RENCONTRE — Directement ciblés par des obligations de décence énergétique, les propriétaires bailleurs peinent parfois à s’y retrouver dans le mille-feuilles de la rénovation énergétique. Quelles aides pour quels travaux ? Par où commencer ? À qui se fier ? Bail Rénov’ a été taillé sur mesure pour le propriétaire bailleur non professionnel afin de l’aiguiller sur le chemin de la rénovation. Entretien avec Laure-Reine Gapp, la directrice de Bail Rénov’.
La rénovation énergétique compte déjà de nombreux dispositifs d’aide. Qu’est-ce qui change avec Bail Rénov’ ?
En l’occurrence, Bail Rénov’ n’est pas un dispositif d’aide, mais plutôt un dispositif d’information. Nous ne distribuons aucune subvention, nous ne finançons aucuns travaux, en revanche, nous sommes la première étape du parcours de rénovation. Nous sommes là pour renseigner, mais aussi écouter les propriétaires bailleurs, répondre à leurs questions et les orienter dans leur parcours.
Beaucoup de choses existent déjà en matière de rénovation, mais il manquait encore un dispositif qui s’adresse directement aux propriétaires bailleurs. Notre cœur de cible, c’est d’abord le particulier qui possède un ou plusieurs logements en location et qui se trouve parfois désemparé face à ses obligations. Il est important d’agir auprès d’eux, car dans le parc locatif privé, l’essentiel (97 %) de ces logements est détenu par des particuliers qui sont concernés par des obligations de rénovation.
Vous vous adressez aux bailleurs, mais aussi aux locataires…
Oui, parce que nous privilégions une approche globale. La performance énergétique passe évidemment par la rénovation énergétique, mais nous ne devons pas oublier l’usage du logement. Comment vivre dans un logement rénové ? Comment réduire ses factures ? Notre ambition n’est pas seulement d’inciter les propriétaires à réaliser des travaux, mais aussi d’éviter un effet rebond en mettant en place par exemple un suivi des consommations. On sait, en effet, que dans un logement rénové, les occupants ont tendance à rechercher davantage de confort, à se chauffer à une température plus élevée, ce qui réduit forcément les potentielles économies d’énergie.
Bail Rénov’ se veut donc complémentaire de MaPrimeRénov’ et des dispositifs déjà existants…
Exactement. Nous nous situons en amont des dispositifs existants, d’abord pour écouter et rassurer les propriétaires, pour les conseiller et enfin les orienter. Nous nous positionnons en tiers de confiance et travaillons en étroite collaboration avec France Rénov’. Après information, selon la maturité du projet, nous orientons les propriétaires bailleurs vers les guichets du service public de rénovation énergétique pour une information complémentaire, ou vers les Accompagnateurs Rénov’. Nous ne nous substituons pas à France Rénov’, au contraire, nous venons appuyer le réseau sur un public spécifique, le propriétaire bailleur.
Concrètement, comment Bail Rénov’ est présent sur le terrain ?
Nous avons développé plusieurs outils afin de diffuser une information homogène à travers l’ensemble du territoire. Bail Rénov’, c’est d’abord des ateliers collectifs pour appréhender le contexte réglementaire, comprendre un DPE ou connaître les aides existantes. Nous proposons aussi un suivi plus personnel. Avec les entretiens individuels et les visites à domicile, nous allons plus loin, jusqu’à dresser une première esquisse du projet de rénovation. Nous ne sommes pas auditeurs ou Accompagnateurs Rénov’, nous restons en amont, mais ces entretiens et ces visites permettent de défricher, de réaliser un pré-diagnostic en quelque sorte.
Nous apportons aussi du conseil grâce à notre plateforme téléphonique et ses sept téléconseillers. Bail Rénov’ a contractualisé avec les gestionnaires, afin d’identifier des propriétaires bailleurs de logements classés E, F ou G, que nous contactons ensuite parce qu’ils sont les premiers concernés par la rénovation énergétique. Nous sommes vraiment dans une démarche proactive de “l’aller vers”.
Où en êtes-vous du déploiement ?
Notre déploiement est progressif. Aujourd’hui, 65 départements sont déjà mobilisés et engagés dans la démarche. Notre ambition est de couvrir l’ensemble du territoire y compris l’outremer, dès septembre. Le projet est lourd, faire travailler ensemble des acteurs très différents exige du temps. Mais dans les 17 départements pilotes où Bail Rénov’ a parfois été lancé dès 2023, nous avons déjà mené plus de 40 ateliers collectifs et rencontré au total plus de 1 000 propriétaires. La plate-forme téléphonique en revanche couvre déjà l’ensemble du territoire avec 9 000 appels téléphoniques et 2 000 accompagnements formalisés depuis son lancement.
Et à terme, quelles sont les ambitions de Bail Rénov’ ?
D’ici 2026, nous organiserons plus de 1 000 réunions à destination des bailleurs, 600 pour les locataires. Lorsqu’on sait qu’en moyenne, à travers une seule réunion, on touche ceux qui prendront la décision de rénover environ 20 logements, cela donne une idée du volume. En parallèle, nous projetons également de réaliser 15 000 visites à domicile pour les bailleurs et 4 000 pour les locataires. Par notre plateforme téléphonique, nous ambitionnons de contacter plus de 65 000 personnes et d’accompagner plus de 21 000 bailleurs, et autant de locataires.
Les propriétaires rencontrés sont-ils déjà sensibilisés ?
Il est difficile de dresser un portrait-robot aujourd’hui, d’autant que nous sommes encore au démarrage du dispositif. Mais à travers les contacts que nous avons eus à ce jour, nous voyons bien que les propriétaires bailleurs ont déjà un vernis d’information très variable d’une personne à l’autre. « J’ai entendu parler de… », « il paraît que… ». Mais on ne part pas de zéro, le sujet de la rénovation infuse et se diffuse au sein de la société, avec une prise de conscience évidente.
Mais les propriétaires ont parfois reçu des informations contradictoires. Dans le contexte actuel, ils ont besoin de s’appuyer sur un interlocuteur de confiance. Les ateliers Bail Rénov’ constituent un lieu où ils peuvent échanger, s’informer, s’exprimer aussi parce que beaucoup de propriétaires sont encore dans une phase d’acceptation. Mais à l’issue des ateliers, nous voyons qu’une bonne partie des personnes nous sollicite pour un entretien individuel et des visites à domicile. On passe de l’information à l’engagement.