STRATÉGIE - Investir dans l’achat d’un garage ou d’un parking ? Pourquoi pas. Les revenus resteront assurément modestes, mais les avantages sont nombreux et surtout les inconvénients sans aucune mesure avec les soucis parfois rencontrés dans le résidentiel. Depuis quinze ans, cette niche séduit les investisseurs. Les rentabilités ont pourtant baissé, mais avec une stratégie, l’investissement demeure un bon créneau.
Par Christophe Demay
Fondateur et animateur du CIPG, Groupe d'entraide immobilier de niche, Christophe Martin est tombé dedans un peu par hasard.
« À la suite d’une mauvaise expérience », sourit-il. Au départ, il avait investi dans le logement. Quelques impayés et dégradations plus tard, il a finalement revendu ses biens locatifs pour investir plutôt dans des garages et parkings.
Emmanuel Simon, gérant de MonsieurParking, site dédié à la location de parkings et garages, raconte une histoire similaire. « Il y a quinze ans, avec mon épouse, nous avions investi dans un appartement. Le loyer devait couvrir le remboursement de notre prêt, mais le locataire a cessé de payer. Ce qui nous a mis en difficulté. Cette expérience personnelle m’a amené à m’interroger sur d’autres investissements. »
Un rapport bailleur-locataire plus équilibré
Pour Christophe Martin ou Emmanuel Simon, investir dans des parkings, c’était presque un second choix. C’est rarement l’investissement immobilier auquel on pense d’abord puisque les gains sont souvent modestes. Moins de risques, moins de tracas, c’est un peu finalement ce qui a attiré ces deux investisseurs. « Nous sommes sur des contrats régis par le Code civil et non sur des textes plus contraignants, explique Christophe Martin. Le bailleur ne fait pas ce qu’il veut, mais il est beaucoup plus libre que pour la location d’habitation. »
La relation bailleur-locataire paraîtra sans doute plus équilibrée. « Dans le logement, on a parfois le sentiment que le locataire a tout pouvoir, poursuit le fondateur du CIPG. Ici, le rapport n’est pas du tout le même. À partir du moment où les deux personnes civiles sont d’accord, on peut glisser dans le contrat les clauses résolutoires que l’on veut, des pénalités de non-paiement… »
Plus de liberté et aussi moins de risques. Emmanuel Simon les égrène : pas de trêve hivernale, un risque de dégradations presque dérisoire, pas de règles de décence, pas de DPE ou d’obligation de rénovation énergétique non plus. La réglementation semble avoir épargné ce marché de niche. Et pour l’investisseur, c’est aussi souvent un risque d’impayés réduit. « Les locataires savent très bien que la réglementation est différente, qu’ils ne sont pas protégés de la même manière, poursuit Christophe Martin. Et comme le loyer d’un parking ou garage est bien moins élevé, il est aussi plus facile de payer. » Bien sûr, il arrive qu’un locataire ne verse pas son loyer. Mais même là, les procédures se révèlent bien moins fastidieuses, bien moins longues que dans le résidentiel.
Le garage, le Petit Poucet de l’immobilier
Les mérites de l’investissement sont souvent vantés. Mais les deux hommes reconnaissent aussi quelques désavantages. Le premier, non des moindres pour un investisseur, est évidemment les faibles revenus générés.
Même dans les plus beaux quartiers de la capitale, les loyers ne flambent pas. Christophe Martin livre une moyenne de l’ordre de 200 euros mensuels dans les arrondissements parisiens les plus prisés. « La location de garages et parkings génère des petits montants. Pour un cash-flow important, il faut du volume. » Du volume, donc beaucoup de parkings, et finalement une gestion démultipliée. Quand il s’agit de trouver un seul locataire pour un appartement, là il faudra en trouver cinq, six, voire davantage pour espérer générer les mêmes revenus.
La faiblesse des revenus explique sans doute pourquoi le marché a longtemps été délaissé des investisseurs. « C’est un peu l’immobilier du pauvre », résume Emmanuel Simon. On achète des garages parce qu’on n’a pas les moyens d’acheter un autre bien immobilier. C’est en partie vrai, la niche séduit beaucoup de primo-accédants qui n’ont pas toujours la possibilité d’investir dans un autre bien. Parce que l’investissement semble plus modeste et surtout moins risqué, il apparaît plus accessible et permet de mettre un premier pied dans l’immobilier.
Mais loin de l’image que l’on s’en fait, la location de garages ne constitue pas forcément un simple complément de revenus. Les deux hommes ont des success-story en tête avec des investisseurs partis de zéro qui vivent aujourd’hui très bien de cette activité.
« Le terrain de jeu du particulier »
Certes, le marché peut sembler moins lucratif qu’il ne l’a été par le passé. « Tout dépend bien entendu des villes. Il y a 10 à 15 ans, on pouvait acheter un parking avec une rentabilité nette de 8 % à 10 %. Aujourd’hui, nous sommes plutôt sur 4 à 6 %. La rentabilité a chuté, mais cela reste quand même mieux qu’un livret A. »
Évidemment, lorsqu’une niche commence à se faire connaître, elle attire davantage et devient moins intéressante. Il suffit de regarder sur internet pour voir combien les offres de service pour accompagner les investisseurs ont fleuri. La méfiance est de rigueur. Comme pour tout autre investissement, derrière des promesses de rentabilités alléchantes ou les bons conseils de certains, se cache parfois une escroquerie.
Comme dans le résidentiel, le marché traverse aussi des zones de turbulences. Pourtant, le gérant de Monsieur Parking estime que le marché s’en sort bien mieux que le résidentiel. « Les ventes se sont allongées, les prix ont baissé, mais dans des proportions sans comparaison avec l’immobilier résidentiel. C’est un marché plus sain parce qu’on recourt moins au financement bancaire, et parce que cet actif n’intéresse pas les foncières qui se focalisent sur le résidentiel ou le tertiaire. Cela reste un peu le terrain de jeu de l’investisseur particulier. »
Le contexte est porteur. La fin du tout-automobile n’est pas pour tout de suite, la voiture reste encore indispensable pour beaucoup. Les métropoles ont pourtant tendance à réduire le stationnement de surface et à chasser les voitures des centres-villes. Paris, avec sa réforme du stationnement lancée en 2021, offre une illustration parfaite : en 2026, la capitale aura réduit de moitié sa capacité de stationnements aériens avec 70 000 places en moins. Ce qui mécaniquement fait monter le prix des loyers.
Plus que pour tout autre bien immobilier, la localisation est essentielle. Mais la localisation ne fait pas tout. Pour asseoir la rentabilité, il faut une stratégie. « Par exemple, les places des parkings anciens se révèlent souvent exiguës dans les grandes villes et ne conviennent qu’aux citadines. Elles peuvent se vendre moins cher. Mais rien n’empêche d’en faire plusieurs stationnements pour des deux-roues », explique Christophe Martin.
Transformer son parking
Emmanuel Simon confie sa propre expérience.
À Caen, il avait acheté une vingtaine de parkings. « Nous avons connu à nouveau des déboires parce que la plupart ne trouvaient pas preneurs. Nous nous sommes interrogés et nous avons transformé ces parkings en boxes. Nous n’avons plus eu aucun problème pour les louer et nous avons revendu plus tard avec une plus-value confortable. »
La transformation d’un parking en box constitue aussi une stratégie. « Le mécanisme permet d’augmenter la rentabilité de 40 à 60 %. En moyenne, il faut compter 3 000 à 4 000 euros pour transformer un parking souterrain en box, mais ce coût est absorbé par l’augmentation de la valeur locative, l’augmentation de la valeur vénale et une plus grande capacité à louer. » Un parking en box voit sa zone de chalandise élargie quand un simple parking ouvert n’intéresse bien souvent que les résidents de l’immeuble situé au-dessus ou à côté. Dans le même esprit, les deux hommes évoquent l’installation de bornes électriques devenues un atout pour louer : le locataire y verra son avantage, la recharge privée demeurant bien moins chère que la recharge publique.
Christophe Martin cite encore d’autres stratégies tournées vers le changement d’usage. Par exemple, en transformant un parking en garde-meubles. Attention toutefois, car la réglementation incendie n’est plus la même, et le règlement de copropriété peut aussi s’y opposer. « Il ne faut pas se cantonner sur l’usage basique du bien immobilier, il faut aussi être précurseur », estime Christophe Martin. Et comme tout investissement, bien penser sa stratégie de départ.
FOCUS
Le CIPG, groupe d’entraide
Lancé en 2012 par Christophe Martin, ce Groupe d’entraide accompagne les particuliers dans leurs investissements et dans leur gestion locative au quotidien. D’un site de petites annonces, il est peu à peu devenu une plateforme d’entraide et un centre de ressources pour les propriétaires qui investissent dans les garages et parkings.
Quelles démarches mener en cas d’impayés ? À qui se fier pour transformer un parking en box fermé ? Quelles démarches effectuer ? Comment rédiger un bail qui tienne la route ? Le groupe se nourrit de l’expérience de ses 125 membres, des propriétaires de parkings ou garages, bien sûr, mais aussi des propriétaires de caves, de celliers, d’entrepôts, de garde-meuble, de containers… Toutes les niches de l’immobilier.
CHOIX
Quelle fiscalité pour les bailleurs ?
En matière de parkings et garages, la fiscalité ne diffère pas des autres locations. Deux choix s’offrent au propriétaire bailleur, il peut choisir le régime micro-foncier avec son abattement forfaitaire de 30 % ou le régime réel.
L’investissement n’est cependant pas dénué de tout intérêt comme le rappelle volontiers Emmanuel Simon, gérant de Monsieur Parking. Un bien vendu pour moins de 15 000 euros, ce qui est souvent le cas d’un parking, échappe à la taxation sur les plus-values. « Comme cela reste une niche, c’est un peu délaissé par l’administration fiscale aujourd’hui. »