qui se développe dans des bâtiments où le taux d’humidité est anormalement élevé et s’attaque insidieusement aux solives (plus rarement aux charpentes), planchers et boiseries anciennes. Grâce à ses ramifications (appelées syrrotes), elle peut se développer à travers les joints de maçonneries sur plusieurs mètres pour trouver une source d’humidité nécessaire à sa survie et ainsi croître de façon impressionnante à raison de 10 à 12 cm par jour (source SEMHV[1]).
Elle peut être facilement identifiable par un professionnel, car elle forme en surface des traces cotonneuses épaisses et blanches et des filaments gris. Ses fructifications se présentent sous forme de sporophores de couleur rouille aux bordures blanches et de spores rouille orangé.
Malheureusement, la mérule n’est bien souvent détectée qu’à un stade avancé de colonisation engendrant alors des dégâts importants pouvant aller jusqu’à l’effondrement des structures attaquées.
La loi ALUR du 24 mars 2014 s’était emparée du sujet pour fixer des dispositions de lutte contre la mérule qui est désormais considéré comme un fléau aux conséquences financières et sanitaires importantes[2].
Entretien avec Patrick Laurent, mycologue et expert judiciaire à Saint Dié des Vosges
« Il existe deux espèces de mérule : la mérule pleureuse (Serpula lacrymans) et la mérule sauvage (Serpula himantioides). La plus commune est la mérule pleureuse.
Pour que la mérule se développe, il faut trois conditions : présence d’humidité, confinement de l’air et obscurité. Elle est très douée pour se procurer l’eau nécessaire à sa survie.
Deux méthodes de traitement de la mérule existent. La première consiste à décrépir les murs pour accéder aux filaments de la mérule, brosser, brûler et percer pour injecter un produit fongicide. La seconde, utilisée au Danemark, en Suisse et en Allemagne, est un traitement par air chaud : la maison est mise sous une cloche, de l’air chaud est insufflé à une température de 70 à 80 °C pour que les murs enregistrent une température de 50 °C, létale pour la mérule, pendant au moins 16 heures. Les matériaux sont traités sans qu’il soit nécessaire d’injecter un produit chimique et sans destruction (sauf si la structure est endommagée)..
La mérule s’est développée ces dernières années, elle est présente sur tout le territoire national. Je réalise d’ailleurs des expertises dans de nombreux départements. On la trouve aussi bien dans les maisons en construction que dans les maisons anciennes. »
En savoir plus : www.merule-expert.com
Reprenant les principes de la réglementation termites, la loi ALUR (art. 76) instaure un dispositif pour lutter contre le développement de la mérule dans l’habitat. Ces dispositions sont insérées aux articles L. 133-7 à L. 113-9 du Code de la construction et de l’habitation. La loi comporte ainsi quatre niveaux d’obligations.
-« Dès qu’il a connaissance de la présence de mérule dans un immeuble bâti, l’occupant de l’immeuble contaminé en fait la déclaration en mairie. A défaut d’occupant, la déclaration incombe au propriétaire. Pour les parties communes d’un immeuble relevant de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, la déclaration incombe au syndicat des copropriétaires » (art. L.133-7 du CCH).
-« Lorsque, dans une ou plusieurs communes, des foyers de mérule sont identifiés, un arrêté préfectoral, consultable en préfecture, pris sur proposition ou après consultation des conseils municipaux intéressés, délimite les zones de présence d’un risque de mérule » (art. L.133-8 du CCH). Le préfet de la Somme a pris un arrêté le 4 mars 2016 suivi par le préfet du Rhône qui a pris un arrêté mérule le 4 décembre 2017, il concerne plusieurs îlots de la Ville de Lyon et depuis 2017 six communes du Finistère : Châteaulin, Douarnenez, Elliant, Morlaix, Quimper et Saint-Martin-des-Champs.
-En cas de vente de tout ou partie d’un immeuble bâti, le dossier de diagnostic technique, fourni par le vendeur, et annexé à la promesse de vente, ou, à défaut de promesse, à l’acte authentique de vente, comprend, dans les conditions définies par les dispositions qui les régissent, « l’information sur la présence d’un risque de mérule dans les zones prévues à l’article L. 133-8 du CCH » (art.L.271-4 du CCH).
Destiné à renforcer les outils de la lutte contre l’habitat indigne et à améliorer la protection de l’acquéreur d’un bien immobilier, cet article 76 de la loi ALUR ne rend pas le diagnostic mérule obligatoire mais impose désormais une obligation de déclaration pour le propriétaire et d’information pour les diagnostiqueurs.
A noter : le 6 mars 2012, une proposition de loi présentée par Alain Gest, député, était déposée à l’Assemblée nationale relative à l’instauration d’un diagnostic obligatoire sur la présence de la Mérule lors de la vente d’un bien immobilier.
Cette cartographie partielle ne concerne que les résultats connus par le FCBA, Institut technologique qui est un centre technique industriel français, chargé des secteurs de la forêt, de la cellulose, du bois-construction et de l'ameublement
L’Agence Qualité Construction préconise de consulter un spécialiste en cas de doute sur la présence de mérule. Une analyse biologique par un laboratoire spécialisé permet de déterminer l’espèce du champignon.
Cette détermination est essentielle pour la prescription du traitement nécessaire.
Liste des experts certifiés FCBA : http://www.experts-pathologie-bois.fr/. cette liste n’est pas exhaustive. Il s’agit d’une certification à but commercila. Les experts sont répertoriés sur les listes des experts près les différentes Cour d’appel du territoire français.
Selon l’Agence Qualité Construction, plusieurs mesures permettent de lutter contre la mérule.
En conception, l’idée générale est d’éviter la présence d’eau et d’humidité dans le bâti :
Les concepteurs seront vigilants dans la prescription d’emploi de bois naturellement résistants, ou d’une durabilité conférée suffisante vis-à-vis du risque champignon au regard de la classe d’emploi selon la norme NF EN 355.
Sur chantier, il faut :
Dans le bâti ancien, les préconisations générales de travaux sont les suivantes :
Dans le bâti très ancien, il faut prévoir une solution contre la remontée d’humidité dans les ouvrages sensibles, les murs, les planchers bas en bois et dans les éléments structurels.
Michel Bordenave de l’entreprise Chapenet en Midi-Pyrénées, spécialiste des traitements contre la mérule, nous donne ses conseils.
« Pour se débarrasser de la mérule, il faut avant tout traitement résoudre les problèmes d’humidité de la construction. Pour cela, il faut ventiler les zones infestées, traiter les remontées capillaires et les éventuelles fuites d’eau. Une dépose des matériaux infestés doit ensuite être effectuée. Puis c’est le passage à la flamme de tous les matériaux sauf le bois. Ensuite, un traitement par un produit fongicide est appliqué sur tous les matériaux en surface et par injection. Le traitement est efficace si le problème d’humidité est résolu. Aujourd’hui, les cas de maisons infestées est moins important que pour les termites mais nous notons une hausse du nombre des maisons affectées. »
Entretien avec Fabrice Louge de Saint-Gaudens
Ma compagne et moi avons acquis une maison à Saint Gaudens en 2016 par l’intermédiaire d’un agent immobilier. Cette maison nécessitait de lourds travaux (sol, peinture, électricité, plomberie, chauffage…) qui ont duré trois mois. A l’issue de ces travaux au mois d’août, nous avons emménagé. 15 jours après, en déplaçant des cartons dans le séjour, j’ai constaté une grande quantité de « poussière » rougeâtre et malodorante. Et le sol s’écroulait par endroit.
Nous avons demandé à un expert mycologue de venir faire un constat. Ce constat a eu lieu à la mi-septembre 2016. Son verdict a été catégorique : tout le rez-de-chaussée était contaminé et depuis une bonne dizaine d’années. Nous avons alors fait venir des entreprises spécialisées dans le traitement de la mérule pour obtenir un chiffrage du traitement. Pour une maison que nous avions payé 130000 € avec 95 000 € de travaux, le traitement complet contre la mérule et la remise en état pouvait nous coûter dans les 200 000 €. A partir de là, nous avons compris que nous devions nous battre pour une résolution de la vente. Et nous avons pris un avocat. Le vendeur, l’agent immobilier, le maître d’œuvre des travaux, le diagnostiqueur et des artisans ont été assignés. Nous attendons dans les semaines qui viennent les conclusions de l’expertise judiciaire contradictoire.
Nous espérons avoir gain de cause contre l’arnaque de haut vol dont nous avons été victime. Les frais de procédure nous ont déjà coûté 16 000 €. Depuis l’an dernier, heureusement, notre crédit est suspendu pour deux ans. Notre assurance nous propose une indemnisation au titre des dégâts des eaux (6 dégâts en une année !) que nous avons subis pour un éventuel relogement. Pour l’heure nous continuons à vivre dans la maison avec 3 pièces que nous avons abandonnées car le taux d’humidité y est de 80 %. Ma compagne, les enfants et moi-même sommes régulièrement malades au niveau de la sphère ORL. Nous continuons à nous battre pour faire entendre nos difficultés ; nous avons créé un site internet qui recense toute l’actualité liée à la mérule (notamment une pétition que nous vous invitons à signer) www.merule-detresse.fr.
Nadine Cazalbou
[1] SEMHV : Station d’études mycologiques des Hautes-Vosges
[2] La loi ALUR n’apporte rien de concret, si ce n’est l’obligation de déclaration d’un vice caché (la mérule), qui est déjà dans le Code civil.
Source : 25 millions de propriétaires • N°mai 2018
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