Dans quels cas faut-il solliciter un permis et quand peut-on se limiter à faire une déclaration de travaux ?
« Les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d’un permis de construire ». Telle est la règle de l’article L 421-1 du code de l’urbanisme[1]. Le même article ajoute que certains travaux, précisés par décret, doivent également être précédés de la délivrance d’un permis.
Les articles R 421-14 et suivants précisent la liste des travaux soumis à permis de construire.
Relèvent d’un permis de construire :
• les travaux créant une surface de plancher ou une emprise au sol de plus de 20 m² ;
• dans les zones urbaines d’un PLU[2] , les travaux créant une surface de plancher ou une emprise au sol de plus de 40 m². Toutefois, les travaux créant de 20 à 40 m² mais portant la surface ou l’emprise totale de la construction au-delà des seuils de l’article R 431-2 (soit plus de 150 m² pour des constructions à usage autre qu’agricole) restent soumis à permis de construire ;
• les travaux modifiant les structures porteuses ou la façade d’un bâtiment si les travaux s’accompagnent d’un changement de destination ou de sous-destination ;
• les travaux nécessaires à la réalisation d’une opération de restauration immobilière.
Par ailleurs, en application de l’article L 421-4, certaines constructions, aménagement ou travaux, dont la liste est fixée par décret, font l’objet d’une déclaration préalable. Cette liste de travaux relevant d’une déclaration préalable figure aux articles R 421-17 et R 421-17-1.
En voici quelques exemples :
• les travaux modifiant l’aspect extérieur d’un bâtiment existant (création d’ouverture, changement de porte ou de volets ou de toiture, création de véranda) ;
• les constructions nouvelles (surface de plancher ou emprise au sol de plus de 5 m²) mais qui ont une emprise au sol maximum de 20 m² et une surface plancher maximum de 20 m².
Dans les zones urbaines d’un PLU, ce seuil est porté à 40 m² (sauf si cela conduit à dépasser le seuil de l’article R 431-2) ;
• les travaux modifiant l’état des éléments d’architecture et de décoration pour des éléments protégés par un plan de sauvegarde et de mise en valeur ;
• le ravalement n’impose pas de déclaration préalable en principe. Elle est toutefois requise si votre immeuble est situé dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable, aux abords d’un monument historique ou sur un site inscrit, classé, dans une réserve naturelle, à l’intérieur du cœur d’un parc national. Il se peut aussi que la commune ait décidé de soumettre le ravalement à autorisation d’urbanisme (art. R 421-17-1) ;
• la transformation d’un garage en pièce d’habitation (pour un changement de plus de 5 m²). Vérifiez auprès de la mairie si le PLU n’impose pas l’existence d’une place de stationnement).
Enfin, certains travaux sont dispensés de toute formalité (art. L 421-5). Leur liste figure aux articles R 421-2 et suivants. Exemples :
• les constructions nouvelles de moins de 12 m de haut et de moins de 5 m² de surface de plancher et d’emprise au sol de moins de 5 m² ;
• les habitations légères de loisirs de moins de 35 m², implantées notamment dans les parcs résidentiels de loisirs, villages de vacances ou les terrains de camping ;
• les piscines de moins de 10 m² ;
• les murs de soutènement (sauf dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables ou aux abords des monuments historiques).
D’autres dispenses sont prévues notamment en raison de la protection de la défense nationale (art. R 421-8) ou du caractère temporaire des installations (moins de 3 mois, art. R 421-5).
Quelles sont les conséquences fiscales de l’importance du projet ?
Une fois tranchée la question de la nature de l’autorisation à obtenir, vous devez aussi vous préoccuper, selon l’importance de votre projet de construction, de son impact fiscal. Trois impacts sont à prévoir.
> Sur la déductibilité des travaux pour un bailleur
De simples travaux d’aménagement sont déductibles des revenus fonciers, tandis que des travaux conséquents, assimilables à une reconstruction ne sont pas déductibles car ils sont considérés comme une construction neuve. Les travaux d’entretien et de réparation, c’est-à-dire ceux qui sont destinés à maintenir ou remettre l’immeuble en bon état sans en modifier la consistance, sont déductibles. Les dépenses d’amélioration, qui apportent un nouvel équipement au bien ou un élément de confort nouveau, sont également déductibles pour les locaux d’habitation (installation de chauffage, d’un ascenseur ou d’une salle de bain). En revanche, ces travaux d’amélioration pour les locaux autres que les logements ne sont pas déductibles. Par exception, des travaux d’élimination de l’amiante ou visant à favoriser l’accueil des personnes handicapées dans des locaux professionnels ou commerciaux sont déductibles.
Si les travaux visent à agrandir un immeuble, ils ne sont pas déductibles, pas plus que des travaux de construction ou de reconstruction. Les travaux apportant une modification importante au gros-œuvre ou des travaux d’aménagement intérieurs qui par leur importance équivalent à une reconstruction, ne sont pas déductibles.
Exemples :
• dans un immeuble d’habitation, la transformation d’emplacement de parkings souterrains en boxes constitue des travaux d’amélioration déductibles (CE, 7 mai 1986, n° 39426) ;
• à l’inverse, des travaux de consolidation des murs extérieurs, avec démolition des murs intérieurs et des cloisons, la mise en place de piliers pour consolider la structure, la reprise partielle de la toiture, la pose d’un escalier mécanique, qui ont affecté le gros-œuvre de manière importante et entraîné une redistribution totale de l’aménagement intérieur, sont des travaux de reconstruction non déductibles (CE, 8 juillet 2005, n° 253291).
> Sur la taxe foncière
La valeur locative, assiette d’imposition de la taxe foncière, est modifiée par suite de la réalisation de travaux. Si vous ajoutez des éléments de confort à votre immeuble, sa valeur locative est accrue et la taxe foncière sera donc augmentée. Les évaluations sont mises à jour chaque année en fonction notamment des changements de caractéristiques physiques des biens (adjonction d’éléments nouveaux, transformations intérieures, travaux de rénovation ou de gros entretien). Les propriétaires doivent déclarer les constructions nouvelles mais aussi les changements de consistance des locaux. La déclaration doit être faite dans les 90 jours de la réalisation définitive des travaux auprès du service des impôts fonciers du lieu de situation du bien. Le défaut de production de la déclaration (formulaire 6 704-IL) est passible d’une amende de 150 €.
> Sur la TVA
Des travaux de construction relèvent en principe du taux de TVA de 20 % tandis que des travaux effectués sur des logements de plus de deux ans, sont taxés au taux intermédiaire de 10 %. Par ailleurs, les travaux d’amélioration de la qualité énergétique des logements bénéficient du taux réduit de 5,5 % (sous réserve de respecter des critères de performance minimale).
Vous avez réalisé l’extension de votre bâtiment ou une construction. Des recours sont possibles. Comment les prévenir ? Un projet de construction d’un bâtiment emporte une multitude d’incidences. Pour le porteur du projet, le plus intéressant est sa réalisation concrète. Mais il doit aussi faire face aux incidences administratives et fiscales, afin de pouvoir se consacrer paisiblement au cœur de son projet. Afin de faciliter la réalisation des constructions, les pouvoirs publics ont modifié les textes afin d’encadrer les recours. Par ailleurs, les recours jugés abusifs sont susceptibles de sanctions. Pour limiter les recours, le maître de l’ouvrage doit respecter scrupuleusement les règles d’urbanisme et se ménager les preuves du bon déroulé des opérations.
Accordé, la réserve du droit des tiers
« Le permis est délivré sous réserve du droit des tiers ». Cette règle de principe figure à l’article A 424-8. Un peu sibylline pour le non-juriste, elle est pourtant essentielle à la bonne compréhension des recours : l’octroi du permis de construire permet de vérifier la conformité du projet aux règles d’urbanisme. Mais il ne vérifie pas si le projet respecte les autres réglementations et les règles du droit privé. Par exemple, il n’examine pas si votre projet porte une atteinte excessive aux droits d’un voisin dont la propriété serait affectée par une perte d’ensoleillement ou la disparition d’une vue remarquable. Si votre voisin s’estime lésé par la méconnaissance de son droit de propriété par la réalisation de votre projet, il peut faire valoir ses droits en saisissant le tribunal civil, et ce, même si le permis de construire est parfaitement régulier en regard des règles d’urbanisme. La règle de principe de l’octroi du permis sous réserve du droit de tiers est jugée suffisamment importante par les pouvoirs publics qu’il en impose la mention dans l’affichage du permis.
Afficher le permis
Le permis de construire doit être affiché sur le terrain de manière visible de l’extérieur (art. R 424-15). Il est aussi affiché en mairie. Ont été jugés irréguliers un affichage qui n’est pas lisible de la voie publique (CE, 16 oct. 1985, n° 46803) ou un affichage qui ne précise pas la surface de plancher autorisée ni la nature des travaux ni l’adresse de la mairie où consulter le dossier (CAA Bordeaux, 16 janvier 2006) ou encore un permis qui ne mentionne pas les bâtiments à démolir (CAA Nancy, 9 juin 2011). Le permis doit être affiché dès la notification de l’arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. Ne pas respecter cette règle a des conséquences lourdes puisque cela empêche de faire courir le délai de contestation du permis.
D’où l’importance pour le bénéficiaire du permis de se ménager la preuve que le permis a bien été affiché. A tout le moins, il convient de prendre des photos de l’affichage. Si vous craignez un contentieux, mieux vaut vous ménager une preuve plus forte en sollicitant un constat d’huissier en début et en fin de chantier. Tout mode de preuve est admissible comme une attestation de l’agent de l’administration (CE, 5 déc. 1990) ou même un DVD comportant un reportage télévisé montrant le panneau photographié par huissier (CAA, Lyon 12 oct. 2010).
Des recours encadrés
La faculté de saisir la justice est un principe fondamental à valeur constitutionnelle. Mais pour faciliter notamment la construction de logements, le législateur a progressivement mis en place des règles spécifiques au contentieux de l’urbanisme pour éviter que des projets soient trop retardés. Le code de l’urbanisme comporte aux articles L 600-1 et suivants un livre qui lui est spécifiquement consacré. Issu de la loi du 9 février 1994, il s’est étoffé au fil des ans, notamment lors de l’ordonnance du 18 juillet 2013, mais il a aussi été modifié par des lois récentes comme la loi Elan de 2018. Voici quelques-unes des règles du contentieux de l’urbanisme qui veillent à assurer un équilibre entre le droit au recours et l’encadrement des recours abusifs.
> Le recours des associations
Les attaques contre les permis de construire émanent souvent d’associations, permettant à leurs membres d’agir en concertation et à frais partagés pour la défense d’un intérêt collectif. Pour éviter qu’une association soit constituée dans le but exclusif de faire obstacle à un projet, la loi prévoit qu’une association n’est recevable à agir contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation des sols que si ses statuts ont été déposés en préfecture au moins un an avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire (art. L 600-1-1). Le texte a été renforcé par la loi Elan puisqu’il suffisait précédemment que les statuts soient déposés avant l’affichage en mairie du permis. Mais cette modification a été validée par le Conseil constitutionnel via une question prioritaire de constitutionnalité (1er avril 2022, n° 2022-986).
Pour valoriser le fonds de commerce d’hôtel, indique le courtier Credipro, on multiplie le chiffre d’affaires annuel par un taux compris entre 80 et 300 %. Pour définir ce taux, il faut tenir compte en priorité du taux d’occupation mais également de nombreux critères plus subjectifs comme la qualité de l’emplacement, l’état des locaux, la typologie de la clientèle et la saisonnalité, les possibilités d’extension, l’état du matériel etc. Des éléments auxquels il convient d’ajouter le montant du loyer si la société est locataire ou la valeur de l’immobilier si la société est propriétaire de ses murs.
> L’intérêt à agir
Le requérant doit avoir un intérêt à agir suffisant pour que son recours soit jugé recevable. Il doit justifier que le projet va « affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance » du bien qu’il détient ou qu’il occupe régulièrement ou pour lequel il bénéficie d’une promesse de vente, de bail ou d’un contrat préliminaire d’une vente d’immeuble à construire (art. L 600-1-2). Cette règle ne s’applique pas à une association ni à l’État ou à une collectivité locale.
Le requérant peut être un syndicat de copropriétaires (CE, 24 fév. 2021, n° 432096).
Par exemple, un voisin peut invoquer une perte de vue et de luminosité en produisant des photos et un constat d’huissier établissant la proximité du projet avec son bien (CAA Nantes, 5 mars 2018).
Le demandeur doit donc apporter tous éléments utiles prouvant les nuisances qu’il déplore. Il ne suffit pas de prouver que le requérant est un voisin mitoyen et qu’il y a une covisibilité entre sa propriété et le projet (CE, 10 février 2016, n° 387507). Il doit prouver que le projet va préjudicier de manière suffisamment grave à sa situation de voisin immédiat (CE, 4 oct. 2021, n° 441505).
Assez logiquement, plus le projet est éloigné du bien du requérant, moins il a de chance de voir son recours prospérer. Une distance de 200 à 500 mètres d’une antenne relais de 32 m de haut ne caractérise pas un intérêt suffisant si l’antenne n’est pas visible des habitations (CAA Nancy, 16 juin 2020). Une distance de 700 m entre un projet de station électrique et les habitations des requérants a aussi été jugée insuffisante pour considérer qu’elle affecte les conditions de jouissance de leurs biens (CE, 10 juin 2015, n° 386121). L’intérêt à agir s’apprécie à la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire (art. L 600-1-3).
> L’examen des moyens
Pour éviter une multitude de recours, l’article L 600-4-1 exige du juge administratif qu’il se prononce sur l’ensemble des moyens qui ont été invoqués pour contester la décision. Cette règle évite que le juge annule un permis en se fondant sur un motif d’illégalité, sans examiner les autres. Et cela évite en conséquence que la commune, à la suite d’une annulation, accorde une nouvelle autorisation d’urbanisme entachée d’une illégalité déjà soumise au juge. Le Conseil d’État a confirmé que le juge du fond ne peut se dispenser d’examiner l’ensemble des moyens de la requête (CE, 5 avril 2006, n° 283137).
> Suppression de l’appel dans les zones tendues
Si le principe du double degré de juridiction[3] est assez général, il peut faire l’objet de dérogations motivées par l’intérêt général. Pour accélérer la construction de logements, les pouvoirs publics ont prévu à titre temporaire la suppression de l’appel pour les recours contre les permis de construire ou de démolir ou contre les permis d’aménager un lotissement si le bâtiment ou le lotissement est situé dans une commune relevant de la taxe sur la vacance (art. R 811-1-1 du code de justice administrative). Le jugement du tribunal administratif est alors uniquement susceptible d’un recours devant le Conseil d’État. Cette règle devait s’appliquer en principe aux recours introduits jusqu’au 31 décembre 2022. Mais un décret n° 2022-929 du 24 juin 2022, applicable à partir du 1er septembre 2022, a prolongé la mesure jusqu’au 31 décembre 2027. Il en a aussi modifié le champ d’application. Pour les recours contre les permis de construire et de démolir un bâtiment d’habitation, la règle est désormais réservée aux bâtiments comportant plus de deux logements. A l’inverse, la règle est étendue au refus de ces autorisations ou à l’opposition à déclaration préalable et à certaines opérations (création de zones d’aménagement concerté par exemple). D’autres mesures ont été prises pour éviter qu’un projet ne soit définitivement abandonné alors qu’il pourrait être régularisé.
> Annulation partielle
Lorsque le juge est saisi d’un recours contre une autorisation d’urbanisme, et s’il constate qu’un vice n’affecte qu’une partie du projet et qu’il peut être régularisé, il doit limiter son annulation à cette partie (art. L 600-5). Il peut assortir sa décision d’un délai pour permettre au pétitionnaire de déposer une demande d’autorisation modificative pour régulariser l’autorisation qui subsiste à titre partiel (CAA Douai, 17 avril 2014). Le juge doit toutefois vérifier qu’aucun autre vice invoqué par d’autres moyens du recours ne justifierait une annulation totale (CE, 16 oct. 2017, n° 398902).
Par ailleurs, le Conseil d’État considère que le juge doit privilégier la procédure de sursis à statuer pour permettre une régularisation plutôt que de prononcer une annulation partielle (CE, 6 oct. 2021, n° 442182). Le Conseil d’État a précisé que l’annulation partielle est possible pour des éléments du projet qui auraient pu faire l’objet d’une autorisation distincte mais aussi lorsque le projet en cause comprend des éléments divisibles ou encore si les éléments irréguliers peuvent faire l’objet d’un arrêté modificatif (CE, 1er mars 2013, n° 350306). Par exemple si 10 places de stationnement sur 86 ne respectent pas le PLU (CAA Lyon, 4 juin 2015). A l’inverse, ne peut faire l’objet d’annulation partielle l’adjonction d’une pièce à une maison individuelle pour qu’elle soit implantée en limite séparative alors que cette modification a une incidence sur sa surface et affecte la conception générale de la maison et son insertion dans l’environnement (CAA Nantes, 28 février 2020).
> Sursis à statuer pour régulariser
Le code de l’urbanisme (art. L 600-5-1) prévoit ici une procédure voisine pour permettre de régulariser une autorisation qui est affectée d’un vice mais que celui-ci est régularisable. Le juge sursoit à statuer en laissant au pétitionnaire un délai pour lui permettre d’obtenir une mesure de régularisation. Cette procédure peut trouver à s’appliquer pour le cas d’insuffisance de places de stationnement (CAA Lyon, 17 mai 2016) ou d’infraction aux règles du PLU relatives aux modalités d’accès au bâtiment pour les moyens de lutte contre l’incendie (CE, 21 août 2019, n° 417933).
En revanche, cette procédure n’a pu trouver à s’appliquer pour la méconnaissance d’un article du PLU impliquant la suppression d’un étage (CAA Marseille, 20 avril 2017) ni en raison de l’importance du dépassement de la densité maximale autorisé par le PLU (CAA Nancy, 3 avril 2014).
> La répression des abus de recours
Le législateur a cherché à sanctionner les abus de recours contre les permis de construire. Afin de faciliter la condamnation de l’auteur d’un recours abusif, il a prévu lors d’une ordonnance du 18 juillet 2013 (art. L 600-7) que lorsque le juge administratif a été saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre l’autorisation et s’il constate le caractère abusif du recours, le pétitionnaire peut demander au juge saisi du recours de condamner l’auteur du recours à lui allouer des dommages et intérêts. Cela évite donc au pétitionnaire d’attendre la fin de la procédure engagée contre le permis de construire pour saisir à nouveau le juge (administratif ou judiciaire) pour être indemnisé par le requérant abusif.
Mais les juridictions restent prudentes dans leurs condamnations. La cour administrative d’appel de Versailles a prononcé une condamnation de 5 000 € (3 oct. 2019, n°18VE0174, accordé pour préjudice moral à une SCI familiale qui n’avait pu mener son projet à bien), le tribunal administratif de Lille, 4 000 € (15 mars 2016, n° 130965).
A l’inverse, il a été admis que n’est pas fautif le fait d’engager un recours pour des propriétaires d’une parcelle subissant des désagréments liés au ruissellement des eaux de pluie, estimant que le phénomène serait aggravé par le projet de lotissement litigieux (CAA Douai, 2 juin 2020). La cour de Bordeaux (CAA, 31 mai 2016) a jugé que le fait qu’un projet ne soit pas de nature à affecter les conditions d’occupation ou de jouissance ne permet pas à lui seul de regarder le requérant comme dénué d’intérêt légitime ni totalement étranger aux préoccupations d’urbanisme qui permettrait de faire légalement application de l’article L 600-1. De façon générale, le fait que le recours soit engagé par un voisin conduit le juge à considérer que le recours n’est pas abusif et ce, même si le recours est jugé irrecevable en première instance (CAA Nancy, 8 février 2022).
L’article L 600-7 a été modifié par la loi Elan en 2018. Le texte de 2013 comportait une mesure favorable aux associations de défense de l’environnement en présumant qu’elles agissaient dans les limites de la défense de leurs intérêts légitimes. Mais cette disposition a été supprimée en 2018. Il a été jugé qu’une association « pour l’application de la loi littoral dans le pays d’Auray » peut sans comportement abusif, contester la légalité d’un permis de construire portant sur la création de deux maisons individuelles (CAA Nantes, 30 mars 2020).
De même, ce n’est pas parce que l’appel reprend l’essentiel des moyens invoqués en première instance sans évoquer d’éléments nouveaux que le recours est abusif (CAA Bordeaux, 3 mars 2016). On voit donc que les tribunaux ont tendance à privilégier le droit au recours et sont réticents à reconnaître que ce droit dégénère en abus.
5 ans
C’est le délai dont dispose le bénéficiaire du permis, qui a transigé, en cas d’absence de déclaration de la transaction pour en obtenir le remboursement.
> Encadrement des transactions
Le législateur a introduit un nouvel outil (art. L 600-8) qui vise à décourager le versement de somme d’argent ou l’attribution d’un avantage en nature moyennant le retrait d’un recours contre un permis de construire, de démolir, ou d’aménager. Toute transaction de ce type doit être enregistrée (art. 635 du code général des impôts) dans le délai d’un mois. A défaut, la somme versée est sujette à répétition : le bénéficiaire du permis peut en obtenir le remboursement à condition de le demander dans un délai de 5 ans.
> Le cas de la fraude
Enfin, il faut réserver le cas de la fraude. Un requérant peut contester un permis de construire au motif que son bénéficiaire l’aurait obtenu par fraude. Le Conseil d’État (5 février 2018, n° 407149) en avait admis le principe pour la surélévation d’un hôtel particulier à Paris, avenue Foch, mais il avait rejeté le recours au fond, au motif que la fraude n’était pas constituée.
Dans un arrêt récent (CE, 22 juin 2022, n° 443625), le Conseil d’État a statué sur les délais permettant à un tiers, sous réserve de justifier d’un intérêt à agir, de demander à l’administration de retirer une autorisation qui aurait été obtenue par fraude. Il peut agir quelle que soit la date à laquelle il a saisi l’administration d’une telle demande. Le permis obtenu par fraude est donc un titre fragile.
[1] Sauf mention contraire, les articles cités sont ceux du code de l’urbanisme.
[2] Plan local d’urbanisme.
[3] Il s’agit du droit de contester une décision de justice devant une nouvelle juridiction (en l’espèce, recours devant la cour administrative d’appel après un jugement du tribunal administratif)
Bertrand Desjuzeur, journaliste
Source : 25 Millions de Propriétaires, n°565 -Septembre 2022
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