Constituer une société oui, mais laquelle ? Le droit français offre en effet plusieurs modèles de sociétés commerciales (SARL, SAS, SA, SNC…) et une société civile ; dès lors comment choisir la forme la plus adaptée à l’investissement envisagé ?
Afin de bien comprendre les enjeux et les contraintes, plusieurs points doivent préalablement être précisés.
Le droit français connaît deux familles de sociétés, les sociétés commerciales et les sociétés civiles. Au premier abord, on pourrait penser que les premières sont réservées aux activités commerciales (commerce, services…), tandis que les secondes ne peuvent convenir qu’aux activités civiles. La réalité juridique est plus contrastée et fait apparaître une asymétrie. En effet, les SARL, les SA, les SAS et autres sociétés commerciales sont « tout-terrain » au sens où elles peuvent exercer des activités civiles comme commerciales. En revanche les sociétés civiles sont cantonnées dans la sphère des activités civiles et ne peuvent en sortir sous peine de conséquences, notamment fiscales, préjudiciables. Dit autrement, une activité commerciale ne peut être exploitée que sous la forme d’une société commerciale, alors qu’une activité civile peut l’être indifféremment par une société civile ou par une société commerciale.
L’immobilier est-il une activité civile ou une activité commerciale ? Là aussi les choses sont moins simples qu’il n’y paraît. Le secteur immobilier est rattaché aux activités civiles ou aux activités commerciales suivant une casuistique peu logique mais bien réelle…
Les sociétés commerciales relèvent en principe de l’impôt sur les sociétés (IS) alors que les sociétés civiles relèvent plutôt de l’impôt sur le revenu (IR) ; mais des passerelles sont possibles d’un régime vers l’autre. L’imposition des revenus est évidemment très différente d’un système à l’autre, de même que l’imposition des plus-values. Du seul point de vue de l’imposition des revenus :
Lorsque la société distribue des dividendes à ses associés, ceux-ci sont taxés au prélèvement forfaitaire unique (PFU ou flat tax) au taux de 30 % (12,8 % d’IR et 17,2 % de prélèvements sociaux).
L’éventuel déficit réalisé par la société pourra être imputé sur les bénéfices des exercices ultérieurs, mais ne viendra en aucun cas en déduction des revenus des associés.
Le déficit généré par la société s’imputera, en proportion du pourcentage de parts ou actions qu’ils détiennent, sur le revenu global des associés, leur permettant alors de réduire leur imposition à l’IR. C’est là tout l’intérêt de l’IR par rapport à l’IS. Cette imputation des déficits sur le revenu global est toutefois plafonnée à 10 700 € pour les revenus fonciers et avec des règles spéciales pour la partie du déficit excédant ce montant.
Comme cela a été vu plus haut, la société civile immobilière ou SCI ne convient que si l’activité est purement civile c’est-à-dire :
La SCI ne pourra donc pas exercer une activité de marchand de biens, de lotisseur ou d’intermédiaire.
Les sociétés commerciales (SARL, SA, SAS, SNC) pourront en revanche s’adapter à toutes les activités immobilières qu’elles soient civiles ou commerciales. Toutefois, le fait qu’une société commerciale ait une activité immobilière prépondérante peut fiscalement la priver de certains dispositifs (par exemple le pacte Dutreil sur la transmission d’entreprise).
Nous limiterons notre étude aux SCI, SARL et SAS.
Nous passerons donc en revue les principaux avantages et inconvénients des SARL, SAS et SCI du point de vue de l’investissement immobilier. Voir le tableau ci-joint.
Société | SCI | SARL | SAS |
Activités immobilières autorisées | Toutes activités qualifiées de civiles: gestion et location, promotion. Le caractère civil n’est pas remis en cause par la nature des immeubles gérés (bureaux ou commerces). La location en meublé est possible mais la SCI sera imposée à l’IS. | Toutes sans exceptions. Attention si le patrimoine de la SARL est constitué pour plus de 50% d’immeubles, elle sera considérée fiscalement comme une société à prépondérance immobilière, ce qui aura des conséquences notamment en matière de droits d’enregistrement. | Toutes sans exceptions. Attention si la patrimoine de la SAS est constitué pour plus de 50% d’immeubles, elle sera considérée fiscalement comme une société à prépondérance immobilière, ce qui aura des conséquences notamment en matière de droits d’enregistrement. |
Nombre d'associés minimum | deux | un (EURL) | un (SASU) |
Capital minimum | 1€ | 1€ | 1€ |
Type de responsabilité des associés | Responsabilité indéfinie et conjointe. L’associé est tenu des dettes sociales sur son patrimoine personnelle au prorata des parts qu’il détient dans le capital. Le créancier doit prouver qu’il a vainement poursuivi la SCI avant de saisir le patri- moine des associés. | Limitée aux apports ; pas de possibilité pour les créanciers de saisir le patrimoine personnelle des associés | Limitée aux apports (comme SARL) |
Droits sociaux | Nommés parts sociales. Cession à des tiers soumise à l’agrément des autres associés. | Nommés parts sociales. Cession à des tiers soumise à l’agrément des autres associés. | Nommés actions. clauses statutaires. |
Impact du mariage | L’apport d’un immeuble commun à une SCI requiert les consentement du conjoint ; la cession de parts sociales communes requiert le consentement du conjoint. | L’apport d’un immeuble commun à une SARL requiert le consentement du conjoint ; la cession de parts sociales communes requiert le consentement du conjoint. | L’apport d’un immeuble commun à une SAS requiert le consentement du conjoint ; la cession des actions communes peut-être faite seul sans accord du con- joint. |
Droits d’enregistrement sur les cessions de parts | 5% environ | Théoriquement 3% avec abattement de 23000€ / 5% si prépondérance immobilière | Droits d’enregistrement sur les cessions de parts ou actions Théoriquement 0,1 % / 5% si prépondérance immobilière |
Type de direction | Gérance ou cogérance | Gérance ou cogérance | Président et parfois Directeur Général |
Régime social du dirigeant | Le dirigeant s’il est rémunéré est considéré comme un travailleur indépendant, assujetti au régime social des indépendants (aujourd’hui nommé SSI) | Le dirigeant majoritaire s’il est rémunéré est considéré comme un travailleur indépendant, assujetti au régime social des indépendants (aujourd’hui nommé SSI). Le dirigeant minoritaire ou égalitaire est considéré comme un salarié au plan de son régime social. | Assimilé salarié |
Commissariat aux comptes | Le commissaire aux compte n’est pas obligatoire en principe | Obligatoire si la société passe deux des trois seuils suivants : 50 salariés, 3,1 M Euros HT de chiffre d’affaires, 1,55 M Euros de total bilan. Ces seuils vont fortement augmenter en 2019 (50 salariés, 8 M Euros HT de chiffre d’affaires, 4 M euros HT de total bilan). | Obligatoire si la société passe deux des trois seuils suivants : 20 salariés, 2M Euros de chiffre d’affaires, 1 M Euros HT de total bilan. Ces seuils vont fortement augmenter en 2019 (50 salariés, 8M Euros HT de chiffre d’affaires, 4 M Euros HT de total bilan). |
Régime fiscal | La SCI est par principe assujetti à l’IR ; elle peut opter pour l’IS et cette option est alors définitive. Lorsque la SCI exerce une activité commerciale (au sens fiscal du terme), elle est automatiquement assujettie à l’IS. Ce sera le cas d’une SCI pratiquant la location en meublé. Dans ce cas, les associés ne peuvent jamais déduire les déficits constatés au niveau de la société de leur revenu global. Du point de vue des plus-values, on appliquera le régime des PV immobilières si la société est à l’IR et des PV professionnelles si elle est à l’IS. | La SARL est par principe assujettie à l’IS mais peut basculer vers le régime de l’IR :
Ces deux options sont en outre assujet- ties à la condition que la SARL exerce une activité commerciale, ce qui est le cas au plan fiscal de la location en meublé. La SARL de famille va donc s’avérer très utile pour la location en meublé, permet- tant un assujettissement à l’IR et donc une imputation des déficits, alors même que l’activité est commerciale. | La SAS est par principe assujettie à l’IS mais peut basculer vers le régime de l’IR temporairement pour les 5 premières années de son existence (article 239 bis AB du Code général des impôts). |
Laurent Grosclaude • Maître de conférences UT1 Capitole
Source : 25 millions de propriétaires • N°avril 2019
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