ANALYSE — Depuis le 1er juillet 2013, la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, également connue sous le nom de loi Warsmann, et son décret d’application n° 2012-1078 du 24 septembre 2012, ont renforcé la protection des propriétaires, locataires et syndicats de copropriétaires en cas de consommation anormale d’eau.
Par Maître Benjamin Naudin
Ces textes permettent ainsi, en cas de consommation excessive imputable à une fuite d’eau, d’échapper au paiement de la totalité de la lourde facture en découlant par son plafonnement. Quel en est le mécanisme ?
Les personnes et locaux concernés par l’application du dispositif prévu par la loi Warsmann
De prime abord, soulignons que ce dispositif ne profite qu’aux particuliers et ce qu’ils soient propriétaires ou locataires. Une exception est cependant prévue pour les syndicats des copropriétaires qui, bien que n’étant pas aux termes de la loi des particuliers/consommateurs, profitent également des dispositions de la loi Warsmann en leur qualité de « non-professionnels ».
Le dispositif Warsmann ne peut, par ailleurs, trouver application que pour des locaux d’habitation individuels ou collectifs. En sont donc exclus les locaux industriels, tertiaires, médicaux, sportifs, agricoles ou hôteliers.
Enfin, et s’agissant de la fuite à l’origine de cette surconsommation, cette dernière doit affecter une canalisation d’eau potable privative prenant naissance après le compteur d’eau.
Sont logiquement exclus de l’application du dispositif Warsmann, les fuites ayant pour origine (1) :
• Un équipement sanitaire de type douche, baignoire, toilettes, robinets…
• Un appareil ménager de type lave-linge, lave-vaisselle…
• Un appareil de chauffage de type chauffe-eau, chaudière…
• Tout système ou équipement alimenté en eau par les canalisations de l’habitation, tel que les adoucisseurs, filtres anticalcaires, osmoseurs, tuyaux d’arrosage, systèmes d’arrosage automatique, piscine, suppresseur ou encore fosse septique…
La consommation excessive, élément déclencheur du dispositif Warsmann
L’article L2221-12-4, III bis du code général des collectivités territoriales établit les critères d’une consommation d’eau excessive. Cette consommation est jugée excessive lorsque le volume d’eau consommé depuis le dernier relevé dépasse le double du volume moyen consommé par l’abonné au cours des trois années précédentes, ou le volume moyen consommé dans la zone géographique de l’abonné dans des locaux d’habitation similaires.
Ces deux critères permettent ainsi de prendre en considération tant les logements existants que les logements neufs.
La mise en œuvre du dispositif Warsmann
Lorsque le service fournissant l’eau potable détecte une augmentation anormale de la consommation d’eau chez un abonné, il doit l’en informer par tous moyens et sans délai. Cette information devra être portée au plus tard lors de l’envoi de la facture concernée. Ce courrier devra également indiquer la marche à suivre permettant la mise en œuvre du dispositif Warsmann (2).
Dans le mois suivant ce courrier, l’abonné devra, par courrier AR adressé à son fournisseur d’eau, produire une attestation d’une entreprise de plomberie précisant la localisation de la fuite, sa réparation et la date de l’intervention et ainsi solliciter le dégrèvement de sa facture.
L’exonération automatique, prévue par la loi Warsmann, ne portera alors que sur la somme excédant le double du volume moyen consommé par l’abonné.
Si le fournisseur d’eau omet d’informer son abonné de sa surconsommation, ce dernier ne sera également pas tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de sa consommation moyenne.
Précisons, en outre, que le volume d’eau imputable à la fuite n’entrera pas dans le calcul de la redevance assainissement.
En cas de doute sur les déclarations de l’abonné, le service fournissant l’eau potable est habilité à « procéder à tout contrôle nécessaire », et il peut donc demander à voir la localisation de la fuite ainsi que la réparation, sur la base de l’attestation qui a été fournie par l’abonné (3).
La fuite est imputable à un dysfonctionnement du compteur
Cette augmentation peut être également due à une fuite ou à un dysfonctionnement du compteur.
Ainsi, si l’entreprise devant diagnostiquer la cause de l’augmentation ne relève aucune fuite ou établit un dysfonctionnement manifeste du compteur, l’abonné devra, toujours dans le délai d’un mois, demander au service d’eau de vérifier le bon fonctionnement du compteur. Si un dysfonctionnement est confirmé, l’abonné ne sera pas tenu au paiement de l’excès de consommation.
Le recours amiable contre le fournisseur d’eau
Si le fournisseur d’eau ne respecte pas ce dispositif ou si un litige naît à l’occasion de son application, l’abonné pourra saisir gratuitement le médiateur de l’eau :
> Soit par courriel à l’adresse www.mediation-eau.fr ;
> Soit par courrier postal à l’adresse : Médiation de l’eau, BP 40 463, 75 366 Paris Cedex 08.
La saisine du médiateur de l’eau implique qu’il n’y ait pas une saisine préalable d’une juridiction ou d’un autre médiateur (4). Elle interrompt les délais de prescription et de forclusion.
L’abonné devra impérativement adresser au médiateur, à l’appui de sa demande :
• Copie recto/verso de la facture d’eau et/ou du courrier alertant de la surconsommation ;
• Copie du courrier AR expédié dans le délai d’un mois au service d’eau avec adresse et date apparente, précisant, le cas échéant, l’emplacement précis de la fuite d’eau ou établissant le dysfonctionnement du compteur ;
• Copie de l’éventuel courrier de réponse du service d’eau. Le médiateur de l’eau rendra alors son avis dans un délai de 90 jours suivant la communication de l’ensemble des pièces et documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Si l’abonné n’est pas satisfait par l’avis rendu par le médiateur de l’eau, il pourra alors saisir le tribunal judiciaire aux fins de contestation de sa facture.