Une récente question écrite du député Richard Ramos a donné l’occasion au ministre de l’Economie et des finances de souligner que la convention AERAS (s'Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) a « permis de repousser les limites de l'assurabilité des personnes qui présentent ou ont présenté un risque aggravé de santé » (rép. ministér., Q. n° 17613, JO du 23 avril 2019 page, 3871).
Cette convention, qui reprend une démarche initiée en 1991 pour lutter contre l’exclusion des personnes séropositives, a été signée en 2006 entre l’Etat, des représentants des assureurs comme des banques (dont la Fédération française des sociétés d’assurances) et des associations de malades et consommateurs.
Son existence a été consacrée par la loi aux articles L.1141-2 et suivants du Code de la santé publique.
Elle a été améliorée à plusieurs reprises, notamment en 2015 pour intégrer un certain « droit à l’oubli ».
La convention AERAS, que les professionnels s’engagent à respecter, encadrent notamment la collecte des informations relatives à la santé par les assureurs (I), l’instruction des demandes d’assurance (II) et les surprimes qui peuvent être exigées (III).
Parmi les dispositions marquantes de la convention, que l’on peut consulter en intégralité sur le site officiel de la Convention, on peut citer tout d’abord le droit pour tout emprunteur de remplir le questionnaire de santé seul et/ou à domicile, droit qui doit être rappelé expressément dans ledit questionnaire.
La formulation des questionnaires de santé est encadrée.
Par exemple, ces derniers doivent se limiter à des éléments objectifs et ne pas aborder les « aspects intimes de la vie privée », tels que la sexualité.
De même, on ne peut interroger l’emprunteur sur des arrêts de travail inférieurs à 21 jours.
Concernant les examens médicaux pratiqués sous le contrôle des sociétés d’assurances, un code de bonne conduite est annexé à la Convention.
Notons que lorsque l’emprunteur a déjà subi des examens récents pour une société d’assurance, un assureur concurrent doit utiliser les résultats de ces examens et ne peut en exiger de nouveaux.
Tout refus doit être précisément motivé et justifie un second réexamen.
Pour tout prêt inférieur à 320.000 €, et si l’âge de l’emprunteur n’excède pas 70 ans en fin de prêt, un examen de « troisième niveau » par un « pool des risques très aggravés » est de droit.
La Convention prévoit également des dispositions pour permettre, en présence de risques aggravés, d’obtenir une garantie invalidité partielle (« garantie invalidité spécifique », GIS), ou au moins une garantie contre le risque de perte totale et irréversible de l’autonomie (GPIA).
Une grande avancée de la convention AERAS réside dans l’adoption d’une grille de référence par un groupe de travail (composé de médecins spécialistes et de médecins conseils des assureurs), qui précise, selon les situations pathologiques ou les antécédents pathologiques en cause, s’il est obligatoire de proposer une assurance sans surprime ou si une surprime est possible.
Plus précisément, comme l’indique le ministre dans la réponse ministérielle évoquée en introduction, la « grille de référence permet d'identifier, d'une part, les caractéristiques des pathologies et les délais au-delà desquels aucune majoration de tarif ou exclusion de garantie ne doit être appliquée et, d'autre part, les taux de surprimes maximaux applicables par les assureurs pour certaines des pathologies qui ne permettent pas l'application d'un tarif standard ».
Précisons toutefois que cette grille ne s’applique que pour les prêts de moins de 320.000 € (sans prise en compte des éventuels crédits relais s’il s’agit de l’achat d’une résidence principale) et à condition que l’emprunteur ait moins de 70 ans en fin de prêt.
Bien évidemment, la grille de référence a vocation à être régulièrement mise à jour en fonction des progrès de la médecine.
Par ailleurs, et au-delà de la grille de référence, la convention AERAS comporte un dispositif d’écrêtement des surprimes à destination des emprunteurs aux revenus modestes, lorsqu’ils empruntent moins de 320.000 € pour l’achat d’une résidence principale (en principe, « la prime d’assurance ne peut représenter plus de 1,4 point dans le taux effectif global des emprunts »).
Toute personne qui se verrait refuser un crédit ou une assurance en contradiction avec cette convention peut saisir la Commission de méditation prévue par la Convention.
Celle-ci vient d’ailleurs de publier en mars 2015 un bilan de l’année 2018. Selon son communiqué, ce rapport « fait état de 613 courriers reçus, dont 208 demandes de médiation recevables. Sur l’ensemble des médiations clôturées, satisfaction totale ou partielle a été donné aux demandeurs dans 23% des cas (52 dossiers) ».
La convention AERAS est relativement complexe – à l’instar des maladies qui peuvent frapper une personne au cours de sa vie – et comporte sans doute des axes d’amélioration.
Mais elle constitue un progrès indéniable dans l’accès des personnes malades ou anciennement atteintes de pathologies graves à l’emprunt.
Elle gagne donc à être connue de tous !
Frédéric Zumbiehl • Juriste UNPI