L’article 815-9 du Code civil énonce que « chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires ».
Dans une affaire récente, un homme reprochait à son ex-femme d’occuper gratuitement et depuis dix ans un immeuble indivis. Qui plus est, après qu’un juge ait ordonné la vente du bien, l’occupante a bloqué la vente par son comportement.
L’ex-mari a demandé en référé l’expulsion de son ex-femme en invoquant un trouble manifestement illicite (voir l’article 809 du Code de procédure civile sur le référé devant le TGI).
Alors qu’il a obtenu l’expulsion devant la cour d’appel, son ex-épouse se pourvoit en cassation en se prévalant notamment d’un « titre légitime d’occupation » en sa qualité d’indivisaire.
La Cour de cassation valide néanmoins l’arrêt de la cour d’appel : « attendu qu'après avoir exactement énoncé qu'aux termes de l'article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires, l'arrêt constate que Mme X... occupe l'immeuble indivis sans avoir versé aucune somme au titre de l'indemnité d'occupation dont elle est redevable depuis 2004 et, qu'à la suite du jugement ayant ordonné la licitation de ce bien, elle n'a répondu ni à la lettre simple ni à la lettre recommandée du notaire lui demandant de procéder ou de le laisser procéder aux diagnostics immobiliers nécessaires et ne s'est pas plus manifestée auprès de l'huissier de justice qui s'est rendu sur les lieux sans pouvoir la rencontrer ; qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a souverainement estimé, par une décision motivée, que le maintien dans les lieux de Mme X... était incompatible avec les droits concurrents de M. Y... sur l'immeuble indivis et a pu en déduire l'existence d'un trouble manifestement illicite » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 30 janvier 2019, 18-12.403, Publié au bulletin).
En 2011, la Cour avait déjà validé une ordonnance d’avoir à libérer les lieux prononcée à la demande d’un ex-mari alors que « Mme Y... occupait l'immeuble indivis depuis plus de quinze ans sans avoir versé aucune somme au titre de l'indemnité d'occupation dont elle était redevable et que si le premier juge avait donné acte aux parties de leur accord pour procéder à la vente amiable de ce bien, Mme Y... avait attendu plus d'un an pour donner mandat au notaire de le mettre en vente » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 26 octobre 2011, 10-21.802, Publié au bulletin).
Dans ces deux affaires, la Cour de cassation a validé l’expulsion ordonnée par la cour d’appel parce que celle-ci avait suffisamment caractérisé l’atteinte aux droits de l’autre indivisaire. En effet, étaient clairement relevées à la fois l’occupation pendant une longue durée sans paiement d’une indemnité d’occupation et l’entrave exercée contre la vente du bien.
A l’inverse, dans une autre affaire récente, la Cour de cassation a cassé l’ordonnance d’expulsion d’une cour d’appel car celle-ci s’était focalisée surtout sur l’occupation privative sans accord des autres indivisaires : « attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme A... s'est installée, avec son mari, depuis décédé, et ses enfants, dans un immeuble indivis dépendant de la succession de ses beaux-parents ; que sa belle-sœur, Mme Y..., l'a assignée en expulsion ;
Attendu que, pour ordonner l'expulsion de Mme A... et de tous occupants de son chef du bien immobilier indivis, après avoir relevé la qualité d'indivisaire de chacune des parties et constaté que Mme A... occupe le bien de manière privative depuis trente ans, sans verser aucune indemnité, l'arrêt retient que celle-ci ne justifie pas d'un titre lui accordant un droit d'usage et de jouissance privatif et qu'il ne résulte d'aucun élément de la procédure qu'elle aurait obtenu l'accord des autres indivisaires pour cette occupation ou qu'un partage aurait mis fin à l'indivision ; qu'il ajoute que, dès lors, l'occupation privative de la maison dépendant de l'indivision, depuis de nombreuses années et sans aucune contrepartie, porte une atteinte aux droits de Mme Y..., qu'il convient de faire cesser ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en sa qualité de propriétaire indivis, Mme A... pouvait user librement de l'immeuble sans le consentement de ses coïndivisaires, la cour d'appel a violé le texte susvisé » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 7 novembre 2018, 17-22.280).
Frédéric Zumbiehl • Juriste UNPI