L’UNPI attaque l’encadrement des loyers !

L’UNPI engage deux recours pour s’opposer à l’encadrement des loyers qui entré en vigueur le 1er juillet 2019 dans la capitale : devant le tribunal administratif de Paris et devant le Conseil d’État.

La loi Alur avait créé l’encadrement des loyers en 2014. Après son annulation par la justice à Paris et à Lille, la loi Élan l’a rétabli en 2018.

Certes, la nouvelle version du dispositif connaît quelques variantes par rapport au dispositif initial : il est remis en œuvre à titre expérimental, pour 5 ans, et il est institué à l’initiative des collectivités locales. Mais sur le fond, le mécanisme est le même. Il souffre donc des mêmes vices intrinsèques.

Les textes d’application nécessaires ayant été publiés, l’UNPI a décidé de relancer le combat sur le plan judiciaire.

Afin de présenter les raisons de ce choix, l’UNPI avait organisé le 1er juillet à Paris une conférence de presse.

Réduction du parc locatif

Le président de l’UNPI, Christophe Demerson a souligné le risque de destruction de l’offre locative que comportait ce dispositif. Le président ajoute qu’à l’heure où les pouvoirs publics veulent que les bailleurs effectuent des travaux dans les logements, notamment pour en améliorer l’efficacité énergique, l’encadrement est un mauvais signal qui leur est adressé.

Comparer ce qui est comparable

Il faut comparer les loyers parisiens avec ceux des grandes villes du monde, à surfaces équivalentes, explique Frédéric Pelissolo (photo à gauche), le président de l’UNPI Paris. Au loyer parisien de 26 € le m2, il faut comparer un loyer de 37 € à Moscou, de 50 € à Manhattan ou de 50 € à 60 € à Londres.

Quant à l’évolution des loyers, elle est depuis plusieurs années inférieure à celle de l’inflation, comme l’a démontré Clameur. Par ailleurs la rentabilité de l’investissement locatif à Paris est très faible. Pour un prix de vente de 10 000 € le m2, la rentabilité ne dépasse pas 3 % bruts. Si on retranche les frais et impôts, la rentabilité nette est inférieure à 1 %, hors IFI. Frédéric Pelissolo ajoute que le dispositif est très complexe car il doit être combiné avec le blocage des loyers, qui subsiste.

Des références insuffisantes

Frédéric Zumbiehl (photo à droite), juriste à l’UNPI, rappelle que le nouveau dispositif d’encadrement peut être limité à une partie du territoire d’une agglomération, ce qui répond ainsi à la faille qui avait provoqué l’invalidation du dispositif précédent.

Il insiste sur le fait que le préfet peut infliger une forte amende administrative au bailleur qui ne respecte par l'encadrement.
Pour mettre en place l’encadrement, il faut, après demande de la collectivité locale concernée, qu’un décret détermine le périmètre d’application de l’encadrement. Puis un arrêté préfectoral doit fixer les loyers de référence.

L’UNPI observe que l’arrêté préfectoral qui fixe 244 loyers de référence ne tient pas compte de l’état du bien, de son confort et de sa classification énergétique.

De nombreux arguments

L’UNPI avance une série d’arguments pour démontrer les failles juridiques de l’encadrement.Exemples :

  • Le classement des logements a été fait selon des critères insuffisants.
  • Le classement se fonde sur 14 secteurs regroupant les 80 quartiers administratifs de Paris, dont le découpage remonte à 1860, et qui est totalement obsolète.
  • La majoration des loyers pour les locations meublées est fixée à environ 13 % à chaque fois par rapport aux locations vides, ce qui est impropre à traduire la diversité de situations des quartiers.- Reprenant les arguments du professeur Michel Mouillart, l’UNPI souligne que les statistiques de loyers établies par l’OLAP sont déterminées sans que la méthode employée soit diffusée.
  • S’agissant de la gouvernance de l’OLAP, l’UNPI critique la composition du conseil d’administration et du bureau en ce qu’elle accorde une place insuffisante aux représentants des bailleurs.
  • Pour certains segments de marché, l’OLAP a admis ne pas disposer d’un nombre suffisant de références et a dû procéder par modélisation, ce qui va à l’encontre de la loi Élan qui prévoit un niveau de loyer “constaté”.
  • Des regroupements de quartier sont contestables : associer Auteuil (16e) et Javel (15e) permet de tirer la moyenne vers le bas et accentuer l’impact de l’encadrement sur le secteur le plus cher.L’UNPI souligne que ce dispositif comporte des risques de censure constitutionnelle.
  • Il heurte le principe d’égalité puisque certains secteurs y sont soumis sur décision des élus tandis que d’autres y échappent.
  • La limitation à 5 ans de l’expérimentation est un leurre car les bailleurs qui sont désormais soumis à l’encadrement devront le subir pour une durée indéfinie, tant que le logement est loué.
  • La loi a prévu des amendes (5 000 € pour une personne physique, le triple pour une personne morale) si le bailleur ne respecte pas l’encadrement. Cette amende, ne suppose même pas de plainte du locataire, elle heurte donc le principe de la stricte nécessité des délits et des peines.
  • Enfin, l’encadrement apporte au droit de propriété une atteinte disproportionnée en contradiction avec le droit national et le droit communautaire.

Deux recours engagés

C’est en deux phases que l’UNPI engage le recours judiciaire :

  • devant le tribunal administratif de Paris pour contester l’arrêté préfectoral du 28 mai 2019 et
  • devant le Conseil d’État pour contester le décret du 12 avril 2019.

D’autres recours pourront être engagés devant le Conseil constitutionnel par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité ou devant la Cour européenne des droits de l’homme.
Me Cohen (photo à gauche) a par ailleurs souligné les difficultés d’interprétation que soulèvent ces textes. Il estime par exemple que l'encadrement n’a pas vocation à s’appliquer lors d’une reconduction tacite du bail, mais cette analyse pourrait être contestée.