Sous réserve de modification législative, réglementaire ou jurisprudentielle.
Longtemps surnommée “la belle endormie”, la 12e ville de France (184 000 habitants) s’est réveillée. Ce réveil date approximativement de 2007, année de la mise en service de la ligne à grande vitesse Est européenne, qui a de toute évidence boosté l’économie locale. En témoigne la spectaculaire métamorphose des abords de la gare Champagne-Ardenne TGV à Bezannes, aux portes de la ville. Plantée à l’origine au milieu des champs, elle sert aujourd’hui de porte d’entrée à un vaste parc d’affaires où se côtoient bâtiments résidentiels, sièges sociaux, immeubles de bureaux et espaces verts, au milieu desquels trône un authentique golf ! La plus grande clinique privée de France y a ouvert ses portes en mai dernier, avec l’objectif affiché de capter une patientèle parisienne, signe manifeste de l’attractivité de cette vaste zone située au sud-ouest de l’agglomération rémoise, à 40 minutes de la gare de l’Est en train. Irriguant le quart Nord-Est de la France, mais aussi la façade Ouest du pays via Rennes, Nantes et Bordeaux, la gare de Bezannes est la petite sœur de la gare centrale de Reims, elle-même desservie par le TGV depuis la capitale. La gare historique a également bénéficié des retombées du train à grande vitesse, comme le montre l’essor du quartier Clairmarais, situé autour d’elle, mélange d’activités tertiaires et d’habitat neuf à quelques pas du centre-ville.
Il y a donc bien eu un effet TGV, même s’il n’a pas été immédiat. « Son arrivée a eu peu d’impact dans un premier temps, même si elle a permis de fixer la population qui partait travailler à Paris », estime Me François Gauthier, porte-parole de la chambre interdépartementale des notaires de la cour d’appel de Reims, et également membre de l’UNPI 51. Mais le notaire rémois constate que désormais « des Franciliens viennent s’installer à Reims, sous l’effet conjugué du TGV et du télétravail ». Ces 5 % d’acheteurs originaires de la région parisienne ne sont peut-être pas étrangers à la croissance démographique observée à l’échelle de la communauté urbaine du Grand Reims : 0,5 % d’augmentation en moyenne par an entre 2010 et 2015, soit 6 700 personnes supplémentaires. Cette augmentation de la population, couplée au regain d’accessibilité de l’agglomération par le rail, n’a pas laissé insensible les promoteurs immobiliers, qui ont multiplié ces dernières années les opérations d’envergure. Dernière en date, le projet de construction de 690 logements orchestré par le groupe Quartus dans le secteur du pont de Vesle, sous les fenêtres du centre des congrès. Ce programme ambitieux devrait commencer à sortir de terre en 2019, pour une livraison en 2022.
Les bailleurs sociaux rémois, historiquement forts, ne sont pas en reste en matière de construction ou de rénovation. Reims possède en effet l’un des parcs HLM les plus importants de France, avec environ 45 % de logements sociaux. La contrepartie, « ce sont des loyers un peu moins élevés qu’ailleurs », comme le note le représentant des notaires. Reims accueille par ailleurs une importante colonie estudiantine (30 000 étudiants), particulièrement solvable s’agissant des élèves scolarisés dans les grandes écoles (Sciences Po, Neoma Business School), ce qui dope la demande en petites surfaces. Notamment auprès d’investisseurs parisiens que Karine Hoyet, de l’agence D’Erlon Immobilier, dit attirés par des « produits coup de cœur qu’ils ne peuvent pas acheter dans la capitale » : des immeubles de style haussmannien situés dans le “triangle d’or rémois” (Forum, Boulingrin, hôtel de ville), là où le m2 peut atteindre 3 500 euros dans l’ancien et 6 000 euros dans le neuf. Karine Hoyet estime au demeurant que les vendeurs sont « en position de force » sur le marché rémois, au sens où un nombre élevé d’acquéreurs se disputent un nombre limité de biens. « On peut tout à fait autofinancer une acquisition grâce aux loyers, car la rentabilité locative atteint 7 ou 8 %, souligne celle-ci. Je conseille donc d’acheter plutôt que de louer. Reims est une ville qui peut paraître un peu chère, mais où l’investissement est sûr. » Le tout donne « un marché dynamique et fluide », qui se traduit par un nombre de transactions « assez élevé », dans des délais « raisonnables », d’après le notaire François Gauthier.
Avec six sites classés au patrimoine mondial de l’humanité, et bien que dépourvu de secteur sauvegardé (une étude est en cours pour définir son périmètre), Reims possède un riche patrimoine architectural, très imprégné d’Art déco. Et pour cause : rasé à 80 % en 14-18, la sous-préfecture marnaise peut être regardée comme une ville datant de l’entre-deux-guerres. Le plan local d’urbanisme modifié approuvé en 2016 a d’ailleurs accru le nombre d’immeubles d’intérêt patrimonial à protéger : 330 aujourd’hui. La ville subventionne leur ravalement (60 000 € versés en 2018 pour la rénovation des façades). Ce PLU autorise à construire un peu plus haut qu’auparavant sur certaines avenues (avenue de Laon, avenue Jean-Jaurès, etc.), dans un souci de cohérence architecturale et d’intégration urbaine.
Certaines artères ont du reste changé radicalement de visage depuis le retour du tramway en 2011, après plus de soixante-dix ans d’absence. Tout au long de ses onze kilomètres de tracé, la voirie a été réaménagée et reverdie. Une touche de modernité accentuée aujourd’hui par le projet Reims Grand Centre, qui va doter la plus grande ville de l’ex-Champagne-Ardenne d’infrastructures de haut niveau : une salle événementielle multifonction de 9 000 places et un complexe aqualudique, en lieu et place d’une friche ferroviaire située en lisière du centre-ville et des halles du Boulingrin récemment restaurées. Les Promenades, qui marquent la frontière entre le centre-ville et le quartier de la gare, vont être également transformées en mini-Central Park. La reconstruction du centre hospitalier universitaire constitue l’autre pierre angulaire de rajeunissement de la ville.
L’hypercentre est traditionnellement le secteur le plus cher et le plus recherché de Reims, en raison notamment de la qualité de son habitat. Le prix au m2 médian y atteint 2 500 € pour un appartement ancien, soit près du double du prix observé à La Neuvillette, le quartier le moins valorisé de la ville (1 330 €/m2). Seuls deux autres secteurs de Reims — Saint-André et Courlancy — franchissent la barre des 2 000 € sur ce segment de marché où Reims enregistre les trois quarts des transactions réalisées dans la Marne.
Selon le Groupe ADSN (Association pour le développement du service notarial), le prix de vente médian (entre le 1er juillet 2017 et le 30 juin 2018) s’élève à 106 900 €, tous types d’appartements confondus. Reims se situe à la 13e place des villes de 150 000 habitants et plus quant au prix des appartements anciens, ce qui en fait une ville un peu “moins chère” que son classement démographique (12e ville de France). Un classement inchangé depuis 2007.
Sur le créneau des appartements neufs, le prix au m2 médian selon le Groupe ADSN atteint 3 420 €, et le prix de vente médian s’établit à 175 300 €. Quant aux maisons anciennes, leur prix médian à Reims culmine à 203 000 € d’après la chambre interdépartementale des notaires, soit une hausse de 4,9 % sur un an, ou à 206 700 € selon le Groupe ADSN.
L’immobilier se porte bien. C’est un marché dynamique, surtout en comparaison de Châlons-en-Champagne, la préfecture du département de la Marne. En témoigne le nombre de grues que l’on peut voir en ville. Il n’y avait pas eu autant de promotion immobilière depuis 2006-2007. C’est lié à la conjoncture, mais aussi à l’histoire : on ne compte que 33 % de propriétaires à Reims, contre 58 % en moyenne au niveau national, à cause de la forte présence de logements sociaux. On assiste donc peut-être à un effet de rattrapage.
C’est vrai que l’on y rencontre beaucoup d’investisseurs et de promoteurs. Je pense que les vignerons champenois ne sont pas étrangers à ce phénomène, en particulier les années de bonne récolte. On voit aussi arriver des investisseurs parisiens. Si le centre-ville est autant demandé, c’est aussi parce que la gare est située à proximité de celui-ci. Reims est globalement une ville attractive, à trois quarts d’heure de Paris en TGV.
Oui, car les prix y sont encore relativement bas comparé à d’autres villes. La ville est bien desservie par la route et le rail, le cadre de vie est agréable. Beaucoup de friches industrielles ou militaires sont reconquises par l’habitat, et il y a beaucoup d’appartements neufs. Mais l’ancien, certes de moins bonne qualité, a encore une carte à jouer, à condition d’entreprendre des travaux pour rénover les logements. Il reste de bonnes affaires à faire, d’autant que le parc bailleur est détenu en grande partie par des personnes qui prennent de l’âge. Je conclurai en disant que sur le long terme Reims est un bon investissement, dans le neuf ou bien dans l’ancien à rénover.
Entretien avec Catherine Vautrin, présidente de Reims Métropole
Frédéric Marais
Source : 25 millions de propriétaires • N°décembre 2018
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