Un couple de locataires en situation d’impayés avait été assigné en résiliation du bail en 2013. Les débiteurs avaient ensuite sollicité l’ouverture d’une procédure de surendettement, à la suite de quoi leur rétablissement personnel sans liquidation judiciaire avait été prononcé en 2015.
Ce rétablissement personnel entraîne l’effacement de toutes les dettes non professionnelles antérieures (à l’exception notamment des dettes d’aliments ou de celles payées par une caution ou on coobligé personne physique ; voir article L. 741-2 du Code de la consommation).
Malgré tout, la cour d’appel a confirmé la résiliation du bail et ordonné l’expulsion des locataires en 2016.
Les locataires critiquaient une telle décision alors que, selon eux, « l'effacement d'une dette locative à l'issue d'une procédure de traitement du surendettement fait obstacle au prononcé de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers couverts par la mesure d'effacement ».
Cette décision, publiée au Bulletin de la Cour de cassation, est importante pour les propriétaires.
Elle n’est pas remise en cause par la loi ELAN du 23 novembre 2018.
On sait que cette loi a modifié la loi du 6 juillet 1989 (sur les baux d’habitation) et le Code de la consommation pour mieux coordonner les procédures de surendettement et d’expulsion. Il s’agit en particulier, lorsqu’une action en résiliation et une procédure de surendettement sont menées en parallèle, d’harmoniser les délais de paiement accordés au débiteur (voir notre circulaire UNPI du 22 mai 2019).
En matière de rétablissement personnel, il est désormais acté que si le rétablissement personnel est prononcé, « le juge suspend les effets de la clause de résiliation de plein droit pendant un délai de deux ans à partir de la date de la décision imposant les mesures d'effacement ou du jugement de clôture » (article 24, VIII de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989). « Si le locataire s'est acquitté du paiement des loyers et des charges conformément au contrat de location pendant le délai de deux ans mentionné au premier alinéa du présent VIII, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet ».
Il en ressort que, si le locataire paye correctement ses loyers en cours pendant deux ans (mais non sa dette, qui est effacée), une clause résolutoire ne peut plus jouer pour les loyers antérieurs.
Bien évidemment, s’il cesse de payer ses loyers en cours, une nouvelle action en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire peut être initiée.
Mais surtout, la solution défendue par la Cour de cassation le 10 janvier dernier subsiste. Il ne faut pas en effet confondre l’action en constatation de la résiliation du bail et une action en résiliation judiciaire.
La première vise à contraindre le juge à « constater » la résolution du bail par le simple jeu de la clause de résiliation de plein droit contenue dans le bail (qui ne peut concerner que le non-paiement des loyers ou le défaut d’assurance habitation).
La seconde vise simplement à demander au juge de prononcer la résolution du bail en raison d’un manquement grave au contrat (quel qu’en soit la nature). En effet, « la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice » (article 1227 du Code civil ; voir ancien article 1184 du Code civil). Le juge dispose alors d’une large marge d’appréciation pour décider si le manquement invoqué est assez grave pour justifier la résiliation anticipée du bail.
Le cas échéant, votre avocat vous aidera à choiri la stratégie la mieux adaptée à la situation.
Frédéric Zumbiehl
Juriste UNPI