Investir dans des bureaux, la nouvelle donne

 

MUTATION — La crise sanitaire de 2020-2021, dont les effets se font toujours sentir en cette fin 2022, a profondément modifié la manière de concevoir la vie de bureau, sur fond de travail à distance. Si le marché retrouve peu à peu son attractivité aux yeux des investisseurs, il convient d’en comprendre les nouveaux enjeux avant d’envisager de se lancer.

il n’aura fallu que quelques mois, certes marqués par une inattendue sidération face à l’ampleur d’une pandémie que personne n’aurait pu prévoir, pour que le monde de l’entreprise soit bouleversé dans toutes ses composantes. Et avec lui, la conception même de ce qu’est un bureau. Du jour au lendemain, chefs d’entreprises, managers et collaborateurs ont réalisé qu’il était possible de délocaliser tout ou partie de leurs tâches habituelles moyennant une simple connexion à Internet. Ce que certains observateurs voyaient comme un futur encore incertain est subitement devenu réalité : plus besoin d’être physiquement présent dans un bureau pour y travailler. Une révolution douce, mais une révolution quand même. Si l’ensemble des salariés n’a pas vocation à long terme, à passer au travail 100 % à distance, un partage de la présence sur site se dessine, estime-t-on chez BNP Paribas Real Estate. « Le télétravail a rebattu les cartes de l’organisation du travail et modifié durablement les attentes des collaborateurs », confirme Olivier Estève, directeur général délégué de Covivio, cité par Business Immo. Les nouveaux mots d’ordre sont la flexibilité, la connectivité, le bien-être, la centralité et la convivialité. « Pour les entreprises qui souhaitent attirer et retenir les talents, il s’agit donc de repenser les espaces de travail pour en faire une toute nouvelle destination », poursuit Olivier Estève. Avec l’installation d’une offre de services autrefois réservée à l’univers des loisirs, comprenant restauration de qualité, boutiques, espaces de relaxation et programmation culturelle.

2 % à 8 %
Le rendement locatif avoisine 2 % à 4 % dans le cadre de locaux nus et grimpe à 6 % à 8 % pour des locaux équipés (de mobilier et du matériel nécessaire à leur usage).

Anticiper les attentes des collaborateurs

À quoi ressembleront les bureaux de demain ? La question est posée par un des acteurs majeurs du secteur sur le plan mondial, Cushman & Wakefield, dans une étude publiée en 2022. Le géant américain estime que « la demande d’espaces de bureaux reste forte, portée par l’amélioration de la conjoncture économique et la croissance des emplois tertiaires ». Il existe un intérêt évident, tant pour l’employeur que pour les collaborateurs, à réunir physiquement les équipes, même en intégrant aux organisations une certaine flexibilité. Pour Cushman & Wakefield, « l’hybride va s’installer durablement ». Ce qui signifie que dirigeants et collaborateurs seront amenés à passer d’une approche associant activité professionnelle et poste de travail défini à une autre approche, où l’activité sera réalisée en tout endroit jugé fonctionnel, pratique et agréable. Pour le groupe américain, c'est « le rôle des bureaux qui a changé ».

Il est désormais essentiel de comprendre les attentes des collaborateurs concernant l’expérience qu’ils vont vivre sur leur lieu de travail. En aménageant des espaces leur permettant de se rencontrer, se connecter, collaborer, se ressourcer… Ou comment faire du bureau un univers suffisamment séduisant pour que les salariés d’une entreprise choisissent d’y travailler plutôt que de chez eux ou dans un tiers-lieu. Un changement d’époque, en effet !

Un appréciable rendement locatif

À ce changement de philosophie s’ajoute une accélération de la transition énergétique, qui devient une priorité tant pour l’entreprise que pour ses collaborateurs, notamment les plus jeunes. Dans ces conditions, investir dans des bureaux est-il toujours une bonne idée ? Pour Le Mag de l’Immobilier, « le développement du télétravail et sa mise en application forcée à 100 % dans les entreprises a découragé certains investisseurs. (…) Cependant, il ne peut être exercé en permanence pour le bon maintien de l’activité et pour le bien-être des salariés. En conséquence, les bureaux seront toujours utiles et les investissements dans ce secteur devraient prochainement repartir à la hausse. » Quelle rentabilité en attendre ? Le rendement locatif avoisine 2 % à 4 % dans le cadre de locaux nus et grimpe à 6 % à 8 % pour des locaux équipés (de mobilier et du matériel nécessaire à leur usage). Soit un niveau appréciable à condition, mais cela n’est pas une surprise pour les familiers de l’immobilier, de choisir le bon emplacement !


GÉOGRAPHIE — L’analyse de Gildas Boreau-Potocki, fondateur de GBP Advisory, cabinet de conseil indépendant en immobilier de bureaux.

“ Privilégier l’emplacement en centre-ville”
Le marché des bureaux a-t-il fondamentalement changé avec la pandémie ?
Gildas Boreau-Potocki : La pandémie de Covid-19 a agi comme un accélérateur d’un mouvement que l’on voyait poindre depuis une dizaine d’années. Nous assistons en effet, dans l’Europe entière, à une indéniable contraction des espaces de travail individuels. À la fin du XXe siècle, on considérait qu’un emploi de bureau, surtout s’agissant d’un cadre, nécessitait de 10 à 15 m2 par poste hors espaces communs. Alors qu’en 2022, certaines entreprises tablent sur 4 à 5 m2 ! Ceci résulte de plusieurs facteurs conjugués, à commencer par la nomadisation des fonctions résultant de leur digitalisation. Quel chef d’entreprise accepterait aujourd’hui de louer des mètres carrés de bureau inoccupés par des collaborateurs travaillant à distance ? Qu’on le veuille ou non, le télétravail s’est imposé à marche forcée lors de la pandémie, imposant une réorganisation autant des bureaux que du domicile des salariés concernés.
Est-ce la fin des bureaux individuels dans les entreprises ?
Il est très difficile de se prononcer sur cette question. Les grands groupes avaient entamé bien avant la pandémie une réflexion sur les bureaux mobiles ou partagés, ce que l’on appelle le flex-office. En clair, fini le poste de travail individuel, le collaborateur s’installe là où il le souhaite — ou là où il le peut — en fonction de ses besoins du jour. Il s’agissait là d’une réponse organisationnelle ayant pour objet de réduire la surface locative allouée par l’entreprise. Avec en contrepartie la création d’espaces dédiés à la détente et au bien-être des salariés. En pratique, cette solution n’a pas encore pleinement convaincu. Elle a même généré un turn-over inattendu. Il est donc probable que nous arrivions à de nouvelles organisations des surfaces de bureaux, alliant la nécessaire flexibilité des postes de travail à une certaine personnalisation, voire une plus grande intimité.
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“Les tours de 40 étages dont on ne peut ouvrir les fenêtres
et dont les ascenseurs font figure de clusters ambulants n’ont plus la cote”

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En matière d’emplacement, ce qui est la clé de tout investissement immobilier, y a-t-il des gagnants et des perdants après ces trois années de bouleversement ?
Le grand vainqueur post Covid-19 est sans conteste la centralité. Que l’on soit à Paris, à Périgueux ou à Nancy, tout le monde veut être au centre. Certaines entreprises sont prêtes à diviser par trois leur surface pour un même budget et à effectif constant, à condition de quitter la périphérie de l’agglomération où elles étaient installées depuis des décennies. Ceci est directement lié aux changements organisationnels que nous venons d’évoquer. Quitte à l’occuper à temps partiel, Il vaut mieux un petit bureau dans l’animation d’un centre-ville qu’un vaste espace excentré dans une zone commerciale anonyme. Il est intéressant de constater que cette démarche réunit peu ou prou les dirigeants d’entreprise et leurs salariés !
Les bureaux en périphérie des grandes villes sont-ils condamnés ?
Ils sont en tout cas, à l’heure actuelle, les grands perdants des années écoulées. Le cas de Paris est éloquent. Intra-muros, la demande est telle que le taux de vacances est très faible, autour de 3 %. En 1ère Couronne, soit au-delà du boulevard Périphérique, on est à 15 %. Et ce taux monte à 25 % en 2ᵉ Couronne. On estime qu’il y a, en ce 2ᵉ semestre 2022 un million de mètres carrés de bureaux vacants en banlieue parisienne ! Pour aggraver cette situation, les tours de 40 étages dont on ne peut ouvrir les fenêtres et dont les ascenseurs font figure de clusters ambulants n’ont plus la cote. Les raisons en sont évidentes. Je fais toutefois confiance au marché et à ses acteurs, qui sauront s’adapter à moyen ou long terme. Mais à quel prix ?
Quel conseil donner aux investisseurs potentiels ?
Comme toujours en matière d’immobilier, il convient de privilégier l’emplacement. S’il s’agit d’acheter 100 m2 pour les mettre en location en direct, la démarche se rapproche d’un investissement résidentiel. Raison de plus pour rester dans la ville — ou au moins la région — où l’on habite et que l’on connaît. Attention ensuite à bien vérifier l’affectation du bien, notamment à Paris. De nombreuses communes sont très pointilleuses sur le sujet. Il est indispensable de faire vérifier par un notaire que l’usage en tant que bureau est possible, et dans quelle mesure. Dans le cas d’un investissement plus important, par exemple 3 000 à 4 000 m2, il importe de se concentrer sur les valeurs sûres que sont Paris, Lyon et Marseille, suivies des 10 plus grandes villes de France. Mais il importera alors de se faire accompagner par un cabinet spécialisé pour éviter les déconvenues.

Laurent Caillaud, journaliste


Décret tertiaire : Les obligations de réduction de consommation d’énergie finale

Les personnes assujetties à cette obligation avaient jusqu’au 30 septembre 2022 pour effectuer sur la plateforme OPERAT la première déclaration annuelle des consommations d’énergie et la déclaration des données de référence. L e décret pris en application de la loi ELAN dit tertiaire prévoit l’obligation de mise en œuvre d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans les bâtiments existants à usage tertiaire. Pour répondre à l’obligation du décret tertiaire, il faut remplir l’un des deux types d’objectifs suivants :
> Les objectifs en valeurs relatives au titre desquels la réduction doit être d’au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050 par rapport à 2010 [1]  ;
> Les objectifs en valeurs absolues, qui sont des seuils fixés définis pour chaque catégorie d’activité par les arrêtés dits « valeurs absolues ».

Les personnes concernées par l’obligation

Les assujettis à l’obligation de déclaration sont conformément à l’article R. 174-27 du code de la construction et de l’habitation (CCH) le propriétaire et le cas échéant, le preneur à bail de :
> Bâtiments tertiaires d’une surface de plancher supérieure ou égale à 1 000 m2 ;
> Toutes parties d’un bâtiment à usage mixte qui hébergent des activités tertiaires sur une surface de plancher cumulée supérieure ou égale à 1 000 m2 ;
> Tout ensemble de bâtiments situés sur une même unité foncière ou sur un même site dès lors que ces bâtiments hébergent des activités tertiaires sur une surface de plancher cumulée supérieure ou égale à 1 000 m2.

Ces bâtiments tertiaires sur lesquels portent l’obligation de réduction de la consommation d’énergie finale sont intitulés « entités fonctionnelles assujetties (EFA) ». La souplesse du dispositif permet la mise en œuvre de la déclaration de 3 manières différentes.

Elle peut être effectuée, tout d’abord, par le preneur à bail à la suite de la transmission des éléments nécessaires par le propriétaire. A ce titre, l’article R. 174-28 du CCH prévoit que « les propriétaires et les preneurs à bail se communiquent mutuellement les consommations annuelles énergétiques réelles de l’ensemble des équipements et des systèmes dont ils assurent respectivement l’exploitation ». Ensuite, par le preneur à bail qui déclare ses propres consommations et le propriétaire qui déclare les consommations dont il assume la charge. Enfin, par un tiers mandaté par l’exploitant et/ou le propriétaire.

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Pour les entreprises qui souhaitent attirer et retenir les talents,
il s’agit donc de repenser les espaces de travail pour en faire une toute nouvelle destination

Olivier Estève, directeur général délégué de Covivio
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Déterminer la  consommation de référence

La consommation de référence prise en compte pour l’atteinte de l’objectif de réduction de la consommation finale est celle du premier assujetti. Cette première déclaration réalisée en 2022 est très importante pour remplir les objectifs en valeurs relatives. Il est donc recommandé au propriétaire de choisir comme année de référence une année au titre de laquelle le bâtiment a beaucoup consommé. Cette référence, doit être prise sur douze mois consécutifs compris sur la période 2010-2019 et inclure une période de chauffe. Il est possible de collecter les données historiques de consommation auprès des gestionnaires de réseaux et de distribution qui ont conclu une convention avec l’Ademe, tel que GRDF.

Il ressort du webinaire organisé par la Direction de l’Habitat, l’Urbanisme et des Paysages (DHUP), en date du 4 juin 2022, que sur la plateforme OPERAT lorsque l’ensemble des valeurs absolues seront disponibles, il sera possible de tester l’effet de l’ajustement sur différentes années entre 2010 et 2020 avant de valider sa déclaration. L’arrêté dit « valeurs absolues III » est en cours de rédaction. Une fois la déclaration validée, le propriétaire pourra invoquer une seule fois le droit à l’erreur afin de modifier sa consommation de référence.

Déterminer les objectifs de réduction de la consommation d’énergie finale

L’Annexe II de l’arrêté du 10 avril 2020 prévoit que les catégories d’activités sont décomposées en sous-catégories correspondant à des zones fonctionnelles dont les usages spécifiques sont différenciés. Les objectifs en valeurs absolues sont fixés en fonction de la sous-catégorie. Cette décomposition permet de définir des objectifs en valeurs absolues les plus proches possibles de la configuration de l’entité fonctionnelle assujettie (EFA). Selon Marc LEREAU, Chef de projet Éco Énergie Tertiaire, « la répartition des surfaces totales entre les sous-catégories peut être faite de façon approximative en 2022 et plus précise au cours des années ultérieures dans le cadre de l’adaptation et la modulation en fonction du volume d’activité [2]. Cela n’entre pas dans le champ d’application du droit à l’erreur et peut être fait en tout temps [3]  ».

Les assujettis ne sont pas obligés de choisir des sous-catégories en optant pour la sous-catégorie par défaut. L’inconvénient de cette sélection est que la modulation sera très sommaire et pour bénéficier d’une modulation personnalisée, il faudra constituer un dossier technique ou procéder a posteriori à la sélection des sous-catégories qui concerne l’EFA.

Élaborer un plan d’action

Selon François ADAM, Directeur de la Direction de l’Habitat, l’Urbanisme et des Paysages (DHUP), la plateforme OPERAT est un outil pour les assujettis, « le propriétaire fait avec ce qu’il a et il pourra modifier au courant de l’année sa déclaration (3) ». Sur la plateforme OPERAT, l’assujetti pourra identifier les différents leviers d’actions tels que la performance énergétique des bâtiments, la sensibilisation des occupants de bâtiments, l’installation d’équipements performants, de dispositifs de contrôle et de gestion active des équipements.

L’article L. 174-1 II, du CCH prévoit que les propriétaires des bâtiments ou des parties de bâtiments et, le cas échéant, les preneurs à bail qui sont soumis à l’obligation pour les actions qui relèvent de leurs responsabilités respectives en raison des dispositions contractuelles régissant leurs relations définissent ensemble les actions et mettent en œuvre les moyens correspondants chacun en ce qui les concerne. Dès lors, afin de parvenir aux objectifs fixés par le décret tertiaire, il est nécessaire de clarifier les obligations du propriétaire et s’il y a lieu du locataire sur chacun des leviers d’actions et fixer des échéances prévisionnelles de réalisation. Si l’entité fonctionnelle assujettie est donnée à bail, la conclusion d’un avenant est recommandée.

Pour toute question portant sur l’application de l’obligation à un local à usage tertiaire dont vous êtes propriétaire, n’hésitez pas à vous rapprocher d’une chambre locale de l’Union Nationale des Propriétaires Immobiliers (UNPI).

Livia Broche, juriste

Source : 25 Millions de Propriétaires, n°566 - Octobre 2022


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[1] art. L. 174- du code de la construction et de l’habitation (CCH)

[2] Pour plus d’informations sur la modulation des objectifs v. « Bâtiments tertiaires : l’exigence environnementale » 25 millions de propriétaires, juillet/août 2020 p. 30.

[3] Webinaire d’actualité autour du dispositif Éco Énergie Tertiaire, 6 avril 2022 organisée par la Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages.