Depuis la loi Climat et résilience, l’élaboration du projet de plan pluriannuel de travaux (PPT) devient obligatoire. L’objectif de cette nouvelle exigence est d’éviter la dégradation des immeubles en plus de « faciliter la réalisation de travaux de rénovation énergétique dans les immeubles en copropriété et à favoriser l’entretien de ce parc d’immeubles vieillissants et nécessitant de lourds investissements ».
Les dispositions de la loi entrent en vigueur selon la taille de la copropriété et selon le calendrier suivant :
S’agissant d’un document nouveau, l’évaluation des coûts n’est pas aisée. D’autant que le coût de cette prestation est dépendante des tarifs pratiqués par le prestataire choisi et de l’étendue des analyses commandées. Néanmoins, la cotisation annuelle obligatoire payée par chaque copropriétaire doit respecter deux critères :
> représenter au moins 2,5 % du montant total des travaux inscrits dans le PPT adopté ;
> être supérieure ou égale à 5 % du budget prévisionnel de l’année.
Lorsque les décisions de réaliser des travaux de rénovation énergétique seront prises, votre copropriété pourra disposer des sommes déposées sur le fonds de travaux et compléter le financement avec un prêt et les aides financières et fiscales, mises en place notamment dans le cadre du plan de relance, telles que :
> la prime énergie « MaPrimeRénov’ » dont le montant est forfaitaire sans conditions de ressources jusqu’à 3 750 € par logement, cumulable sous conditions de ressources avec un complément d’aide ;
> les certificats d’économie d’énergie dont le montant de l’aide proposée tient compte de l’ampleur des économies d’énergie réalisées et des revenus du propriétaire (sur ce point v. article Primes « coup de pouce » : Quoi de neuf ? p. 16 de ce numéro), l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) qui peut être proposé par les banques pour financer le reste à charge de travaux éligibles à MaPrimeRénov’ ;
> la TVA à taux réduit.
Le 8 novembre 2022, l’Assemblée nationale a voté le doublement du plafond du déficit foncier (2) (sur ce point v. article p. 37 de ce numéro), soit un rehaussement à hauteur de 21 400 euros, pour les contribuables qui constatent un déficit lié à la réalisation de dépenses de travaux de rénovation énergétique qui permettent à un logement de passer d’une classe E, F ou G à une classe A, B, C ou D.
Vous êtes nombreux à avoir investi dans les résidences gérées (résidences de tourisme, résidences étudiantes, résidences seniors, Ehpad) afin de bénéficier d’un régime de défiscalisation avec le statut de loueur meublé non professionnel (LMNP). Ces résidences sont souvent placées sous le statut de la copropriété. Vous avez ainsi conclu un contrat de bail commercial avec une société qui exploite votre lot d’habitation et plus globalement la résidence. Ce bail commercial doit prévoir une répartition des charges et des travaux entre vous et le preneur, en conformité avec les dispositions de la Loi PINEL du 18 juin 2014.
Pour les baux commerciaux souscrits ou renouvelés depuis le 6 novembre 2014, le bailleur ne peut imputer au preneur les dépenses relatives aux grosses réparations au sens de l’article 606 du Code civil (3) . Selon la jurisprudence (4) :
> les grosses réparations intéressent l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale (ex : le remplacement d’une chaudière de chauffage central, les travaux de réfection de toiture, …),
> et les réparations d’entretien sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de cet immeuble.
L’on peut d’ailleurs s’interroger sur la validité juridique de la clause d’un bail commercial qui met à la charge du preneur les grosses réparations de l’article 606 du code civil, en méconnaissance de l’article R. 145-35 du code de commerce, pris en application de la Loi PINEL… En tout état de cause, les grosses réparations de l’article 606 du code civil ne pouvant en principe être imputées au preneur, l’impact du projet de plan pluriannuel de travaux (PPT) sera considérable pour le copropriétaire bailleur.
Votre locataire commerçant se trouve soumis, en fonction de l’activité exploitée dans les lieux loués, à diverses réglementations imposant la mise en conformité des locaux aux normes en vigueur applicables, notamment, en matière d’hygiène, de droit du travail, de sécurité incendie ou d’accessibilité aux personnes à mobilité réduite, mais également à celles propres aux établissements recevant du public (ERP).
En vertu d’une jurisprudence constante, l’exécution de ces travaux de mise en conformité, que ceux-ci fassent effectivement l’objet d’une injonction de l’administration ou qu’ils procèdent simplement d’une mise aux normes en vigueur, relève de l’obligation de délivrance du bailleur (5) , celui-ci devant délivrer des locaux conformes à l’usage pour lequel ils ont été donnés à bail (6).
Il en résulte que ces travaux ne peuvent être transférés sur le preneur qu’en vertu d’une disposition contractuelle explicite et non équivoque (7), à l’exclusion, depuis la Loi Pinel du 18 juin 2014, de ceux susceptibles d’avoir un impact sur le gros-œuvre, en conformité avec les dispositions de l’article R. 145-35, 2° du Code de commerce. Ainsi, selon la rédaction du bail commercial et selon leur nature, les travaux de mise en conformité pourront ou non être mis à la charge du locataire.
En parallèle, le « décret tertiaire » (8), qui impose une réduction des consommations énergétiques progressive pour les bâtiments tertiaires dont la surface est supérieure ou égale à 1 000 m2 (résidence de tourisme, Ehpad, etc.), a déjà fait couler beaucoup d’encre…
Face à une règlementation exponentielle et à une course à la « sobriété énergétique », le portefeuille du copropriétaire bailleur risque d’être fortement impacté. Il vous est conseillé, en votre qualité de copropriétaire, que vous soyez bailleur ou non, de prendre attache avec un Cabinet spécialisé afin de préserver vos droits.
Par Me François Morabito, avocat, SCP Gobert & associés
(1) Étude d’impact, projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, 10 février 2021.
(2) Le déficit foncier est constitué quand les charges (coût des travaux notamment) excèdent les loyers pour les particuliers bailleurs.
(3) Article R. 145-35 du code de commerce.
(4) Cass. 3e civ., 13 juill. 2005 : JCP G 2005, IV, 3096 ; JurisData n° 2005-029471 ; Bull. civ. III, n° 155, p. 144 ; RTD civ. 2005, 795, obs. Gautier.
(5) Articles 1719 et 1720 du Code civil.
(6) Cass. 3e civ., 17 avr. 1996 : Loyers et copr. 1996, comm. 30. – Cass. 3e civ., 7 oct. 1998 : Loyers et copr. 1999, comm. 121. – Cass. 3e civ., 12 déc. 2001 : Loyers et copr. 2002, comm. 90. – CA Paris, 16e ch., sect. B, 5 mars 1999 : Loyers et copr. 1999, comm. 210
(7) Cass. 3e civ., 31 oct. 2006, n° 05-19.827. – Cass. 3e civ., 9 juill. 2013, n° 12-19.880.
(8) Dispositif Eco Efficacité Tertiaire (DEET) issu du décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019.