Le propriétaire peut mettre fin à son bail de manière anticipée ou à son terme mais cette décision n’est pas sans conséquences.
Le bail commercial ne se renouvelle pas de plein droit ([1]) et inversement ne prend pas fin à l'arrivée du terme ([2]).
Le bail ne cesse que par l'effet d'un congé donné au moins 6 mois à l’avance ([3]). Il ne sera traité ici que du congé donné par le bailleur, étant entendu que le preneur peut lui aussi donner congé.
Sauf pour les résidences de tourisme où le bail initial est d’une durée ferme d’au moins 9 ans ([5]).
Dans tous les cas, le bailleur doit signifier son congé par acte d’huissier (la LRAR n’est pas admise).
Lorsque le bailleur donne congé avec refus de renouvellement, il est tenu en principe de verser une indemnité d’éviction au gestionnaire pour l’indemniser de la perte de son fonds de commerce. Il existe néanmoins des exceptions (voir infra).
Outre le congé, le bailleur et le preneur peuvent s’entendre et opter pour une résiliation amiable à tout moment (montant de l’indemnité d’éviction, état des lieux de sortie contradictoire, remise des clefs).
En cas de manquements fautifs aux baux (ex: impayés réitérés de loyers et/ou de charges), le bailleur peut :
Le locataire disposera d’un délai d’1 mois (ou plus selon la rédaction du bail) pour régulariser le ou les manquements reprochés.
A défaut de régularisation, le bailleur pourra saisir le juge des référés (délai de jugement : 3 mois en moyenne) ou les juges du fond (délai de jugement : 18 mois en moyenne) du tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble pour demander l’acquisition de la clause résolutoire et le paiement des loyers et/ou charges impayés.
Si le juge des référés rend une décision plus rapidement, l’inconvénient est qu’il peut se déclarer incompétent en cas de « contestation sérieuse » (ex : mauvaise foi du bailleur). Si le juge des référés se déclare compétent, il peut accorder des délais de paiement au locataire (jusqu’à 24 mois).
Contrairement à l'automatisme de l'application d'une clause résolutoire, la résiliation judiciaire suppose une appréciation, par les juges du fond, de la gravité de la faute contractuelle invoquée par le bailleur (délai de jugement : 18 mois en moyenne).
Le bailleur doit respecter un délai d’au moins 6 mois (voire plus selon le bail).
Le bailleur doit prouver un ou plusieurs motifs graves et légitimes via une mise en demeure préalable de régulariser le ou les manquements dans le délai d’1 mois.
Pour choisir la meilleure stratégie, il est conseillé au propriétaire de prendre attache avec un cabinet d’avocats spécialisé.
Le bailleur doit garder à l’esprit que la décision de donner congé n’est pas un acte sans conséquences.
L'indemnité d'éviction couvre l'intégralité du préjudice causé au locataire par le défaut de renouvellement du bail commercial ([6]).
En pratique, les gestionnaires réclament 2 à 3 années du chiffre d’affaires du logement concerné (chiffre d’affaires divisé selon les tantièmes ou la typologie du lot). Ce montant peut être négocié ou contesté devant le tribunal.
En cas de contestation, le gestionnaire disposera d’un délai de 2 ans pour saisir le tribunal. Si le tribunal est saisi, il tranchera généralement sur la base d’un rapport d’expertise évaluant le montant de l’indemnité d’éviction.
Pendant cette période, le gestionnaire pourra se maintenir dans les lieux et devra payer au bailleur une indemnité d’occupation.
A l’issue du premier bail de 9 ans, la réduction d’impôt sur le revenu dont a bénéficié le propriétaire est acquise (article 199 decies E du code général des impôts). C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le bail initial en résidence de tourisme est d’une durée d’au moins 9 ans ferme.
Pour éviter de devoir restituer une partie de la TVA initialement déduite, le propriétaire doit affecter son lot à une activité para-hôtelière soumise à TVA pendant une durée de 20 ans, c’est-à-dire une activité qui, en sus de l'hébergement en meublé, offre à ses bénéficiaires au moins 3 des prestations suivantes : petit déjeuner, nettoyage régulier des locaux, fourniture de linge de maison ou réception, même non-personnalisée, de la clientèle ([7]).
Le propriétaire pourrait envisager de gérer directement son bien ou d’en confier la gestion à un prestataire externe (mandat de gestion individuel).
A charge pour le propriétaire ou le prestataire externe d’assurer au moins 3 des 4 services para-hôteliers (déduction de TVA).
Naturellement, le propriétaire ne pourra plus se faire rembourser les charges dites récupérables par le gestionnaire au titre du bail commercial. Néanmoins, le propriétaire pourra récupérer des charges sur la clientèle de son lot.
La recherche d’un nouveau gestionnaire unique suppose que les copropriétaires ont donné congé de manière collective, ou en tous les cas un grand nombre.
Les copropriétaires rechercheront ensemble un gestionnaire candidat à la reprise de l’exploitation de la résidence (appel d’offres, mise en concurrence et choix du candidat gestionnaire selon sa solvabilité notamment, négociation sur le montant des loyers, relecture du nouveau bail commercial, …).
Il est assez courant que le repreneur demande une franchise de loyers ou une baisse de loyers à la reprise de l’exploitation.
Alternativement au choix d’un gestionnaire unique, les copropriétaires pourraient envisager de recourir à l’auto-gestion ([8]).
Il est admis que les propriétaires peuvent constituer une SAS (société par actions simplifiée) avec laquelle ils vont louer leurs lots en vertu d’un bail commercial.
La SAS pourra être gérée par les propriétaires eux-mêmes (auto-gestion interne) ou par une société tierce qui assurera l’exploitation de la résidence (auto-gestion déléguée). Si le premier mode d’exploitation se révèle très difficile et contraignant pour les propriétaires, le second permet de déléguer la gestion de la résidence à un prestataire externe via un mandat de gestion.
La SAS demeure propriétaire du fonds de commerce et titulaire des baux commerciaux, elle perçoit la totalité du chiffre d’affaires et verse les loyers aux bailleurs. La SAS, donc les copropriétaires dirigeants, tient une comptabilité et exerce une surveillance sur le mandataire.
Le prestataire externe, qu’il conviendra de choisir avec soin (mise en concurrence préalable), est rémunéré sous forme d’honoraires de gestion avec un fixe et un variable.
Avec ce mode de gestion, les propriétaires retrouvent théoriquement la maîtrise et le contrôle de leur résidence tout en conservant le bénéfice des avantages fiscaux propres aux résidences de tourisme.
Attention néanmoins, le succès de ce montage dépend des compétences des propriétaires dirigeants de la SAS et du choix du prestataire externe.
Parfois, la reprise de la résidence par une SAS de copropriétaires se passe mal, les copropriétaires bailleurs sont divisés et certains souhaitent résilier leurs baux (impayés de loyers, désaccord sur la prise en charge de travaux de rénovation, …).
Le propriétaire a intérêt à se rapprocher préalablement de ses copropriétaires pour adopter une position commune : donner congé collectivement pour changer de gestionnaire unique ou auto-gérer la résidence.
La création d’une association de défense des copropriétaires est recommandée par-rapport au collectif qui a l’inconvénient de ne pas avoir d’existence juridique. L’association permet à ses adhérents propriétaires de mener plusieurs « combats » (paiement des loyers et des charges, exécution des travaux, renouvellement ou fin des baux,…).
Le propriétaire est invité à vérifier la destination de l’immeuble définie dans le règlement de copropriété ainsi que le règlement d’urbanisme de sa commune (PLU ou PLUi). En effet, ces documents peuvent prévoir des contraintes de jouissance du lot.
Exemple : le règlement de copropriété qui impose une destination exclusive de résidence de tourisme, ce qui ne permet pas de jouir de son bien en habitation classique.
Pour modifier la destination de l’immeuble, l’unanimité des copropriétaires est exigée ([9]).
Le propriétaire doit se renseigner en amont sur la propriété des locaux à usage collectif ou PPUC (parties privatives à usage commun) de la résidence (voir le règlement de copropriété).
Si pour les résidences de tourisme construites à partir du 1er juillet 2014 (Loi Alur), les locaux à usage collectif (hall d’accueil, restaurant, piscine,…) appartiennent au syndicat des copropriétaires, ce n’est pas forcément le cas pour les résidences plus anciennes.
Lorsque le gestionnaire est propriétaire de ces locaux, il n’est pas rare qu’il exerce une forme de « chantage » consistant à « menacer » les copropriétaires de ne plus permettre l’usage collectif de ces locaux après résiliation du bail.
Que peut faire le propriétaire dans ce cas ?
D’une part, les propriétaires peuvent ouvrir une discussion avec le gestionnaire pour organiser les conditions de leur usage voire le rachat de ces lots via le syndicat des copropriétaires.
D’autre part, si le propriétaire de ces lots ne les entretient pas, l’assemblée générale des copropriétaires peut saisir le tribunal judiciaire afin de voir constater un état de carence et voir confier leur entretien au syndicat des copropriétaires.
Si un état d’abandon est avéré, le juge peut attribuer la propriété indivise de ces lots au syndicat des copropriétaires après paiement d’une indemnité payée au précédent propriétaire.
Rappelons que les locaux à usage collectif sont indispensables pour maintenir l’exploitation sous le statut des résidences de tourisme et notamment en cas de faillite et/ou de changement de gestionnaire.
* * *
Au regard de tout de ce qui précède, la décision de donner congé au gestionnaire doit être anticipée et réfléchie car les conséquences sont nombreuses et complexes.
Afin de déterminer la meilleure stratégie et de vous accompagner pour mettre fin au bail, il est recommandé au propriétaire de recourir aux services de l’UNPI et d’un cabinet d’avocats spécialisé en matière de baux commerciaux et de résidences gérées.
[1] Sauf clause de renouvellement automatique inscrite dans le bail.
[2] A défaut de congé, le bail se poursuivra par prolongation tacite (article L. 145-9 du code de commerce).
[3] Voir dans le bail s’il est prévu un délai de préavis plus long.
[5] Article L. 145-7-1 du code de commerce. Voir Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 27 janvier 2021, n° 19/14552 : la durée ferme de 9 années applicable aux baux de résidences de tourisme ne concerne que le bail initial et non le bail renouvelé.
[9] Article 26 c) de la loi du 10 juillet 1965.
SCP Gobert & Associés
Me Jacques Gobert
Me Christophe Jervolino
Me Nicolas Fouilleul
Me François Morabito
Source : www.gobert-associes.fr