Rénovation énergétique des logements : Quels enjeux pour les propriétaires ?

La « Stratégie nationale bas-carbone » initiée par le gouvernement vise un objectif concret : respecter l’Accord de Paris sur le climat — signé en 2015 par 55 pays — en atteignant la neutralité carbone d’ici 2050. C’est-à-dire que nos émissions de gaz à effet de serre (GES) soient compensées par l’absorption de carbone due aux forêts, aux sols agricoles et à la nature en général ainsi que par des procédés industriels dédiés (capture, stockage et réutilisation de carbone).

 

Pour le ministère de la Transition écologique, cette feuille de route concerne tous les secteurs d’activité et doit être portée par tous : citoyens, collectivités et entreprises. 

Dans cette optique, le ministère a identifié 4 leviers d’action :
>Recourir aux énergies décarbonées les plus adaptées à la typologie des bâtiments.
>Améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments grâce à de nouvelles réglementations environnementales pour les bâtiments neufs et grâce à 500 000 rénovations par an pour le parc ancien, en ciblant les « passoires énergétiques ».
>Encourager des changements comportementaux pour des usages plus sobres. Ce qui passe par l’adoption de nouvelles habitudes au quotidien en vue de réduire notre consommation énergétique et notre production de déchets.
>Promouvoir les produits de construction et de rénovation et les équipements à plus faible empreinte carbone (issus de l’économie circulaire ou biosourcés) et à haute performance énergétique et environnementale sur l’ensemble de leur cycle de vie.

Le gouvernement vise un objectif concret : respecter l’Accord de Paris sur le climat […]
Concernant les bâtiments, donc les logements, une première étape est fixée à 2030,
avec la réduction des GES de 49 % par rapport à 2015.

Selon l’Observatoire National de la Rénovation Énergétique, la France compte 7,2 millions de ces fameuses passoires thermiques (soit 17 % du parc). Il s’agit de logements tellement mal isolés qu’ils deviennent parfois impossibles à chauffer en hiver, ou alors au prix d’une consommation énergétique démesurée. Pour y remédier a été promulguée en 2021, la loi Climat et Résilience, qui fait reposer l’activité immobilière (vente et location) sur le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) et sa désormais célèbre notation allant de A (les bons élèves) à G (les cancres). Avec des conséquences très concrètes : depuis août dernier, les loyers des logements les plus énergivores, ceux classés F ou G, ne peuvent plus être augmentés en cours de bail ni réévalués lors d’un renouvellement de bail ou d’un changement de locataire ; à compter de 2023, il ne sera plus possible de louer des logements classés G ; en 2025, il faudra avoir effectué des travaux de mise aux normes de tous les logements classés G, idem pour les F en 2028. De nombreuses initiatives locales viennent encourager la mise aux normes du parc existant : le conseil de Paris vient ainsi d’annoncer que les propriétaires qui auront investi dans la rénovation thermique de leur appartement « dans les conditions légales » entre 2020 et 2026 seront exonérés à 100 % du paiement de la taxe foncière !

Des contours encore flous pour le futur « audit énergétique »

À partir du 1er avril 2023, un audit énergétique devra être réalisé en cas de vente d’un logement appartenant aux classes D, E, F ou G. Cet audit énergétique, indique le ministère de la Transition écologique, est un nouveau document qui repose sur une analyse plus complète que le diagnostic de performance énergétique et qui a surtout vocation à proposer des travaux à réaliser pour améliorer le classement de l’habitation, en une seule fois ou par étapes : en précisant à chaque étape les économies d’énergies estimées, l’estimation du montant des travaux ou encore la mention des principales aides financières mobilisables. Il règne encore un certain flou sur l’application de ce nouveau dispositif, ce que reconnaît le ministère : « même si les textes réglementaires ont été publiés et donnent de la visibilité aux acteurs quant à leurs obligations pour cet audit, le développement d’une offre suffisante de professionnels compétents et formés à la réalisation de ces audits nécessitera encore quelques mois pour être en capacité de répondre à la demande lors des ventes. C’est pourquoi, afin de garantir la qualité des audits énergétiques à la date d’entrée en vigueur de l’obligation, et la formation d’un nombre suffisant de professionnels, le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, le ministère de la Transition énergétique et le ministère délégué à la Ville et au Logement ont décidé de reporter l’entrée en vigueur de cette mesure, à la date du 1er avril 2023. Ainsi, les vendeurs de biens dont le DPE est de classe F ou G n’auront pas à produire d’audit énergétique pour les promesses de vente ou, à défaut de promesse de vente, les actes de vente, signés avant cette date. »

Comment gagner ses lettres de noblesse au DPE

De nombreux propriétaires se demandent à juste titre comment gagner une lettre ou deux pour que leur bien reste éligible au marché de la vente ou de la location. « Avant de définir un plan d’action pour entreprendre les travaux, il est impératif d’en déterminer le contexte, que ce soit lors d’un nouvel investissement ou dans le cadre d’un arbitrage sur son patrimoine immobilier existant, explique Thomas Charrier, gérant du cabinet B2I Expertises. Puis dans un second temps de définir ses objectifs ; le propriétaire souhaite-t-il garder le bien à court, moyen ou long terme ? Pour quel ratio coût/performance ? en plus du gain de confort pour l’habitant ». Pour gagner une lettre, selon B2I Expertises, le propriétaire aura généralement intérêt à opter pour une isolation par l’intérieur, à changer les vieux radiateurs par des radiateurs dits intelligents et remplacer les ouvrants (fenêtres, portes, etc.). Ce qui, dans le cas d’un appartement, peut nécessiter un accord préalable de la copropriété. Pour gagner deux lettres ou plus, il conviendra de réaliser des travaux plus lourds, qui imposeront généralement une proposition à l’ordre du jour de l’assemblée générale et le vote des copropriétaires. Car il s’agit là d’appliquer une isolation des murs par l’extérieur, une isolation de la toiture ou du plancher, la rénovation de la VMC ou l’installation d’une VMC performante et surtout le changement du système de chauffage. « Ce qui sera primordial dans les années à venir, c’est d’identifier au plus tôt les éventuels travaux et coûts afférents en fonction des obligations réglementaires et de ses projets, estime Clémence Lamothe, co-fondatrice de l’agence Circuméo. Puis de définir et exécuter son plan d’action avant le rush lié aux échéances ! »

“Améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments passera notamment par 500 000 rénovations
chaque année pour le parc ancien”
selon le ministère de la Transition écologique

Pour Total Energies, le premier moyen pour améliorer le résultat d’un DPE consiste à commencer les travaux d’isolation par la toiture qui constitue le premier poste de déperdition de chaleur dans une maison (entre 25 et 30 % de la déperdition totale, contre 20 à 25 % pour les murs et 10 à 15 % pour les fenêtres). Le fait de réaliser les travaux d’isolation thermique avant d’autres types de travaux permettra de mieux choisir le dimensionnement des équipements de chauffage (chaudières, poêles, pompe à chaleur etc.). Qu’en est-il côté prix ? Il faudra compter de 3 000 à 5 000 € pour une chaudière à condensation à gaz, de 7 000 à 18 000 € pour une chaudière à granulés automatique (lire l’encadré), de 6 000 € à 20 000 € pour une chaudière à bois performante et de 10 000 à 15 000 € pour une pompe à chaleur (source ADEME). Pour les travaux d’isolation, tout dépendra du volume et de la surface du logement, ainsi que du type d’isolant choisi : il est possible d’en trouver à partir de 3 €/m2 (laine de verre, par exemple), jusqu’à plus de 60 € m2 pour les panneaux isolants sous vide.

Alternative : La chaudière à granulés, une option intéressante pour les maisons
Si vous habitez dans une maison et que le moment est venu de remplacer votre installation de chauffage, il est temps de vous intéresser à la chaudière à granulés. Son principe de fonctionnement est très simple : au lieu de consommer du gaz, de l’électricité ou du fioul, vous utilisez la combustion des granulés de bois, aussi appelés « pellets », pour faire monter en température l’eau du circuit de chauffage central (et généralement celle du ballon d’eau chaude). Les granulés de bois sont un produit transformé obtenu par la récupération de copeaux ou de sciures de bois ; ils sont donc beaucoup plus respectueux de l’environnement que les énergies fossiles ou l’électricité. Selon Engie, cette solution de chauffage offre un confort de chauffe et une production d’eau chaude optimale en toute saison, grâce à une énergie renouvelable et locale : le bois. De plus, elle s’adapte à toute maison disposant d’un espace de stockage suffisant pour les granulés, à condition de les isoler des intempéries. Ses avantages économiques et environnementaux sont indéniables :
> Des économies de combustible allant jusqu’à 35 % en moyenne chaque année sur le fioul ou le gaz.
>
 Jusqu’à 10 fois moins d’émissions de CO2 qu’avec une chaudière au fioul. Et quasiment aucune nuisance (fumée, vapeur) pour le voisinage.
>
 Des aides de l’État allouées en fonction des ressources (infos sur Maprimerenov.gouv.fr)
>
 Un raccordement très simple au circuit de chauffage existant (radiateurs ou planchers chauffants).

Combien coûte une telle installation ? À partir de 3 000 à 4 000 € pour un poêle de base, plus les frais d’installation (environ 1 500 €). Mais un équipement complet pourra coûter 15 000 € voire plus. Tout dépend évidemment de la surface à chauffer (une pièce centrale ou l’intégralité de la maison) et de l’isolation thermique. Un bilan énergétique global sera donc nécessaire avant d’investir pour tirer le meilleur parti d’une chaudière à granulés (renseignements sur france-renov.gouv.fr).

 

A savoir
Le DPE, qui est valable 10 ans, a été renforcé et fiabilisé en juillet 2022. De manière transitoire, ceux réalisés entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2021 sont valables jusqu’au 31 décembre 2024, ceux réalisés entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2017 sont valables jusqu’au 31 décembre 2022. Si un ancien DPE classait le logement entre A et D, il est possible d’augmenter le loyer et il n’y a aucune obligation de refaire un diagnostic, même si celui fourni lors de la conclusion du contrat n’est plus valide aujourd’hui.

 

Le fioul ne fait plus recette

Haro sur le fioul ! Le gouvernement a annoncé en novembre 2022 un nouveau coup de pouce à destination des Français qui remplacent leur chauffage à mazout. « La priorité est de définitivement tourner le dos aux chaudières au fioul, car c’est le mode de chauffage le plus nocif pour l’environnement, confirme Éric Laurent, chef de marché Copropriétés chez GRDF. Les pouvoirs publics ont donc décidé de sortir du fioul domestique, qui concerne encore près de 3 millions de logements individuels ou collectifs en France. Pour cela, de nombreuses aides ont été mises en place, conditionnées ou non aux revenus de ceux qui les demandent. Notamment, depuis la fin octobre 2022 et jusqu’au 30 juin 2023, la prime CEE coup de boost, qui montera jusqu’à 5 000 € pour les revenus modestes afin de les aider à remplacer leur chaudière au fioul par un chauffage considéré comme vertueux, comme la pompe à chaleur hybride (lire l’interview). » Il est à noter que cette aide se cumule avec MaPrimeRénov’, qui remplace depuis janvier 2020 l’ancien crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE). Les multiples aides accordées par l’État sont parfois difficiles à déchiffrer, pour savoir auxquelles ils sont éligibles, les propriétaires auront tout intérêt à consulter les sites Internet Maprimerenov.gouv.fr et France-renov.gouv.fr !

par Laurent Caillaud, journaliste

 

Quand l’hybride s’invite dans la rénovation énergétique
TRANSITION — Après l’automobile, le secteur de la rénovation énergétique découvre les vertus de l’hybridation ! La pompe à chaleur hybride connaît un succès grandissant — et mérité – en France, le point avec Benoît Chaintreuil, responsable Réglementation bâtiments existants chez GRDF. 
GRDF soutient l’installation de pompes à chaleur hybrides dans les logements, quel en est le principe ? Quelles en sont les vertus ?
Benoît Chaintreuil : Son fonctionnement est assez simple. L’air extérieur, le sol ou l’eau souterraine contiennent naturellement des calories, qu’une pompe à chaleur électrique, ou PAC, capte via une unité extérieure et restitue dans le logement, soit par un système de diffusion d’air soit via des radiateurs. Cette solution offre des performances tout à fait satisfaisantes sur le plan environnemental, mais elle atteint ses limites lors des épisodes de grand froid et voit alors sa consommation d’électricité augmenter, précisément aux moments où le système électrique est le plus en tension, ce qui n’est pas optimal. C’est là l’intérêt de la pompe à chaleur hybride, qui résulte du couplage d’une PAC électrique air/eau et d’une chaudière au gaz à très haute performance. Ce système apparaît comme l’une des meilleures solutions du marché sur le plan énergétique, environnemental et économique pour le chauffage des maisons individuelles.
Quel est le coût d’une pompe à chaleur hybride à l’installation ?
L’installation d’une PAC électrique standard dépend directement du volume à chauffer, donc de la taille du logement et de la qualité de son isolation. Son prix s’établira autour de 12 000 à 13 000 € pose comprise pour une maison moyenne. Alors que le module pompe à chaleur d’une PAC hybride n’a pas besoin d’être aussi puissant, étant donné que la chaudière au gaz prendra le relais en cas de grand froid. Résultat, elle ne coûtera que 10 000 € environ pour une maison de la même taille. En termes de factures énergétiques, la PAC hybride est également compétitive par rapport à la PAC électrique, a fortiori si le ménage souscrit à une offre tarifaire adaptée.
 
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“L’objectif est de réduire notre consommation globale d’énergies fossiles,
tout en nous tournant de plus en plus vers des sources d’énergie renouvelables et plus respectueuses de l’environnement”

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Benoît Chaintreuil, responsable Réglementation bâtiments existants chez GRDF
Qu’en est-il dans les logements collectifs ?
L’objectif, ambitieux mais indispensable, fixé par l’Accord de Paris, est que nous atteignions la neutralité carbone d’ici 2050. Ce qui impose que nous réduisions de manière drastique nos émissions de CO2, partout où cela est possible. En clair, nous devons économiser l’énergie et décarboner les vecteurs énergétiques. Pour les logements, comme pour tous les bâtiments en général, cela passe autant par des travaux d’isolation de haut niveau que par l’utilisation d’énergies renouvelables, ou hybrides. Dans les logements collectifs, tout dépend du mode de chauffage en place. S’il s’agit d’une chaudière individuelle, les solutions de rénovation sont aujourd’hui limitées. L’installation d’une chaudière THPE, c’est-à-dire à très haute performance énergétique, reste la meilleure option. Grâce à son haut rendement, elle permet en effet de réduire immédiatement de près de 30 % les consommations, les émissions de gaz à effet de serre et les factures des particuliers par rapport à une chaudière d’ancienne génération. Elle fera généralement gagner une classe de DPE, ce qui peut faire la différence dans l’optique d’une mise en location. Il est à noter que si la chaudière est raccordée à un conduit de fumée collectif et non individuel, une telle rénovation est techniquement plus délicate, et requiert une décision à l’échelle de la copropriété. En cas de chauffage collectif, le panel de solutions performantes accessibles est plus étendu. La pompe à chaleur hybride en fait partie, de même que la chaudière THPE.
Comment atteindre le graal d’un A ou B au diagnostic de performance énergétique sur un logement ancien ?
Cela repose sur des travaux englobant le chauffage, la production d’eau chaude, la consommation d’électricité et l’isolation. Si l’on s’en tient au chauffage, l’atteinte des classes énergétiques A et B suppose de mettre en œuvre des travaux de rénovation ambitieux, intégrant par exemple une solution gaz associée à une énergie renouvelable. La PAC hybride en est un exemple, de même que le couplage d’une chaudière THPE au gaz avec l’énergie solaire, qui est encore sous-utilisé en France alors que c’est une technologie parfaitement maîtrisée et qui n’a pas besoin de matériaux rares.
À l’horizon 2050, est-il envisageable de se passer du gaz pour se chauffer ?
La question ne se pose pas ainsi. L’objectif est de réduire notre consommation globale d’énergies fossiles, tout en nous tournant de plus en plus vers des sources d’énergie renouvelables et plus respectueuses de l’environnement. Parmi celles-ci, l’une des plus prometteuses est le biométhane, un gaz renouvelable issu de la dégradation de matières organiques comme des déchets d’origine agricole. Une filière qui représente à ce jour près de 2 % du gaz de réseau en France. Cela peut sembler faible, mais c’est déjà un immense pas en avant, et le développement de ce gaz vert est exponentiel. Et la filière travaille sur de nombreuses autres pistes comme la pyrogazéification ou le méthane de synthèse, dont les potentiels de production à long terme sont également très importants. L’objectif d’un verdissement total du gaz de réseau à l’horizon 2050 paraît donc atteignable !

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