Savoir se défendre en cas de décision de préemption

ANALYSE Lors d’une vente immobilière, un risque d’exercice du droit de préemption existe. Une préemption, qui peut être exercée en dessous du prix de vente, est potentiellement une catastrophe pour le vendeur comme pour l’acheteur. Cependant, il est possible de se défendre en justice, avec des chances de succès importantes.

Le droit de préemption permet, à l’occasion d’une transaction immobilière, à une personne publique, souvent une commune ou une intercommunalité, de se substituer à l’acheteur. Cette prérogative peut s’exercer au prix de la vente, ce qui ne mécontente que l’acheteur, ou à un prix inférieur, ce qui mécontente aussi le vendeur. Face à une telle prérogative de puissance publique, acheteurs et vendeurs ont trop souvent le sentiment qu’il n’y a rien d’autre à faire que d’accepter ce coup du sort. Un tel sentiment est faux. En effet, une décision de préemption, comme toute décision administrative ne peut être une décision arbitraire. Sa légalité peut donc être contestée en justice et son illégalité reconnue.

Le législateur a multiplié les droits de préemption. Une dizaine d’entre eux existe aujourd’hui. Le droit de préemption urbain (DPU), qui est le plus fréquent, sera seul examiné ici. Certains acteurs publics n’hésitent pas à user et abuser de ce droit, parfois pour des raisons purement idéologiques, parfois par opportunité, éventuellement avec une intention spoliatrice et parfois aussi, heureusement, en vue d’un vrai projet.

En fonction de la décision de préemption et des objectifs de l’acheteur et du vendeur, quatre recours peuvent leur donner satisfaction. Bien entendu, ces quatre recours ne seront pas nécessairement systématiquement exercés. Ils peuvent agir soit devant le juge administratif (recours en annulation, référée suspension, action indemnitaire) soit devant le juge judiciaire de l’expropriation (action en réévaluation du prix). 

 

Le recours en annulation

Un recours en annulation a pour objet de faire annuler la décision de préemption, c’est-à-dire de la faire disparaître, comme si elle n’avait jamais existé. Ce recours en annulation peut être formé tant par le vendeur que par l’acheteur, qui y ont tous les deux intérêt, devant le tribunal administratif. Le délai de recours, qui est de deux mois, se décompte sauf exception à partir de la notification de la décision de préemption.

Pour obtenir l’annulation d’une décision, il faut démontrer son illégalité. En matière de préemption, certains moyens sont fréquemment utilisés. Les conséquences d’un jugement d’annulation d’une décision de préemption seront ensuite examinées.

> Les principaux moyens d’annulation

Une décision de préemption, comme toute décision administrative, peut être annulée en raison d’une multitude de vices possibles. Peut-être en raison du faible délai dont disposent les titulaires du droit de préemption pour préempter, il n’est pas rare que les décisions de préemption soient effectivement entachées d’illégalité. Peuvent être invoqués des moyens de légalité externe et interne.

Au titre de la légalité externe, le titulaire du droit de préemption doit indiquer de façon précise dans sa décision quel est le projet qu’il poursuit. C’est la motivation. Une motivation imprécise ou très générale ne suffira pas. La jurisprudence impose de faire « apparaître la nature du projet dans la décision de préemption » (CE, 7 mars 2008, commune de Meung-sur-Loire).

De nombreux autres moyens de légalité externe peuvent être invoqués, notamment l’incompétence de l’auteur de l’acte. En effet, il est fréquent qu’une décision de préemption soit prise à la suite de délégations en cascade, entre collectivités, et au sein de la collectivité titulaire du droit de préemption. Le cas échéant, ces délégations doivent être respectées. On peut aussi invoquer l’absence de consultation du service des domaines lorsque cette formalité est obligatoire.

Au titre de la légalité interne, l’existence d’un projet suffisamment réel est contrôlée. Le titulaire du droit de préemption doit en effet pouvoir justifier qu’il dispose, à la date de la décision, d’un projet existant sur le bien préempté (CE, 7 mars 2008, commune de Meung-sur-Loire, précité). Le Conseil d’État a ajouté que « la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l’objet de l’opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant » (CE, 6 juin 2012, société RD Machine-outil). D’autres moyens tenant à l’institution du droit de préemption, à la possibilité de préempter au vu de l’objectif annoncé ou au délai peuvent aussi être invoqués.

> Les conséquences d’une annulation

L’annulation d’une décision de préemption, comme l’annulation de toute décision administrative, a pour effet de la faire rétroactivement disparaître. Les effets d’une annulation vont toutefois varier en fonction des suites de la décision de préemption.

L’hypothèse où le transfert de propriété a abouti est généralement celle où la préemption a été exercée au prix de la transaction, ou à un prix inférieur accepté par le vendeur. Un transfert de propriété a donc eu lieu au bénéfice du titulaire du droit de préemption. Pour autant, l’acheteur continue à avoir intérêt à en obtenir l’annulation.

Par application de l’article L. 213-11 du Code de l’urbanisme, le bien doit être proposé aux anciens propriétaires puis aux acquéreurs, en principe au prix d’acquisition. Il convient pour cela que le bien soit toujours la propriété du titulaire du droit de préemption. Par ailleurs, la jurisprudence a réservé l’hypothèse d’une atteinte excessive à l’intérêt général (CE, 28 septembre 2020, Ville de Paris c/ société SCIFIM). L’hypothèse où le transfert de propriété n’a pas abouti est l’hypothèse où la collectivité préemptrice n’a pas acheté le bien préempté. Les raisons peuvent être nombreuses (affaire toujours pendante devant le juge de l’expropriation, renonciation parle vendeur…).

Par application de l’article L. 213-8 du Code de l’urbanisme, en cas d’annulation de la décision de préemption, le propriétaire peut vendre son bien sans craindre une nouvelle préemption, y compris à un autre acheteur et à un prix différent. Il s’agit d’une sorte d’immunité pendant un an qui supprime le risque de préemption. Ainsi, dans cette hypothèse, le vendeur est paradoxalement dans une situation plus favorable que s’il n’y avait jamais eu de préemption.

 

Le référé suspension

Lors d’une transaction immobilière, acheteurs et vendeurs, souvent engagés dans d’autres opérations immobilières, n’ont pas toujours le temps d’attendre que le juge du fond se prononce. Ils ont alors la possibilité, en plus, de saisir le juge administratif en référé afin d’obtenir de lui la suspension de la décision de préemption.

Cette technique du référée suspension permet d’obtenir en moins d’un mois une décision juridictionnelle utile. Elle est particulièrement bien adaptée en matière de préemption. Les conditions puis les effets de la suspension d’une telle décision seront successivement examinés.

 

> Les conditions pour obtenir la suspension d’une décision de préemption

D’après l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, pour obtenir la suspension d’une décision administrative, outre un recours au fond, il faut à la fois démontrer l’urgence et l’existence d’un moyen de nature à faire naître un doute sérieux. La suspension d’une décision de préemption n’échappe pas à ces conditions.

L’urgence à suspendre la décision de préemption doit être démontré au cas par cas, en fonction des circonstances d’espèce. Le juge recherche notamment si « la décision administrative contestée préjudicie d’une manière suffisamment grave et immédiate (…) à la situation du requérant » (CE Section, 19 janvier 2001, Confédération nationale des radios libres). Il a ainsi été admis en matière de préemption que l’urgence était constituée, par exemple, parce que le vendeur « avait besoin de vendre rapidement son immeuble, afin de s’acquitter de ses obligations fiscales relatives aux droits de succession » (CE 14 nov. 2003, Colladant).

Il est de surcroît aujourd’hui bien établi que la condition d’urgence est présumée remplie au bénéfice de l’acquéreur évincé (CE Sect. 13 novembre 2002, Hourdin). C’est alors au titulaire du droit de préemption de démontrer qu’une urgence supérieure, tenant par exemple à la réalisation rapide du projet qui a donné lieu à l’exercice du droit de préemption, impose de ne pas suspendre la décision. Le vendeur a donc tout intérêt à s’associer à l’acheteur pour demander la suspension de la décision de préemption.

L’existence d’un moyen de nature à faire naître un doute sérieux est la deuxième condition à remplir. Une telle exigence conduit le juge du référé à rechercher s’il existe une illégalité manifeste de la décision de préemption.

Le contrôle du juge du référé est moins étendu que celui du juge du fond. Toutefois, tous les griefs précédemment décrits à l’occasion du recours en annulation peuvent être développés devant lui.

 

> Les effets de la suspension d’une décision de préemption

Si le rejet d’une demande de suspension ne permet pas nécessairement d’anticiper sur la décision qui sera rendue par le juge du fond, en revanche, il est rare qu’une décision accordant la suspension ne soit pas suivie de l’annulation de la décision.

Une décision de suspension prononcée par le juge du référé à plusieurs effets. D’après le Conseil d’État, une ordonnance qui suspend une décision de préemption permet notamment de passer la vente sans attendre la décision de fond (CE, 23 juillet 2003, Société Atlantique Terrains). Ainsi, dans certains cas, grâce au référé et en dépit de la préemption, la vente sera à peine retardée.

 

 

La réévaluation du prix devant le juge de l’expropriation

Si la préemption s’est faite au prix de la transaction, la vente est considérée comme définitive et il n’y a pas de place pour un débat sur le prix. En revanche, dans l’hypothèse où la préemption s’est faite à un prix inférieur à celui de la transaction et que l’acheteur a refusé le prix proposé, le juge de l’expropriation va être chargé de fixer le prix du bien conduisant à une renonciation ou à une acceptation du prix proposé par lui.

> La saisine du juge de l’expropriation

La saisine du juge de l’expropriation est marquée d’une triple particularité. D’une part, ce juge est un juge spécialisé près du Tribunal judiciaire, qui va fixer le prix du bien immobilier, en le substituant à celui librement déterminé par le jeu de l’offre et de la demande. D’autre part, cette procédure ne concerne que le vendeur. Enfin, le vendeur est en position de défense et non en position de demande. En effet, c’est le titulaire du droit de préemption qui saisit le juge de l’expropriation et le vendeur qui défend devant lui.

> Les modalités de l’évaluation du bien par le juge de l’expropriation

Les modalités de l’évaluation du bien par le juge de l’expropriation sont fixées par l’article L. 213-4 du code de l’urbanisme.

Cet article pose d’abord la règle que le prix d’acquisition fixé par la juridiction de l’expropriation est « exclusif de toute indemnité accessoire, et notamment de l’indemnité de réemploi ». Ainsi, la situation est moins favorable qu’en matière d’expropriation ou une indemnité de réemploi est attribuée. Il est vrai qu’en cas de préemption le vendeur comptait céder son bien.

Ensuite, lorsque seule une fraction d’une unité foncière est préemptée et que le propriétaire n’a pas exigé que le titulaire du droit de préemption se porte acquéreur de l’ensemble, le juge peut tenir compte « de l’éventuelle dépréciation subie, du fait de la préemption partielle, par la fraction restante de l’unité foncière ». Il s’agit là, par dérogation au principe précédemment évoqué, de l’indemnisation du préjudice subi du fait de la décision de préemption. Enfin, cet article L. 213-4 précise que les modalités particulières de la vente doivent être respectées. C’est le cas pour une vente en viager. Dans ce cas, il est prévu que le juge de l’expropriation « respecte les conditions de paiement proposées par le vendeur mais (qu’il) peut réviser le montant de cette rente et du capital éventuel ».

Plus fondamentalement, l’article L. 213-4 du code de l’urbanisme renvoie aux règles applicables en matière d’expropriation, quoiqu’avec quelques différences. Cet article précise que l’évaluation se fera au moyen de « transactions amiables constituant des références suffisantes pour l’évaluation du bien dans la même zone ». Si de telles références sont insuffisantes, il pourra être tenu compte « des mutations et accords amiables intervenus pour des biens de même qualification situés dans des zones comparables ». Dans certains cas, la technique de la récupération foncière sera acceptée.

Il convient enfin de tenir compte des règles d’urbanisme en vigueur à la date de la décision de première instance (Cass. 3ème civ 31 mai 2000), ce qui peut conduire le juge à interpréter les règles de constructibilité du règlement du plan local d’urbanisme. Une vraie discussion juridique peut alors avoir lieu devant lui.

La renonciation à la vente est toujours possible à la suite de l’intervention du juge de l’expropriation, reconnue tant au vendeur qu’au titulaire du droit de préemption.

En effet, l’article L. 213-7 du code de l’urbanisme donne une garantie importante au vendeur, qui ne sera jamais tenu de céder son bien à un prix inférieur à celui de la transaction initialement conclue. Il peut, de ce fait, retirer son offre de vente à tout moment. Cet article prévoit en effet que « à défaut d’accord sur le prix, tout propriétaire d’un bien soumis au droit de préemption, qui a manifesté son intention d’aliéner ledit bien, peut ultérieurement retirer son offre ».

Le même article prévoit que « de même, le titulaire du droit de préemption peut renoncer en cours de procédure à l’exercice de son droit à défaut d’accord sur le prix ». Cette faculté symétrique donnée au titulaire du droit de préemption est davantage contestable par les abus qu’elle autorise. En effet, le titulaire du droit de préemption, après avoir bloqué la vente, peut s’en désengager si le prix fixé judiciairement ne lui convient pas.

Cette double faculté de renonciation prend fin deux mois après que la fixation juridictionnelle du prix est devenue définitive (article L. 213-7 du code de l’urbanisme). Si le titulaire du droit de préemption renonce à acquérir, l’article L. 213-8 du code de l’urbanisme précise qu’il ne peut plus exercer son droit à l’égard du même propriétaire pendant un délai de cinq ans s’il vend le bien au prix fixé par la juridiction.

 

L’indemnisation du préjudice

Une décision de préemption illégale ouvre droit, comme toute décision administrative illégale, à la réparation du préjudice subi. Cette action indemnitaire peut être exercée après un recours en annulation ou indépendamment de lui, notamment lorsque pour des raisons de temps, le vendeur accepte de vendre à un prix inférieur au prix initial. Elle peut être exercée que le vendeur ait vendu au titulaire du droit de préemption ou à un tiers.

Récemment, le Conseil d’État a admis l’hypothèse d’une responsabilité sans faute au bénéfice d’un vendeur qui, du fait d’une décision de préemption suivie d’une renonciation, avait subi un préjudice grave et spécial (CE, 13 juin 2022, commune de Saverne).

Hors cette hypothèse, la responsabilité reste une responsabilité pour faute. Le préjudice, pour pouvoir être indemnisé, doit résulter de façon « directe et certaine de l’illégalité » de la décision de préemption. Même si l’acheteur peut aussi être indemnisé, c’est surtout le vendeur qui agira. D’après la jurisprudence (CE 15 mai 2006 Commune de Fayet), il pourra être indemnisé aussi bien de l’argent que du temps perdu du fait de la décision de préemption.

> L’indemnisation de la perte d’argent

Le vendeur subit un premier préjudice lorsque la vente de son bien a finalement lieu à un montant inférieur à celui prévu par la promesse de vente. L’hypothèse la plus simple est celle ou le vendeur cède son bien au titulaire du droit de préemption à un prix inférieur à celui librement déterminé avec l’acheteur. Le préjudice est alors égal à la différence entre le prix librement négocié et le prix d’acquisition (CE, 30 juillet 1997 Commune de Montreuilsous-Bois)

L’hypothèse est plus complexe lorsqu’il y a abandon de la procédure, quelle que soit la cause de cet abandon (annulation juridictionnelle de la décision de préemption, abandon par le titulaire du droit de préemption, renonciation temporaire à vendre par le propriétaire…). Il manque en effet un des deux termes de comparaison pour déterminer le préjudice subi.

Dans l’arrêt Commune du Fayet (CE, 15 mai 2006), le Conseil d’État a posé le principe que le préjudice résultait « de la différence entre le prix figurant dans (la promesse de vente) et la valeur vénale du bien à la date de la décision de renonciation ». Pour déterminer la valeur vénale du bien, « le prix de vente effectif » peut être pris en compte. Cela suppose donc que le propriétaire ait remis son bien en vente et l’ait effectivement vendu, mais à un prix inférieur à la première promesse de vente.

Pour que ce prix de vente effectif puisse être pris en compte, le Conseil d’État a exigé d’abord qu’« un délai raisonnable sépare la vente de la renonciation, eu égard aux diligences effectuées par le vendeur ». Un délai de deux ans peut ainsi être considéré comme déraisonnable, à moins que les « diligences effectuées par le vendeur », ne justifient le retard dans la vente. Ainsi, en cas de dégradation du marché immobilier, ou de difficulté à vendre à un prix satisfaisant, le vendeur a plutôt intérêt à vendre assez vite son bien et demander ensuite réparation de la différence, plutôt que d’être exigeant sur le prix et de risquer de se voir opposer le délai trop long de vente.

Le Conseil d’État a exigé ensuite « que ce prix de vente ne s’écarte pas anormalement de cette valeur vénale ». Cette réserve est sans doute destinée à éviter les risques de fraude liés à une application trop mécanique des règles d’indemnisation. Toutefois, la difficulté serait grande, une fois écarté le prix réel de vente du bien, de déterminer sa « vraie » valeur vénale sur un marché de l’immobilier par essence fluctuant.

> L’indemnisation de la perte de temps

Le vendeur subit un deuxième préjudice en raison de la privation de la possibilité de disposer du prix de la vente de son bien comme il le souhaitait pendant une période qui peut être longue (plus de trois ans dans l’affaire commune de Fayet). Ce préjudice est indemnisable.

Le Conseil d’État a posé dans l’arrêt Commune de Fayet qu’il existait un préjudice pour le propriétaire qui résultait « de l’impossibilité dans laquelle il s’est trouvé de disposer du prix figurant dans la promesse de vente entre la date de cession prévue par cet acte et la date de vente effective ». La période indemnisable débute donc à la date à laquelle le bien devait être vendu et s’achève à la date à laquelle il est effectivement vendu, après l’interruption liée à la préemption. C’est donc dorénavant la date effective de vente qui doit être prise en compte et non plus la date de renonciation à la préemption ou son annulation comme c’était le cas antérieurement.

Le Conseil d’État a posé là aussi la condition que la vente ait eu lieu « dans un délai raisonnable après la renonciation de la collectivité ». Il a précisé en revanche que « lorsque la vente a eu lieu dans un délai ne correspondant pas aux diligences attendues d’un propriétaire désireux de vendre rapidement son bien, quelles qu’en soient les raisons, le terme à prendre en compte pour l’évaluation de ce préjudice doit être fixé à la date de la décision de renonciation ».

L’exercice du droit de préemption est fortement encadré. Le double contrôle opéré par le juge administratif sur la légalité de la décision de préemption et par le juge de l’expropriation sur le prix du bien est la plupart du temps de nature à donner satisfaction au vendeur. Quant à l’acheteur, il bénéficie d’un accès privilégié au juge du référé, afin d’obtenir dans un délai utile une suspension de la décision de préemption. Il peut ensuite espérer récupérer le bien qu’il voulait acquérir.

Ces réelles possibilités de contestation d’une décision de préemption, tout particulièrement devant le juge administratif, ne sont pas toujours suffisamment exploitées. Or, sur le plan des principes, s’il peut être admis la substitution d’une personne publique à un acheteur à l’occasion d’une cession immobilière, le cas échéant à un prix privilégié, c’est uniquement parce qu’elle envisage de réaliser un projet d’intérêt général. La contestation d’une décision de préemption permet, en plus de la sauvegarde des intérêts du vendeur et de l’acheteur, de veiller au respect de ce principe.