Logement abandonné par le locataire et dégradation par des squatters

Concernant les baux en général, l’article 1732 énonce que tout locataire « répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute ».
Concernant les logements loués à usage d’habitation principale (vides ou meublés), la règle est que le preneur doit « répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d'un tiers qu'il n'a pas introduit dans le logement » (article 7-c de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989).

Il résulte de ces textes que le locataire n’a pas à répondre des dégradations causées, par exemple, par des cambrioleurs. Mais qu’en est-il des actes de vandalisme causés par des squatteurs alors que le locataire aurait quitté un logement sans prévenir le propriétaire ?
Deux décisions de la Cour de cassation indiquent que celle-ci incline en faveur de la responsabilité du locataire dans cette hypothèse.

Dans la première affaire, une locataire avait cessé d’habiter dans le logement loué depuis plusieurs mois. Le propriétaire a découvert que la porte d’entrée de la maison avait été fracturée et que les vitres du logement avaient été cassées. La cour d’appel a rejeté les demandes du propriétaire vis-à-vis de la locataire au motif que celle-ci « démontre que les dégradations constatées sont le fait de tiers qui se sont introduits dans le logement, alors que, si elle n'habitait pas les lieux, sa famille en assurait la surveillance ».
La Cour de cassation a néanmoins censuré cette analyse : « en statuant ainsi, sans rechercher si en quittant les lieux définitivement sans en informer le bailleur, ni donner congé et restituer les clefs, Mme A... n'avait pas commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard de M. Y..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 janvier 2016, n°14-20.500).

Dans la seconde affaire, toute récente, il s’agissait d’un locataire commerçant ayant cessé d’exploiter le local loué. Du fait de cette inoccupation, des squatters avaient vandalisé le local. Après avoir obtenu la résiliation du bail, le propriétaire a demandé à l’ex locataire des dommages-intérêts correspondant à la franchise de loyers octroyée au locataire suivant pour remettre en état des locaux dégradés.
La cour d’appel a rejeté cette demande au motif que tout locataire ne répond que des dégradations lui incombant conformément aux dispositions de l'article 1732 du code civil.
Dans son pourvoi en cassation, le propriétaire a reproché à la cour de n’avoir pas « recherch[é], comme elle y avait été invitée, si ces actes de vandalisme n'avaient pas été rendus possibles par le comportement de la société preneuse, qui avait abandonné les lieux loués sans donner congé au bailleur, ni restituer les clés ni prendre les précautions nécessaires pour assurer la sécurité des lieux ».
La Cour de cassation lui a donné raison : « en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le preneur n'avait pas abandonné les lieux sans procéder à leur sécurisation avant son expulsion, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 25 octobre 2018, 16-17.172).

Frédéric Zumbiehl • Juriste UNPI