Une décision rendue par la Cour de cassation le 28 mars 2019 fera couler beaucoup d’encre.
En l’espèce, un propriétaire avait refusé, sans motif valable, de renouveler le bail de ses locataires commerçants. Il avait donc été condamné définitivement en 2010 à payer une indemnité d’éviction aux locataires.
De manière classique et conformément à l’article L.145-14 du Code de commerce, celle-ci comprenait une indemnité principale, correspondant à la valeur du fonds, et des indemnités accessoires pour trouble commercial (il s’agit d’indemniser les locataires pour la perte d’activité liée au déménagement vers un autre local), pour frais de déménagement, et pour frais de remploi (il s’agit de couvrir les frais d’acquisition d’un nouveau fonds de commerce).
En l’occurrence, il résulte des preuves rapportées que les anciens locataires ne se sont jamais réinstallés et qu’ils ont cherché à faire valoir leurs droits à la retraite dès 2010, tandis que l’un d’entre eux s’est inscrit à Pôle emploi fin 2014. Quant aux preuves de démarches en vue d’acquérir un fonds de commerce apportées par les anciens locataires, elles sont jugées peu sérieuses ou postérieures à l’assignation lancée en 2015 par le bailleur.
Les anciens locataires ont néanmoins formé un pourvoi en cassation, en invoquant une atteinte au principe d’autorité de la chose jugée. D’après eux, il n’est pas possible de demander le remboursement de sommes mises à la charge du bailleur par une décision de justice devenue irrévocable.
Dans un arrêt largement diffusé, la Cour de cassation rejette le pourvoi : « attendu que l’autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; qu’ayant relevé que, postérieurement à la décision du 17 juin 2010, M. et Mme B ne s’étaient pas réinstallés, la cour d’appel a légalement justifié sa décision » (Cour de cassation Troisième chambre civile 28 mars 2019, n° 17- 17501).
Jusqu’ici, la Cour de cassation avait seulement précisé que les indemnités accessoires pour frais de déménagement ou de remploi ne sont pas dues lorsque, au jour où le juge statue, la réinstallation des locataires évincés est exclue, soit que le locataire a cessé toute activité (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 2 juillet 2013, 11-28.899), soit qu’il est en liquidation judiciaire (Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 26 septembre 2001, 00-12.620).
Au travers de la décision du 28 mars dernier, c’est la première fois, à notre connaissance, que la Cour de cassation remet en cause le droit à indemnités accessoires après que le juge se soit définitivement prononcé.
Nous aurons l’occasion de revenir sur cette décision.
Frédéric Zumbiehl
Juriste UNPI