Un voisin peut-il utiliser le mur arrière de ma maison comme mur de soutènement ? Notre voisin a effectué des remblais tout le long de notre mur arrière de maison sur une hauteur de 40 cm à 1 m et sur 15 m de long. En fait, il se sert de notre mur de maison comme mur de soutènement de ses terres et ce, pour pouvoir accès à son logement de plain-pied.
Est-ce normal ?
De toute évidence, l’utilisation par un voisin d’un mur privatif comme mur de soutènement caractérise une atteinte au droit de propriété.
On peut notamment le déduire d’une lecture a contrario de l’article 657 du Code civil. Selon cet article, inchangé depuis 1804, « tout copropriétaire peut faire bâtir contre un mur mitoyen ».
A l’inverse, on ne peut s’appuyer sans autorisation sur un mur privatif.
Une ancienne décision de 1982 le confirme dans le cas précis d’un voisin qui appuyait ses terres de remblai sur un mur privatif (C.Cass., 3ème civ., 9 juin 1982, Gaz. Pal., 1982, II, p. 358).
Dans cette hypothèse, cette décision indique le propriétaire a le choix entre réclamer des dommages-et-intérêts et l’arrêt de l’utilisation abusive du mur, ou bien, ce qui parait plus simple, l’acquisition forcée de la mitoyenneté par le voisin.
Logiquement, cela a pour conséquence de contraindre le voisin à rembourser une partie des frais d’édification dudit mur.
Les termes de l’article 661 du Code civil, qui concerne la possibilité pour un voisin de rendre un mur mitoyen (afin de pouvoir, lui aussi, l’utiliser), sont tout-à-fait applicables ici. Ainsi, le voisin devra rembourser « au maître du mur la moitié de la dépense qu'il a coûté, ou la moitié de la dépense qu'a coûté la portion du mur qu'il veut rendre mitoyenne et la moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti. La dépense que le mur a coûtée est estimée à la date de l'acquisition de sa mitoyenneté, compte tenu de l'état dans lequel il se trouve ».
Bien sûr, la solution consistant à rendre le mur mitoyen n’est bonne que si elle est techniquement valable. Si le mur existant ne peut servir à soutenir les terres du voisin sans dommage, il faudra prévoir une autre solution.
Le voisin étant en l’espèce celui qui réalise des travaux, c’est à lui de faire intervenir un expert ou un architecte pour proposer une solution technique.
Même dans l’hypothèse où le mur en cause serait déjà mitoyen, le voisin aurait au moins dû recueillir votre avis avant de s’en servir comme mur de soutènement. En effet, l’article 662 du Code civil indique que « l'un des voisins ne peut pratiquer dans le corps d'un mur mitoyen aucun enfoncement, ni y appliquer ou appuyer aucun ouvrage sans le consentement de l'autre, ou sans avoir, à son refus, fait régler par experts les moyens nécessaires pour que le nouvel ouvrage ne soit pas nuisible aux droits de l'autre ».
Frédéric Zumbiehl • Juriste UNPI